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Proche-Orient

La riposte politique de Sharon

Dans la nuit de jeudi à vendredi, Israël a riposté à l'attentat de Jérusalem en occupant la Maison de l'Orient, le siège officieux de l'OLP dans la Ville Sainte.
On attendait une réponse militaire dévastatrice de la part d'Israël après l'attentat de la pizzeria Sbarro de Jérusalem, la riposte est venue sur le terrain politique. Certes, dès la soirée de jeudi, des chasseurs-bombardiers F-16 ont bombardé un poste de police palestinien de Ramallah sans faire de victimes. Incidemment, au printemps, l'emploi de F-16 par l'aviation israélienne pour bombarder la prison de Naplouse avait suscité de vives protestations de Washington. Ariel Sharon a sans doute estimé que la vive émotion causée par le massacre de Jérusalem dissuaderait les Etats-Unis de protester contre l'emploi des F-16.

Militairement, Israël n'a sans doute pas dit son dernier mot et il est fort possible que dans les heures et les jours qui viennent, d'autres opérations militaires fassent des victimes. Les Palestiniens s'y préparent. Mais la vraie réponse à l'attentat de Jérusalem a été l'occupation de la Maison de l'Orient, le siège officieux de l'OLP à Jérusalem-Est.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, la police israélienne a investi le bâtiment, ainsi que neuf autres bureaux dépendant de l'Autorité palestinienne à Jérusalem-Est. Les nouveaux occupants ont aussitôt amené le drapeau palestinien pour hisser à la place celui d'Israël. Parallèlement, l'armée israélienne a occupé le siège de l'Autorité palestinienne dans la localité d'Abou Dis, un faubourg de Jérusalem-Est qui abrite notamment les futurs locaux du parlement palestinien. Les soldats israéliens ont délogé le gouverneur palestinien de ses bureaux car, selon un porte-parole militaire, «il abritait des services de sécurité palestiniens qui n'ont pas le droit d'opérer dans cette zone sous contrôle sécuritaire israélien».

L'affirmation de la souveraineté israélienne sur Jérusalem-Est

Les mesures décidées par Ariel Sharon et son cabinet de sécurité sont bien sûr symboliques, mais, il s'agit là de symboles puissants, au c£ur du conflit israélo-palestinien. Durant toute la première Intifada (1987-1993), le gouvernement d'Yitzhak Shamir n'avait pas osé s'en prendre à la Maison d'Orient. Durant les trois années de règne de Benyamin Netanyahjou, en dépit de nombreux effets d'annonce, le gouvernement israélien n'avait pas davantage tenté de fermer la Maison d'Orient. Entre-temps, l'Union européenne avait donné pour instruction à tous les ministres européens de passage à Jérusalem de rendre une visite de courtoisie à la Maison de l'Orient et à son illustre occupant et propriétaire, Fayçal Husseini, descendant du chef nationaliste Abdel Kader Husseini, et responsable du dossier de Jérusalem au sein de l'OLP.

La mort en juin dernier de Fayçal Husseini a sans aucun doute facilité la décision prise jeudi soir par Ariel Sharon. Le chef du gouvernement israélien a sans doute également compté sur l'immense émotion soulevée à travers le monde par l'attentat de la pizzeria pour avancer ses pions sur un terrain immensément populaire dans l'opinion israélienne : la question de Jérusalem. D'une certaine façon, il peut compter sur un soulagement des chancelleries : voilà du moins une riposte qui n'aggrave pas le bilan des victimes. Du moins dans un premier temps.

Car le dossier de Jérusalem, on l'a vu lors des négociations de Camp David, est éminemment explosif et déborde largement le conflit bilatéral israélo-palestinien. A l'évidence, la police de l'Etat hébreu n'a pas occupé la Maison de l'Orient pour s'en retirer dès le calme revenu. Il s'agit de la plus formidable affirmation de la souveraineté israélienne sur la partie occupée de la Ville Sainte depuis son annexion en juin 1967. Cela ne manquera pas de faire réagir les dirigeants du monde arabo-musulman, bien davantage que le bilan des victimes palestiniennes des affrontements. Un proche conseiller de Yasser Arafat, Nabil Abou Roudeina, a pour sa part mis en garde «avec force contre les conséquences destructrices entreprises par le gouvernement d'Ariel Sharon, notamment l'occupation de la Maison de l'Orient».



par Olivier  Da Lage

Article publié le 10/08/2001