Proche-Orient
Israël défie l'ONU
En refusant une nouvelle fois d'accepter l'arrivée à Jénine de la mission d'enquête de l'ONU chargée de faire la lumière sur les accusations de massacres, l'Etat hébreu défie la communauté internationale. Kofi Annan a suggéré au Conseil de sécurité d'annuler la mission d'enquête qui, estime-t-il, ne pourra pas faire son travail convenablement.
De notre correspondant à New York (Nations Unies)
Israël est venu à bout de la patience de Kofi Annan. Après avoir négocié pendant des jours, après avoir accordé des concessions, apporté des clarifications, le secrétaire général de l'ONU jette l'éponge. «De l'avis du secrétaire général, un compte-rendu équilibré, crédible et approfondi sur les événements récents dans le camp de réfugiés de Jénine n'est pas possible sans la coopération totale du gouvernement israélien» a expliqué hier l'adjoint de Kofi Annan chargé des affaires politiques Kieran Prendergast. Or, le gouvernement israélien a présenté de nouvelles exigences inacceptables pour l'ONU. «Chaque jour qui passe rend plus difficile la détermination de ce qui s'est passé sur le terrain à Jénine», a expliqué l'officiel onusien au Conseil de sécurité, ajoutant : «Dans la mesure où les difficultés concernant le déploiement de l'équipe d'établissement des faits ne seront pas résolues prochainement, le secrétaire général préconise le démantèlement de l'équipe.»
Le nouveau refus israélien a été perçu comme un camouflet pour l'ONU. «Israël se place aujourd'hui hors de la légalité internationale», explique l'ambassadeur égyptien à l'ONU Aboul Ghait. «Il est vraiment dommage que les Nations unies se soumettent ainsi au bon vouloir d'Israël», regrette l'ambassadeur algérien aux Nations unies Abdallah Baali. Et de poursuivre : «Face à ce nouveau défi, le Conseil de sécurité devrait assumer ses responsabilités. Il a les moyens de faire respecter ses décisions. Si il ne le faisait pas, il ne ferait qu'accréditer l'idée qu'il y a une politique de deux poids et deux mesures chaque fois qu'il s'agit d'Israël».
«Les Israéliens se foutent de nous» lâchait dans un couloir un diplomate. L'autorité de Kofi Annan et celle de tout le Conseil de sécurité, Etats-Unis y compris, a été bafouée par Israël. La résolution 1405 endossant l'envoi de l'«équipe d'établissement des faits», votée à l'unanimité, rejoint un cortège de résolutions de l'ONU que l'Etat hébreu refuse de respecter, noircissant un peu plus au sein des Nations unies son image déjà peu flatteuse.
Un camouflet aussi pour les Etats-Unis
En suggérant au Conseil de sécurité d'annuler la mission, le secrétaire général de l'ONU a agi habilement. Il place les diplomates qui voudraient le laisser en tête à tête avec Israël face à leurs responsabilités. Voilà plus de dix jours, le Conseil de sécurité de l'ONU avait voté à l'unanimité cette résolution qui endossait l'envoi d'une «équipe d'établissement des faits» chargée de faire la lumière sur ce qui s'est passé dans le camp de Jénine. Les Palestiniens accusent Israël d'avoir massacré des centaines de civils, alors que l'Etat hébreu maintient n'avoir tué que quelques dizaines de personnes, des combattants pour la plupart. Ce sont les Etats-Unis eux-mêmes qui avaient rédigé cette résolution, en partie pour calmer les velléités du groupe arabe qui voulait que le Conseil envoie de sa propre initiative une commission d'enquête internationale. Washington avait porté ce texte après une intervention du ministre des affaires étrangères israélien qui avait assuré l'ONU de sa pleine coopération. «Shimon Péres et le ministre de la défense Ben Eliezer m'on dit : vous êtes les bienvenus, nous n'avons rien à cacher» rappelait hier avec amertume Kofi Annan. Deux jours après le vote de la résolution, Kofi Annan avait présenté son équipe d'enquête composée de personnalités reconnues pour leur indépendance, avec à leur tête l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari.
