Proche-Orient
Bethléem panse ses plaies
Ce lundi, Bethléem s'est éveillée apaisée. Pour la première fois depuis dix jours, les habitants de la ville ont pu sortir de chez eux, et se livrer à leurs occupations sans crainte de se faire tuer. Reportage.
De notre envoyée spéciale
Sept heures du matin devant le check-point israélien qui filtre les entrées et sorties de la ville. Une file de travailleurs palestiniens, baluchons à la main, se pressent devant le barrage. Tous sont munis de l'indispensable laisser-passer, qui les autorise à quitter Bethléem pour aller travailler.
Débonnaire, un soldat israélien vérifie les identités. «Allez-y, allez-y» lance-t-il ensuite en arabe aux Palestiniens contrôlés. Ahmed doit rejoindre un chantier à l'est de Jérusalem. Il est ouvrier. «Je n'ai pas pu aller travailler depuis dix jours» explique-t-il. «Je commençais à me demander comment j'allais faire pour nourrir ma famille si la situation perdurait.»
Ailleurs, Bethléem commence à s'éveiller. Les volets, fermés depuis dix jours, s'ouvrent enfin sur une ville apaisée. Puis sortent les enfants, cartables au dos. Pour la première fois depuis dix jours, ils retournent à l'école. «Je n'imaginais pas que cela pourrait me manquer» lance un petit garçon, «mais étudier, c'est vraiment mieux que de rester chez soi à écouter les balles siffler» Quand on lui annonce qu'exceptionnellement, afin de rattraper ces dix jours d'absentéisme forcé, il devra travailler ce vendredi, jour habituel de congés, le gamin ne peut cependant s'empêcher de grimacer.
18 millions de dollars de dégâts
Rapidement, un embouteillage se forme dans la rue principale. Chacun vient constater les dégâts occasionnés par dix jours de violents affrontements. L'hôtel Paradise, à la façade calcinée, est la grande attraction de la journée. Tout autour, les commerçants travaillent d'arrache-pied pour déblayer les gravats, les morceaux de fer ou de verre qui jonchent le sol de leurs boutiques dévastées.
Un homme déroule un câble, pour faire venir l'électricité. Un autre, propriétaire d'un établissement de change totalement dévasté, s'installe dehors sur une petite table, et propose sa monnaie. Les passants ont peine à circuler, coincés entre les gravats accumulés sur le trottoir et la file de voitures qui roule au ralenti.
«Je n'étais pas sortie depuis dix jours. Cela fait du bien de voir enfin la lumière» assure Viviane, une étudiante de Beit Jala, venue prendre des photos. Mais elle ajoute «Je suis tout de même très en colère contre les Israéliens. Ils ont tué deux de mes copains. L'un est mort alors qu'il allait prier à l'église de la Nativité. C'est fou! Et hier soir à la télévision, j'ai vu les soldats israéliens qui rigolaient en quittant la ville. Ils ne se rendent même pas compte du mal qu'ils nous ont fait.»
Une délégation de députés européens se promène au milieu des ruines. «C'est un spectacle désolant» commente Alima Boumediene-Thiery, élue verte à Strasbourg. Et elle ajoute «Au moment où les nations s'unissent pour lutter contre le terrorisme, Israël détruit et tue en toute impunité. C'est du terrorisme d'Etat!» A ses côtés, un autre élu acquiesce.
Dans son bureau situé place de la Nativité, le maire de Bethléem soupire en montrant les dernières estimations des dégâts occasionnés. «Les ingénieurs travaillent encore à affiner les chiffres» explique-t-il «mais pour l'instant, nous en sommes à 18 millions de dollars, secteur public et privé confondus. Deux immeubles ont brûlé, des dizaines de maisons ont été détruites, et les infrastructures publiques comme l'eau, l'électricité, et le téléphone sont fortement endommagées. En plus, il faudra refaire les routes. Notre voirie n'était pas conçue pour accueillir des tanks de 150 tonnes.» Puis, inquiet il ajoute: «Je me demande ce que voulait Sharon en attaquant Bethléem de cette façon si brutale. Vraiment, les israéliens n'ont fait qu'agrandir la distance entre nos deux peuples. Tant que Sharon gouvernera Israël, le processus de paix n'aboutira pas».
Dehors, un groupe de personnes bardées d'appareils photos approche de l'église de la Nativité. Des Américains. Les premiers touristes depuis dix jours.«Nous venons de Phoenix, Arizona» lance Wayne, qui guide le groupe. «Notre séjour ici aujourd'hui était prévu depuis des mois. Nous voulons montrer notre solidarité avec le peuple palestinien.» Aussitôt, un homme approche et le prend au mot: «alors j'espère que vous viendrez dépenser votre argent dans ma boutique de souvenirs».
