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Proche-Orient

Mission de l’Onu à Jénine : Israël rechigne

Mécontentement en Israël, satisfaction chez les Palestiniens, mise en garde américaine, réplique du secrétaire général Kofi Annan: la composition de l’équipe chargée d’enquêter sur l’offensive israélienne à Jénine suscite la controverse à quelques jours de son arrivée sur place.
La mission de l’ONU à Jénine sera guidée «par le désir de nuire à Israël. Elle produira les résultats qui nuiront à Israël. Elle est complètement illégitime», a estimé l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, exprimant un sentiment répandu dans son pays à l’encontre de l’équipe chargée de faire la lumière sur les événements de Jénine. Pour celui qui veut reprendre la tête du Likoud au Premier ministre Ariel Sharon, l’ONU se trompe de cible. Au lieu, selon lui, d'envoyer une équipe à Jénine, elle ferait mieux d’enquêter sur les attaques-suicide palestiniennes en Israël.

Officiellement, les Israéliens, bien qu’ayant accepté le principe de cette mission, se plaignent d’abord de ne pas avoir été consultés sur sa composition. Le ministre de la Défense Benyamin Ben Eliezer a téléphoné au secrétaire général de l'ONU Kofi Annan pour «protester contre la désignation de l'équipe sans coordination préalable avec Israël, comme il avait été convenu». En privé, ils s’en prennent plus directement aux fonctions des personnalités nommées, issues pour certaines des milieux humanitaires. «Nous aurions préféré que l'équipe soit composée de spécialistes militaires qui sont à même de juger la complexité d'une bataille dans une zone habitée» comme ce camp de Cisjordanie, a déclaré un responsable israélien qui a requis l'anonymat, émettant l'espoir que cette mission «ait un jugement impartial et ne traduise pas une opinion politique automatiquement anti-israélienne, comme c'est trop souvent le cas dans les rapports de l'ONU».

De source proche du ministère israélien des Affaires étrangères, on soulignait qu'Israël n'avait aucune opposition au fait que l'équipe soit dirigée par l'ancien président finlandais Marti Ahtisaari. Mais Benyamin Ben Eliezer a demandé à Kofi Annan que l'ancien général américain William Nash, le conseiller militaire désigné pour l'équipe, en «soit membre à part entière» et insisté pour que la mission «se limite à son mandat» à Jénine.

«Aussi vite que possible»

Les critiques israéliennes ont contraint Kofi Annan à défendre les membres de l’équipe onusienne. «Ils ne sont pas des procureurs ou des enquêteurs de la police criminelle. Ils vont établir les faits», a tenu à préciser lundi le secrétaire général de l’ONU. Le diplomate s’est déclaré déçu que son représentant personnel au Proche-Orient, Terje Roed-Larsen, ait été publiquement attaqué «pour avoir seulement rapporté ce qu'il avait vu». Les médias israéliens ont annoncé dimanche, ce qui a été ensuite officiellement démenti, que les autorités boycotteraient cet émissaire pour avoir déclaré que les destructions dans le camp de Jénine atteignaient une «horreur qui dépasse l'entendement». Selon Kofi Annan, «Il n'a jamais accusé Israël de massacre, il n'a même jamais utilisé le terme massacre»

Contrairement à Israël, qui fait état de «dizaines» de tués à Jénine, les Palestiniens, qui accusent l'armée israélienne d'avoir tué des centaines de personnes, «accueilleront favorablement» la mission. «Nous souhaitons que cette équipe commence au plus tôt ses travaux, a déclaré Nabil Abou Roudeina, un proche conseiller du président Yasser Arafat, et nous nous engageons à lui prêter tout l'assistance nécessaire et lui remettre toute information à notre disposition».

La composition de l'équipe dite «d'établissement des faits» est le fruit d'un laborieux compromis atteint vendredi au Conseil de sécurité de l'ONU après plus de 36 heures de débats, pour éviter un veto américain à une demande du groupe arabe. Aux termes de ce compromis, accepté par Israël, l'équipe est le résultat d'une «initiative» du secrétaire général auquel elle rendra compte, et non d'une décision du Conseil de sécurité que le gouvernement israélien considère comme partial à son égard.

La mission, dont les Etats-Unis ont indiqué lundi qu'ils attendaient un rapport «complet et objectif», comprendra également Sadako Ogata, ancienne Haut Commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Cornelio Sommaruga, ancien président du Comité international de la Croix Rouge (CICR), le Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'Homme Mary Robinson, ainsi que le chef de l'Office de secours des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNWRA), Peter Hansen. Elle comptera aussi l'ex-général américain Nash, ainsi qu'un spécialiste des affaires de police civile, l'Irlandais Peter Fitzgerald. Kofi Annan a ajouté que l'équipe se rassemblerait «cette semaine en Europe» et se rendrait en Israël «aussi vite que possible». Il a appelé Israël et les Palestiniens «à coopérer pleinement» avec elle. Jusqu'à présent, une cinquantaine de corps on été retiré des décombres dans le camp de Jénine.



par Philippe  Quillerier-Lesieur

Article publié le 23/04/2002