Proche-Orient
Mohammed Dahlan: «Israël m'a trahi»
A la tête de la puissante Sécurité préventive dans la bande de Gaza, le Colonel Mohammed Dahlan, 38 ans, fait figure de successeur potentiel à Yasser Arafat. Artisan sans état d'âme de la coopération avec les services de renseignements israéliens, parlant couramment l'hébreu, il était le chouchou des responsables de l'Etat juif. L'intifada a radicalement changé la donne. Ariel Sharon en novembre a réclamé sa liquidation, estimant que ses hommes faisaient le coup de feu contre Tsahal. Dans l'interview que M. Dahlan nous a accordée dans son QG de Gaza, il nie toute implication de ses services, mais reconnaît avoir été «trahi» par Israël. Il se dit prêt à calmer la situation, mais réclame des gages du sérieux du nouveau premier ministre israélien.
RFI: Ariel Sharon se dit prêt à faire la paix si la violence cesse. Etes-vous prêt à lui tendre la main ?
Mohammed Dahlan : Si l'appel de Sharon est sincère, le peuple palestinien est prêt à y répondre. En assassinant des responsables palestiniens, en bombardant des civils, Israël se livre à un terrorisme d'état. Malgré cela, nous croyons toujours que la seule solution entre les deux peuples, c'est le processus de paix, une solution politique qui reconnaisse nos droits. L'équation proposée par Sharon est complexe. Depuis dix ans que l'on négocie, on a déployé beaucoup d'efforts. Nous ne pouvons pas revenir au point de départ avec chaque nouveau gouvernement israélien. C'est une perte de temps. Nous sommes pour calmer la situation, mais nous voulons savoir qu'elle est la finalité de Sharon ? Quelle est sa perception politique du terme des négociations ? Nous voulons une orientation nouvelle et sérieuse, pour en finir avec les discussions de paix.
RFI: Etes-vous prêt à réduire le niveau de violence, pour lui offrir une chance ?
MD : Nous ne sommes pas contre arrêter la violence. Nous disons à Sharon : respectez l'accord de Charm el-Cheikh, conclu en présence de Bill Clinton, lever le blocus, et revenons à la situation d'avant l'intifada.
RFI: Y a-t-il une chance de parvenir à un accord, compte tenu de ses propositions ?
MD : Sur la base de ce qu'il a déclaré, il n'y a aucune chance de s'entendre. Il cherche un accord transitoire. Ce n'est pas acceptable. Quand nous avons signé les accords intérimaires, nous avons avalé le poison. Nous pensions aboutir à un règlement final, après cinq ans, en 1998. Mais Israël n'a pas respecté ses engagements. Nous voulons que le processus de paix réussisse. Nous sommes prêts à créer les conditions favorables. Mais pour cela, Sharon doit admettre les résolutions internationales. Toute autre option sera rejetée par les futures générations palestiniennes.
RFI: Vous êtes celui qui a le plus fait pour collaborer avec Israël ces dernières années, notamment dans le combat contre les islamistes opposés à la paix. Vous sentez-vous trahi aujourd'hui ?
MD: Oui, je me sens trahi par Israël. Après sept ans de travail sérieux pour garantir la sécurité et le calme, Israël est venu bombarder les bâtiments de notre sécurité. Certains Israéliens sont étonnés par le changement de ma position, mais elle n'a pas changé. Quand je suis convaincu que le processus de paix peut mener à un résultat, j'y suis favorable. Mais quand Israël triche, j'y suis opposé. Israël a réussi à tuer le camp de la paix chez les Palestiniens. Israël se comporte avec moi comme si j'étais presque recherché par la police.
«L'influence d'Arafat est toujours grande»
RFI: Sous quelles conditions peut-il y avoir une reprise de la coopération sécuritaire avec Israël ?
MD : premièrement, nous devons avoir une vue claire de la fin du processus de paix. Ensuite, Israël doit arrêter son agression, lever le blocus de nos territoires et reverser l'argent qu'il nous doit. Nous ne sommes pas les esclaves d'Israël. Les Palestiniens font l'intifada pour arracher leur liberté dans un état qui s'engage à respecter ses voisins. Avant, nous étions prêts sur le plan personnel à payer le prix (de cette coopération) face à notre peuple. Si Israël croit que l'on va recommencer sans avoir la certitude de voir naître notre Etat, il se trompe.
RFI: le chef d'état-major israélien le général Shaul Mofaz accuse l'autorité palestinienne de fomenter la violence et d'être devenue «une organisation terroriste». Que lui répondez-vous ?
MD : C'est un accès de folie qui l'a touché. C'est peut-être une séquelle de la vache folle (sourire). Ces déclarations prouvent que la paix n'est pas une chose acquise dans la tête des Israéliens. Ils n'ont pas compris les messages de deux intifadas. S'ils ne changent pas, ils vont conduire les deux peuples dans une tragédie sanglante.
RFI : Certains s'inquiètent de voir l'autorité s'effondrer si l'impasse se poursuit ?