Jugée irréprochable par la plupart des membres du Conseil de sécurité, l'équipe a rapidement été contestée par Israël. Sur la demande de l'Etat hébreu, Kofi Annan a accepté d'ajouter des experts militaires et policiers, plus à même selon les Israéliens de comprendre la nature de l'opération anti-terroriste menée par leur armée dans le camp de réfugiés. Le secrétaire général de l'ONU a également assuré les Israéliens d'une immunité pour leurs soldats et leurs officiels qui témoigneraient. Après plusieurs délais, obtenus sur des prétextes parfois futiles, les Israéliens ont choisi de continuer à présenter des exigences, alors que l'équipe d'enquête étaient bêtement bloquée à Genève depuis plusieurs jours.
Kofi Annan souhaite donc arrêter les frais. Embarrassés, la plupart des pays du Conseil de sécurité n'ont pas dévoilé leur batteries. Les Etats-Unis, qui n'assument pas leur paternité de cette mission d'enquête, placent de manière ambiguë le refus israélien dans le contexte plus large des progrès obtenus sur la levée du siège de Ramallah et les négociations sur Bethléem. Ils tentent de faire comme si la décision finale revenait à Kofi Annan. Une majorité des pays du Conseil est frustrée par l'attitude israélienne, mais jusqu'à quel point? Le groupe arabe envisageait hier de présenter une résolution forçant Israël à coopérer sous peine de sanctions, mais le projet n'avait aucune chance d'aboutir. Plusieurs solutions doivent être examinées aujourd'hui : annuler la mission, demander au contraire à Kofi Annan de persévérer pour trouver un accord avec Israël pendant que l'équipe d'établissement des faits commence à recueillir des témoignages depuis Genève, voter une résolution condamnant Israël... L'éventail des possibilités est large, mais plus personne ne croit au succès de la mission d'enquête.
Ecoutez René Aquarone, porte-parole de l'UNRWA
Israël est venu à bout de la patience de Kofi Annan. Après avoir négocié pendant des jours, après avoir accordé des concessions, apporté des clarifications, le secrétaire général de l'ONU jette l'éponge. «De l'avis du secrétaire général, un compte-rendu équilibré, crédible et approfondi sur les événements récents dans le camp de réfugiés de Jénine n'est pas possible sans la coopération totale du gouvernement israélien» a expliqué hier l'adjoint de Kofi Annan chargé des affaires politiques Kieran Prendergast. Or, le gouvernement israélien a présenté de nouvelles exigences inacceptables pour l'ONU. «Chaque jour qui passe rend plus difficile la détermination de ce qui s'est passé sur le terrain à Jénine», a expliqué l'officiel onusien au Conseil de sécurité, ajoutant : «Dans la mesure où les difficultés concernant le déploiement de l'équipe d'établissement des faits ne seront pas résolues prochainement, le secrétaire général préconise le démantèlement de l'équipe.»
Le nouveau refus israélien a été perçu comme un camouflet pour l'ONU. «Israël se place aujourd'hui hors de la légalité internationale», explique l'ambassadeur égyptien à l'ONU Aboul Ghait. «Il est vraiment dommage que les Nations unies se soumettent ainsi au bon vouloir d'Israël», regrette l'ambassadeur algérien aux Nations unies Abdallah Baali. Et de poursuivre : «Face à ce nouveau défi, le Conseil de sécurité devrait assumer ses responsabilités. Il a les moyens de faire respecter ses décisions. Si il ne le faisait pas, il ne ferait qu'accréditer l'idée qu'il y a une politique de deux poids et deux mesures chaque fois qu'il s'agit d'Israël».
