Proche-Orient
Déprime ordinaire à Gaza
Depuis plus d'un an, début de l'intifada, la bande de Gaza est fermée. A de très rares exceptions près, les Palestiniens n'ont plus le droit d'en sortir, ni d'y entrer. A l'intérieur de cette prison à ciel ouvert, la population se sent abandonnée du monde entier, impuissante face à la force déployée par les Israéliens.
De notre envoyée spéciale
Raffah, la ville la plus au sud de la bande de Gaza.. Le bout d'une ruelle sableuse est obstrué par un énorme tas de ruines et de gravats, les restes des quarante maisons détruites ici par l'armée israélienne depuis le début de l'intifada. Ibrahim Abou Shattat habitait l'une d'entre elle. Aujourd'hui, il vit avec sa femme et ses sept enfants, dans un cabanon sans eau ni électricité, qu'il loue pour une dizaine de dollars par mois. «Mes économies auront bientôt complètement fondu» se désole Ibrahim «Et nous nous retrouverons tous à la rue». L'homme lève les mains au ciel, et les referme dans un geste d'impuissance. «Je ne sais pas pourquoi ils ont détruit ma maison» dit-il «Aucun tireur n'y était jamais entré. Aujourd'hui je n'ai plus rien. Plus de travail, plus de maison, plus rien. Notre avenir est noir, aveugle, suspendu. Le monde entier nous a abandonné.»
Dehors, les enfants jouent avec une balle en tissu. Tous évitent soigneusement le bout de la rue. «Ou sinon, ils tirent» explique un gamin en désignant le fortin israélien situé à une dizaine de mètres. Le drapeau frappé de l'étoile de David flotte au dessus des ruines. Avant, on appelait cet endroit La porte de Saladin. Mais aujourd'hui, le lieu a été rebaptisé La porte de la mort. Cinquante personnes ont été tuées ici depuis le début de l'intifada.
«Jamais je ne pourrai récupérer ma terre»
Au centre de la bande de Gaza, de chaque côté de la route principale, des bulldozers et des rouleaux compresseurs aplanissent le terrain sous la surveillance de soldats israéliens. Le début d'un grand chantier. On construit une nouvelle route, et un autopont, pour permettre aux colons de rejoindre leurs habitations sans qu'ils n'aient à croiser la route empruntée par les Palestiniens. De la cour de sa maison, Mteer Abou Holé observe le déroulement des travaux. «C'est ma terre. Celle de ma famille depuis des générations» lance-t-il. Et il ajoute : «Avant, on y cultivait des légumes, des olives et des oranges. Aujourd'hui, les Israéliens y font pousser du béton armé. Le lancement de ce chantier, pour moi, cela signifie que je dois arrêter d'espérer. Jamais, je ne pourrai récupérer ma terre.»
Lorsqu'une voiture de colons approche à l'horizon, le plus souvent encadrée de deux jeeps blindées, la circulation est immédiatement arrêtée sur la route empruntée par les Palestiniens. Ils doivent parfois patienter pendant plusieurs heures au barrage dressé par l'armée avant de pouvoir passer. «La construction de ce pont permettra le rétablissement d'une circulation normale pour les habitants de la bande de Gaza. L'attente qu'ils doivent subir actuellement est insupportable pour eux» assure-t-on de source militaire israélienne. A l'écoute de ce commentaire, le fils aîné de Mteer lâche dans un éclat de rire : «C'est comme s' ils nous disaient qu'ils tuent nos enfants pour les empêcher de tomber malades.» Un peu plus loin, le long de champs dévastés par le passage des bulldozers, une jeune fille soutient une femme très âgée. «C'est ma grand mère» explique-t-elle, «Tous les jours, elle me demande de l'accompagner ici. Avant, c'était notre champ d'oliviers. Ils avaient été plantés par notre aïeul, il y a une centaine d'années. Ma grand mère dit qu'ils représentaient tout notre passé.»
Assis sous un arbre, leurs fusils mitrailleurs déposés à leurs pieds, trois policiers Palestiniens boivent le thé. Derrière eux, un champ d'oignons et de fraises s'étend jusqu'à la colonie de Douguit, à la limite nord de la bande de Gaza. De temps à autre, les policiers observent le champ à la jumelle. Depuis trois heures, deux chars et deux bulldozers israéliens y évoluent en toute tranquillité. «Que pouvons nous faire» soupire un policier «nous n'allons pas tirer sur ces engins blindés !» Un homme arrête sa camionnette, et en descend pour se renseigner. Mohamad Rabah Al Atar est le propriétaire du champ. «Les chars sont toujours là ?» interroge-t-il inquiet. Et il ajoute «Ma femme et moi, nous travaillons tout seuls sur nos terres. Personne ne veut plus venir avec nous. Tout le monde trouve cela trop risqué.»
Au cours de précédentes incursions, les bulldozers israéliens ont déjà dévasté 15 hectares sur les 55 que compte l'exploitation de Mohamad Rabah Al Atar, qui redoute la poursuite de ces destructions. «C'est notre seul revenu, notre seule façon de gagner de quoi manger» explique-t-il. A la tombée de la nuit, les engins israéliens repartent vers la colonie juive. Lors des trois heures qu'a duré l'incursion, aucun coup de feu n'aura été tiré.