Sept heures du matin devant le check-point israélien qui filtre les entrées et sorties de la ville. Une file de travailleurs palestiniens, baluchons à la main, se pressent devant le barrage. Tous sont munis de l'indispensable laisser-passer, qui les autorise à quitter Bethléem pour aller travailler.
Débonnaire, un soldat israélien vérifie les identités. «Allez-y, allez-y» lance-t-il ensuite en arabe aux Palestiniens contrôlés. Ahmed doit rejoindre un chantier à l'est de Jérusalem. Il est ouvrier. «Je n'ai pas pu aller travailler depuis dix jours» explique-t-il. «Je commençais à me demander comment j'allais faire pour nourrir ma famille si la situation perdurait.»
Ailleurs, Bethléem commence à s'éveiller. Les volets, fermés depuis dix jours, s'ouvrent enfin sur une ville apaisée. Puis sortent les enfants, cartables au dos. Pour la première fois depuis dix jours, ils retournent à l'école. «Je n'imaginais pas que cela pourrait me manquer» lance un petit garçon, «mais étudier, c'est vraiment mieux que de rester chez soi à écouter les balles siffler» Quand on lui annonce qu'exceptionnellement, afin de rattraper ces dix jours d'absentéisme forcé, il devra travailler ce vendredi, jour habituel de congés, le gamin ne peut cependant s'empêcher de grimacer.
18 millions de dollars de dégâts
Rapidement, un embouteillage se forme dans la rue principale. Chacun vient constater les dégâts occasionnés par dix jours de violents affrontements. L'hôtel Paradise, à la façade calcinée, est la grande attraction de la journée. Tout autour, les commerçants travaillent d'arrache-pied pour déblayer les gravats, les morceaux de fer ou de verre qui jonchent le sol de leurs boutiques dévastées.
Un homme déroule un câble, pour faire venir l'électricité. Un autre, propriétaire d'un établissement de change totalement dévasté, s'installe dehors sur une petite table, et propose sa monnaie. Les passants ont peine à circuler, coincés entre les gravats accumulés sur le trottoir et la file de voitures qui roule au ralenti.
«Je n'étais pas sortie depuis dix jours. Cela fait du bien de voir enfin la lumière» assure Viviane, une étudiante de Beit Jala, venue prendre des photos. Mais elle ajoute «Je suis tout de même très en colère contre les Israéliens. Ils ont tué deux de mes copains. L'un est mort alors qu'il allait prier à l'église de la Nativité. C'est fou! Et hier soir à la télévision, j'ai vu les soldats israéliens qui rigolaient en quittant la ville. Ils ne se rendent même pas compte du mal qu'ils nous ont fait.»
Une délégation de députés européens se promène au milieu des ruines. «C'est un spectacle désolant» commente Alima Boumediene-Thiery, élue verte à Strasbourg. Et elle ajoute «Au moment où les nations s'unissent pour lutter contre le terrorisme, Israël détruit et tue en toute impunité. C'est du terrorisme d'Etat!» A ses côtés, un autre élu acquiesce.
Dans son bureau situé place de la Nativité, le maire de Bethléem soupire en montrant les dernières estimations des dégâts occasionnés. «Les ingénieurs travaillent encore à affiner les chiffres» explique-t-il «mais pour l'instant, nous en sommes à 18 millions de dollars, secteur public et privé confondus. Deux immeubles ont brûlé, des dizaines de maisons ont été détruites, et les infrastructures publiques comme l'eau, l'électricité, et le téléphone sont fortement endommagées. En plus, il faudra refaire les routes. Notre voirie n'était pas conçue pour accueillir des tanks de 150 tonnes.» Puis, inquiet il ajoute: «Je me demande ce que voulait Sharon en attaquant Bethléem de cette façon si brutale. Vraiment, les israéliens n'ont fait qu'agrandir la distance entre nos deux peuples. Tant que Sharon gouvernera Israël, le processus de paix n'aboutira pas».
Dehors, un groupe de personnes bardées d'appareils photos approche de l'église de la Nativité. Des Américains. Les premiers touristes depuis dix jours.«Nous venons de Phoenix, Arizona» lance Wayne, qui guide le groupe. «Notre séjour ici aujourd'hui était prévu depuis des mois. Nous voulons montrer notre solidarité avec le peuple palestinien.» Aussitôt, un homme approche et le prend au mot: «alors j'espère que vous viendrez dépenser votre argent dans ma boutique de souvenirs».
par Anne Corpet
Article publié le 29/10/2001