«Les Israéliens se foutent de nous» lâchait dans un couloir un diplomate. L'autorité de Kofi Annan et celle de tout le Conseil de sécurité, Etats-Unis y compris, a été bafouée par Israël. La résolution 1405 endossant l'envoi de l'«équipe d'établissement des faits», votée à l'unanimité, rejoint un cortège de résolutions de l'ONU que l'Etat hébreu refuse de respecter, noircissant un peu plus au sein des Nations unies son image déjà peu flatteuse.
Un camouflet aussi pour les Etats-Unis
En suggérant au Conseil de sécurité d'annuler la mission, le secrétaire général de l'ONU a agi habilement. Il place les diplomates qui voudraient le laisser en tête à tête avec Israël face à leurs responsabilités. Voilà plus de dix jours, le Conseil de sécurité de l'ONU avait voté à l'unanimité cette résolution qui endossait l'envoi d'une «équipe d'établissement des faits» chargée de faire la lumière sur ce qui s'est passé dans le camp de Jénine. Les Palestiniens accusent Israël d'avoir massacré des centaines de civils, alors que l'Etat hébreu maintient n'avoir tué que quelques dizaines de personnes, des combattants pour la plupart. Ce sont les Etats-Unis eux-mêmes qui avaient rédigé cette résolution, en partie pour calmer les velléités du groupe arabe qui voulait que le Conseil envoie de sa propre initiative une commission d'enquête internationale. Washington avait porté ce texte après une intervention du ministre des affaires étrangères israélien qui avait assuré l'ONU de sa pleine coopération. «Shimon Péres et le ministre de la défense Ben Eliezer m'on dit : vous êtes les bienvenus, nous n'avons rien à cacher» rappelait hier avec amertume Kofi Annan. Deux jours après le vote de la résolution, Kofi Annan avait présenté son équipe d'enquête composée de personnalités reconnues pour leur indépendance, avec à leur tête l'ancien président finlandais Martti Ahtisaari.
Jugée irréprochable par la plupart des membres du Conseil de sécurité, l'équipe a rapidement été contestée par Israël. Sur la demande de l'Etat hébreu, Kofi Annan a accepté d'ajouter des experts militaires et policiers, plus à même selon les Israéliens de comprendre la nature de l'opération anti-terroriste menée par leur armée dans le camp de réfugiés. Le secrétaire général de l'ONU a également assuré les Israéliens d'une immunité pour leurs soldats et leurs officiels qui témoigneraient. Après plusieurs délais, obtenus sur des prétextes parfois futiles, les Israéliens ont choisi de continuer à présenter des exigences, alors que l'équipe d'enquête étaient bêtement bloquée à Genève depuis plusieurs jours.
Kofi Annan souhaite donc arrêter les frais. Embarrassés, la plupart des pays du Conseil de sécurité n'ont pas dévoilé leur batteries. Les Etats-Unis, qui n'assument pas leur paternité de cette mission d'enquête, placent de manière ambiguë le refus israélien dans le contexte plus large des progrès obtenus sur la levée du siège de Ramallah et les négociations sur Bethléem. Ils tentent de faire comme si la décision finale revenait à Kofi Annan. Une majorité des pays du Conseil est frustrée par l'attitude israélienne, mais jusqu'à quel point? Le groupe arabe envisageait hier de présenter une résolution forçant Israël à coopérer sous peine de sanctions, mais le projet n'avait aucune chance d'aboutir. Plusieurs solutions doivent être examinées aujourd'hui : annuler la mission, demander au contraire à Kofi Annan de persévérer pour trouver un accord avec Israël pendant que l'équipe d'établissement des faits commence à recueillir des témoignages depuis Genève, voter une résolution condamnant Israël... L'éventail des possibilités est large, mais plus personne ne croit au succès de la mission d'enquête.
Ecoutez René Aquarone, porte-parole de l'UNRWA
par Philippe Bolopion
Article publié le 01/05/2002