Raffah, la ville la plus au sud de la bande de Gaza.. Le bout d'une ruelle sableuse est obstrué par un énorme tas de ruines et de gravats, les restes des quarante maisons détruites ici par l'armée israélienne depuis le début de l'intifada. Ibrahim Abou Shattat habitait l'une d'entre elle. Aujourd'hui, il vit avec sa femme et ses sept enfants, dans un cabanon sans eau ni électricité, qu'il loue pour une dizaine de dollars par mois. «Mes économies auront bientôt complètement fondu» se désole Ibrahim «Et nous nous retrouverons tous à la rue». L'homme lève les mains au ciel, et les referme dans un geste d'impuissance. «Je ne sais pas pourquoi ils ont détruit ma maison» dit-il «Aucun tireur n'y était jamais entré. Aujourd'hui je n'ai plus rien. Plus de travail, plus de maison, plus rien. Notre avenir est noir, aveugle, suspendu. Le monde entier nous a abandonné.»
Dehors, les enfants jouent avec une balle en tissu. Tous évitent soigneusement le bout de la rue. «Ou sinon, ils tirent» explique un gamin en désignant le fortin israélien situé à une dizaine de mètres. Le drapeau frappé de l'étoile de David flotte au dessus des ruines. Avant, on appelait cet endroit La porte de Saladin. Mais aujourd'hui, le lieu a été rebaptisé La porte de la mort. Cinquante personnes ont été tuées ici depuis le début de l'intifada.
«Jamais je ne pourrai récupérer ma terre»
Au centre de la bande de Gaza, de chaque côté de la route principale, des bulldozers et des rouleaux compresseurs aplanissent le terrain sous la surveillance de soldats israéliens. Le début d'un grand chantier. On construit une nouvelle route, et un autopont, pour permettre aux colons de rejoindre leurs habitations sans qu'ils n'aient à croiser la route empruntée par les Palestiniens. De la cour de sa maison, Mteer Abou Holé observe le déroulement des travaux. «C'est ma terre. Celle de ma famille depuis des générations» lance-t-il. Et il ajoute : «Avant, on y cultivait des légumes, des olives et des oranges. Aujourd'hui, les Israéliens y font pousser du béton armé. Le lancement de ce chantier, pour moi, cela signifie que je dois arrêter d'espérer. Jamais, je ne pourrai récupérer ma terre.»
Lorsqu'une voiture de colons approche à l'horizon, le plus souvent encadrée de deux jeeps blindées, la circulation est immédiatement arrêtée sur la route empruntée par les Palestiniens. Ils doivent parfois patienter pendant plusieurs heures au barrage dressé par l'armée avant de pouvoir passer. «La construction de ce pont permettra le rétablissement d'une circulation normale pour les habitants de la bande de Gaza. L'attente qu'ils doivent subir actuellement est insupportable pour eux» assure-t-on de source militaire israélienne. A l'écoute de ce commentaire, le fils aîné de Mteer lâche dans un éclat de rire : «C'est comme s' ils nous disaient qu'ils tuent nos enfants pour les empêcher de tomber malades.» Un peu plus loin, le long de champs dévastés par le passage des bulldozers, une jeune fille soutient une femme très âgée. «C'est ma grand mère» explique-t-elle, «Tous les jours, elle me demande de l'accompagner ici. Avant, c'était notre champ d'oliviers. Ils avaient été plantés par notre aïeul, il y a une centaine d'années. Ma grand mère dit qu'ils représentaient tout notre passé.»
Assis sous un arbre, leurs fusils mitrailleurs déposés à leurs pieds, trois policiers Palestiniens boivent le thé. Derrière eux, un champ d'oignons et de fraises s'étend jusqu'à la colonie de Douguit, à la limite nord de la bande de Gaza. De temps à autre, les policiers observent le champ à la jumelle. Depuis trois heures, deux chars et deux bulldozers israéliens y évoluent en toute tranquillité. «Que pouvons nous faire» soupire un policier «nous n'allons pas tirer sur ces engins blindés !» Un homme arrête sa camionnette, et en descend pour se renseigner. Mohamad Rabah Al Atar est le propriétaire du champ. «Les chars sont toujours là ?» interroge-t-il inquiet. Et il ajoute «Ma femme et moi, nous travaillons tout seuls sur nos terres. Personne ne veut plus venir avec nous. Tout le monde trouve cela trop risqué.»
Au cours de précédentes incursions, les bulldozers israéliens ont déjà dévasté 15 hectares sur les 55 que compte l'exploitation de Mohamad Rabah Al Atar, qui redoute la poursuite de ces destructions. «C'est notre seul revenu, notre seule façon de gagner de quoi manger» explique-t-il. A la tombée de la nuit, les engins israéliens repartent vers la colonie juive. Lors des trois heures qu'a duré l'incursion, aucun coup de feu n'aura été tiré.
par Anne Corpet
Article publié le 03/11/2001