Proche-Orient
L’Initiative de Genève sur les rails lundi
L’Initiative de Genève doit être officiellement lancée lundi dans la ville suisse du même nom. Ce plan de paix alternatif, proposé par des personnalités israéliennes et palestiniennes qui pendant plus de deux ans se sont rencontrées dans le plus grand secret, a l’ambition de montrer qu’un règlement négocié du conflit au Proche-Orient reste possible malgré plus de trois ans d’Intifada. En proposant des solutions à toutes les questions de fond –statut de Jérusalem, dossier des réfugiés ou encore problème des colonies–, ce plan offre en outre un modèle pour un règlement permanent du conflit. Quelque 700 personnes, parmi lesquelles des députés de la Knesset et du Conseil législatif palestinien, des responsables des services de renseignement israéliens et palestiniens, des généraux en retraite, des hommes d’affaires ainsi que des universitaires et des artistes, doivent participer à la cérémonie de lancement de cette Initiative. L’ancien président américain, Jimmy Carter, prix Nobel de la paix et surtout parrain des accords de Camp David de 1979, est également attendu à Genève.
Les promoteurs de l’Initiative de Genève ne remercieront sans doute jamais assez Ariel Sharon pour sa contribution au succès grandissant que connaît leur plan. En dénonçant avec virulence leur projet, qualifié de «complot destiné à déstabiliser son gouvernement» et décrit comme «pire que les accords d’Oslo», le Premier ministre israélien a en effet braqué les projecteurs sur une proposition qui n’avait pourtant aucune légalité puisque ses initiateurs agissaient de leur propre chef, sans aucun mandat des dirigeants israéliens et palestiniens. L’impasse dans laquelle se trouve la Feuille de route, implicitement morte depuis la démission en septembre du Premier ministre palestinien Mahmoud Abbas, n’est sans doute pas non plus étrangère à l’intérêt porté à l’Initiative de Genève. Car si le soutien international à ce plan de paix est resté jusqu’à présent plutôt timide, les gouvernements hésitant à s’engager aux côtés de politiciens qui ne représentent pas les autorités officielles, de plus en plus de voix s’élèvent pour encourager un projet qui de l’avis même de ses promoteurs constitue «peut-être la seule chance d’appliquer la Feuille de route».
L’Union européenne, qui parraine le plan de paix au Proche-Orient aux côtés des Etats-Unis, de la Russie et des Nations unies, a ainsi estimé que l’Initiative de Genève était un processus susceptible de déblayer le terrain sur les questions les plus épineuses des négociations finales entre Palestiniens et Israéliens. Le porte-parole du Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, a notamment évoqué une «complémentarité» entre ce plan alternatif et la Feuille de route et Javier Solana s’est lui-même entretenu à plusieurs reprises avec les principaux initiateurs du projet. Certains diplomates européens, s’exprimant sous couvert de l’anonymat pour ne pas irriter les autorités israéliennes, se félicitent en outre que cette initiative émane de la société civile. «Cette démarche, estiment-ils notamment, montre à la fois que la paix est possible, qu’il y a des gens qui sont capables d’y réfléchir dès à présent et que les problèmes ne sont pas insolubles». Malgré cette bonne disposition, l’Union européenne reste toutefois consciente de la différence de statut entre la Feuille de route, entérinée la semaine dernière par le Conseil de sécurité et reconnue à contre-cœur par Israël, et le pacte de Genève dont l’Etat hébreu ne veut pas entendre parler. C’est ce qui explique sans doute que les Européens aient décidé de se faire représenter lundi en Suisse par un proche collaborateur de Marc Otte, l’émissaire de l’UE pour le Proche-Orient.
Washington mieux disposé
Même l’administration américaine, qui dans un premier temps avait jugé l’Initiative de Genève comme «inutile» compte tenu de l’existence de la Feuille de route – et cela en dépit de son désengagement flagrant sur le terrain–, semble aujourd’hui dans de meilleures dispositions. Le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, avait certes envoyé une lettre «d’encouragement» à l’Israélien Yossi Beilin et au Palestinien Yasser Abed Rabbo, les deux pères de ce plan de paix non officiel. Il pourrait faire un geste beaucoup plus spectaculaire en recevant à Washington les deux hommes. Le porte-parole de Yossi Beilin a en effet affirmé mercredi dernier que «les promoteurs palestiniens et israéliens de l’Initiative de Genève seront reçus par des membres du gouvernement américain dans les deux prochaines semaines». L’administration Bush qui ne cache plus son mécontentement face à la politique de colonisation menée par le gouvernement Sharon –elle vient de réduire symboliquement ses garanties bancaires à Israël– ou encore face au tracé de la «clôture de sécurité», pourrait être tentée de relancer le processus de paix en prenant en marche le train de l’Initiative de Genève. A moins que leur nouvelle position ne soit qu’une stratégie visant à faire pression sur le Premier ministre israélien pour qu’il se décide enfin à faire des concessions et appliquer la Feuille de route pour laquelle les Etats-Unis viennent, une fois n’est pas coutume, de voter la résolution du Conseil de sécurité qui rend obligatoire son application.
