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Proche-Orient

Sharon : «<i>Arafat a franchi la ligne rouge</i>»

Ariel Sharon veut profiter de l'assassinat d'un ministre israélien par le FPLP pour mettre définitivement hors jeu Yasser Arafat et l'Autorité palestinienne.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

En abattant pour la première fois depuis 1948 un ministre israélien en exercice sur le sol de l'Etat hébreu, le commando du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) a signé une opération qui du point de vue militaire est une réussite, mais une réussite aux conséquences dommageables pour les Palestiniens. Yasser Arafat a «franchi la ligne rouge», aurait déclaré à ses proches Ariel Sharon. Pour le premier ministre, «une nouvelle époque» a commencé. Il pourrait être tenté d'en finir une fois pour toute avec son ennemi juré.

C'est le sens du communiqué menaçant publié mercredi soir à l'issue de trois heures de réunion du cabinet de sécurité. Ou Arafat arrête et livre à Israël les auteurs de l'attentat. Ou l'Etat hébreu considérera l'autorité palestinienne comme une entité abritant des terroristes et elle livrera le même combat que les Etats-Unis contre les Taliban à Kaboul : autrement dit, le pouvoir du leader palestinien serait alors en danger.

M. Sharon veut profiter du contexte mondial pour discréditer Yasser Arafat auprès de la communauté internationale. Le premier ministre trouve en effet dans cette attaque l'opportunité de reprendre la main diplomatiquement. Après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, son équation Arafat = Ben Laden n'avait reçu que très peu d'écho à l'étranger. Au contraire, c'est Yasser Arafat qui habilement était apparu comme le «good guy» le bon élève de la coalition anti-terroriste mise sur pied par Washington. En échange de ses gestes pour faire respecter le cessez-le-feu, George Bush avait appelé pour la première fois à la création d'un état palestinien. L'attentat contre Rehevam Zeevi renverse complètement la donne. Le dos au mur, Arafat est sommé d'agir, soumis à une obligation de résultats.

Si le chef de l'OLP, après avoir condamné l'attaque meurtrière, a cédé aux injonctions d'Israël, en demandant l'arrestation de ces auteurs, c'est qu'il a compris le danger qui guettait. Face aux pressions américaines et européennes, il a promis à Shimon Pérès qu'il allait désormais contrôler le FPLP. Sur le terrain, quelques heures après l'attentat, plusieurs membres de l'organisation radicale ont été arrêtés. On ignore le nombre. Les services palestiniens sont extrêmement discrets. Ils savent que ces arrestations sont impopulaires dans le contexte de l'intifada.

Ultranationaliste et antiarabe

Les réactions en Cisjordanie et dans la bande de Gaza oscillent en effet entre craintes d'une invasion israélienne de représailles et satisfaction non-dissimulée après une opération vue comme une revanche légitime à l'assassinat fin août par Israël d'Abou Ali Moustapha, le numéro un du FPLP. La peur de la population était justifiée. Ce matin, des troupes, appuyées par des tanks et des hélicoptères ont pénétré profondément en zone autonome près de Ramallah et Jénine (Cisjordanie). De violents accrochages ont opposé tireurs palestiniens à l'armée de l'Etat hébreu. Un policier palestinien et une lycéenne ont été tués au cours des heurts qui ont suivi ces incursions. C'est un brutal retour en arrière. De la même manière, sur le terrain, les restrictions de mouvements imposées à la population ont été rétablies. Elles avaient été levées pendant 48 heures.

Si Yasser Arafat, pour desserrer l'étau autour de lui, consent à mettre sous les verrous des trublions du FPLP, en revanche, l'extradition des auteurs de l'attaque paraît irréaliste. Jamais dans le passé, il n'a obtempéré à une telle demande qui le ferait passer auprès de son peuple pour un «collabo» à la solde d'Israël. D'autres arrestations devraient plus vraisemblablement avoir lieu dans les jours qui viennent. Plus que jamais, le leader palestinien a besoin de calme en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, afin de reprendre le dessus.



par Georges  Malbrunot

Article publié le 18/10/2001