MD : Le bouclage nous pose un problème sérieux. Mais ceux qui pensent ainsi se trompent. Les concepts de chute ou de coup d'Etat ne s'appliquent pas ici. Le pouvoir est le fruit d'une union entre le peuple et Yasser Arafat. C'est vrai, beaucoup au sein de la nouvelle génération du Fatah sont parfois mécontents du comportement de l'autorité. Mais quand ils voient le président pendant une demi-heure, ils en ressortent rassurés. Son influence est toujours grande.
Mohammed Dahlan : Si l'appel de Sharon est sincère, le peuple palestinien est prêt à y répondre. En assassinant des responsables palestiniens, en bombardant des civils, Israël se livre à un terrorisme d'état. Malgré cela, nous croyons toujours que la seule solution entre les deux peuples, c'est le processus de paix, une solution politique qui reconnaisse nos droits. L'équation proposée par Sharon est complexe. Depuis dix ans que l'on négocie, on a déployé beaucoup d'efforts. Nous ne pouvons pas revenir au point de départ avec chaque nouveau gouvernement israélien. C'est une perte de temps. Nous sommes pour calmer la situation, mais nous voulons savoir qu'elle est la finalité de Sharon ? Quelle est sa perception politique du terme des négociations ? Nous voulons une orientation nouvelle et sérieuse, pour en finir avec les discussions de paix.
RFI: Etes-vous prêt à réduire le niveau de violence, pour lui offrir une chance ?
MD : Nous ne sommes pas contre arrêter la violence. Nous disons à Sharon : respectez l'accord de Charm el-Cheikh, conclu en présence de Bill Clinton, lever le blocus, et revenons à la situation d'avant l'intifada.
RFI: Y a-t-il une chance de parvenir à un accord, compte tenu de ses propositions ?
MD : Sur la base de ce qu'il a déclaré, il n'y a aucune chance de s'entendre. Il cherche un accord transitoire. Ce n'est pas acceptable. Quand nous avons signé les accords intérimaires, nous avons avalé le poison. Nous pensions aboutir à un règlement final, après cinq ans, en 1998. Mais Israël n'a pas respecté ses engagements. Nous voulons que le processus de paix réussisse. Nous sommes prêts à créer les conditions favorables. Mais pour cela, Sharon doit admettre les résolutions internationales. Toute autre option sera rejetée par les futures générations palestiniennes.
RFI: Vous êtes celui qui a le plus fait pour collaborer avec Israël ces dernières années, notamment dans le combat contre les islamistes opposés à la paix. Vous sentez-vous trahi aujourd'hui ?
MD: Oui, je me sens trahi par Israël. Après sept ans de travail sérieux pour garantir la sécurité et le calme, Israël est venu bombarder les bâtiments de notre sécurité. Certains Israéliens sont étonnés par le changement de ma position, mais elle n'a pas changé. Quand je suis convaincu que le processus de paix peut mener à un résultat, j'y suis favorable. Mais quand Israël triche, j'y suis opposé. Israël a réussi à tuer le camp de la paix chez les Palestiniens. Israël se comporte avec moi comme si j'étais presque recherché par la police.
«L'influence d'Arafat est toujours grande»
RFI: Sous quelles conditions peut-il y avoir une reprise de la coopération sécuritaire avec Israël ?
MD : premièrement, nous devons avoir une vue claire de la fin du processus de paix. Ensuite, Israël doit arrêter son agression, lever le blocus de nos territoires et reverser l'argent qu'il nous doit. Nous ne sommes pas les esclaves d'Israël. Les Palestiniens font l'intifada pour arracher leur liberté dans un état qui s'engage à respecter ses voisins. Avant, nous étions prêts sur le plan personnel à payer le prix (de cette coopération) face à notre peuple. Si Israël croit que l'on va recommencer sans avoir la certitude de voir naître notre Etat, il se trompe.
RFI: le chef d'état-major israélien le général Shaul Mofaz accuse l'autorité palestinienne de fomenter la violence et d'être devenue «une organisation terroriste». Que lui répondez-vous ?
MD : C'est un accès de folie qui l'a touché. C'est peut-être une séquelle de la vache folle (sourire). Ces déclarations prouvent que la paix n'est pas une chose acquise dans la tête des Israéliens. Ils n'ont pas compris les messages de deux intifadas. S'ils ne changent pas, ils vont conduire les deux peuples dans une tragédie sanglante.
RFI : Certains s'inquiètent de voir l'autorité s'effondrer si l'impasse se poursuit ?
MD : Le bouclage nous pose un problème sérieux. Mais ceux qui pensent ainsi se trompent. Les concepts de chute ou de coup d'Etat ne s'appliquent pas ici. Le pouvoir est le fruit d'une union entre le peuple et Yasser Arafat. C'est vrai, beaucoup au sein de la nouvelle génération du Fatah sont parfois mécontents du comportement de l'autorité. Mais quand ils voient le président pendant une demi-heure, ils en ressortent rassurés. Son influence est toujours grande.
par Georges Malbrunot
Article publié le 09/03/2001