Dans ce contexte, l’Initiative de Genève aura au moins réussi à approcher son objectif de faire pression sur Ariel Sharon pour le forcer à changer de politique. Le Premier ministre, en chute dans les sondages depuis trois mois alors qu’aucun attentat n’a été commis depuis plus de six semaines en Israël, a semble-t-il compris le message puisqu’il a lui-même laissé entendre, il y a quelques jours, qu’il «n’écartait pas des gestes unilatéraux» de son gouvernement en vue de réduire les attaques anti-israéliennes et d’alléger la pression sur la population palestinienne et cela au risque de se mettre à dos la branche dure de son parti et les colons opposés à la création d’un Etat palestinien. Ariel Sharon, qui doit sans doute se mordre les doigts d’avoir stigmatisé l’Initiative de Genève, la rendant du coup populaire, doit désormais prendre en compte son succès grandissant. Un récent sondage, publié par l’International Crisis Group et le James Baker Institute, vient en effet de révéler que 53 % d’Israéliens et 55% de Palestiniens seraient prêt à apporter leur soutien à un plan qui respecterait les grandes lignes de cette initiative de paix. Il est sans doute plus facile pour le Premier ministre israélien de contrer un projet émanant de l’opposition de gauche qu’une initiative à laquelle adhère un nombre croissant d’Israéliens.
A écouter également :
Reportage de Dominique Roch à Ramallah, 01/12/2003, 3'50
Alexis Keller, universitaire suisse, invité de Pierre Ganz, 01/12/2003, 6'40
A lire :
L'édito international de Michèle Gayral
L’Union européenne, qui parraine le plan de paix au Proche-Orient aux côtés des Etats-Unis, de la Russie et des Nations unies, a ainsi estimé que l’Initiative de Genève était un processus susceptible de déblayer le terrain sur les questions les plus épineuses des négociations finales entre Palestiniens et Israéliens. Le porte-parole du Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères, a notamment évoqué une «complémentarité» entre ce plan alternatif et la Feuille de route et Javier Solana s’est lui-même entretenu à plusieurs reprises avec les principaux initiateurs du projet. Certains diplomates européens, s’exprimant sous couvert de l’anonymat pour ne pas irriter les autorités israéliennes, se félicitent en outre que cette initiative émane de la société civile. «Cette démarche, estiment-ils notamment, montre à la fois que la paix est possible, qu’il y a des gens qui sont capables d’y réfléchir dès à présent et que les problèmes ne sont pas insolubles». Malgré cette bonne disposition, l’Union européenne reste toutefois consciente de la différence de statut entre la Feuille de route, entérinée la semaine dernière par le Conseil de sécurité et reconnue à contre-cœur par Israël, et le pacte de Genève dont l’Etat hébreu ne veut pas entendre parler. C’est ce qui explique sans doute que les Européens aient décidé de se faire représenter lundi en Suisse par un proche collaborateur de Marc Otte, l’émissaire de l’UE pour le Proche-Orient.
Washington mieux disposé
Même l’administration américaine, qui dans un premier temps avait jugé l’Initiative de Genève comme «inutile» compte tenu de l’existence de la Feuille de route – et cela en dépit de son désengagement flagrant sur le terrain–, semble aujourd’hui dans de meilleures dispositions. Le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, avait certes envoyé une lettre «d’encouragement» à l’Israélien Yossi Beilin et au Palestinien Yasser Abed Rabbo, les deux pères de ce plan de paix non officiel. Il pourrait faire un geste beaucoup plus spectaculaire en recevant à Washington les deux hommes. Le porte-parole de Yossi Beilin a en effet affirmé mercredi dernier que «les promoteurs palestiniens et israéliens de l’Initiative de Genève seront reçus par des membres du gouvernement américain dans les deux prochaines semaines». L’administration Bush qui ne cache plus son mécontentement face à la politique de colonisation menée par le gouvernement Sharon –elle vient de réduire symboliquement ses garanties bancaires à Israël– ou encore face au tracé de la «clôture de sécurité», pourrait être tentée de relancer le processus de paix en prenant en marche le train de l’Initiative de Genève. A moins que leur nouvelle position ne soit qu’une stratégie visant à faire pression sur le Premier ministre israélien pour qu’il se décide enfin à faire des concessions et appliquer la Feuille de route pour laquelle les Etats-Unis viennent, une fois n’est pas coutume, de voter la résolution du Conseil de sécurité qui rend obligatoire son application.
Dans ce contexte, l’Initiative de Genève aura au moins réussi à approcher son objectif de faire pression sur Ariel Sharon pour le forcer à changer de politique. Le Premier ministre, en chute dans les sondages depuis trois mois alors qu’aucun attentat n’a été commis depuis plus de six semaines en Israël, a semble-t-il compris le message puisqu’il a lui-même laissé entendre, il y a quelques jours, qu’il «n’écartait pas des gestes unilatéraux» de son gouvernement en vue de réduire les attaques anti-israéliennes et d’alléger la pression sur la population palestinienne et cela au risque de se mettre à dos la branche dure de son parti et les colons opposés à la création d’un Etat palestinien. Ariel Sharon, qui doit sans doute se mordre les doigts d’avoir stigmatisé l’Initiative de Genève, la rendant du coup populaire, doit désormais prendre en compte son succès grandissant. Un récent sondage, publié par l’International Crisis Group et le James Baker Institute, vient en effet de révéler que 53 % d’Israéliens et 55% de Palestiniens seraient prêt à apporter leur soutien à un plan qui respecterait les grandes lignes de cette initiative de paix. Il est sans doute plus facile pour le Premier ministre israélien de contrer un projet émanant de l’opposition de gauche qu’une initiative à laquelle adhère un nombre croissant d’Israéliens.
A écouter également :
Reportage de Dominique Roch à Ramallah, 01/12/2003, 3'50
Alexis Keller, universitaire suisse, invité de Pierre Ganz, 01/12/2003, 6'40
A lire :
L'édito international de Michèle Gayral
par Mounia Daoudi
Article publié le 29/11/2003