Proche-Orient
Survie au quotidien dans Bethléem assiégée
L’occupation de Béthléem se poursuit ainsi que le siège de l’église de la Nativité où sont retranchés quelques 200 Palestiniens dont une trentaine considérés comme des «terroristes» par Israël. Dans la ville, les habitants survivent dans la peur.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
Bethléem est maculée d’une pellicule de terre marron clair. Déposée sur le bitume par les chenilles des blindés israéliens, elle s’est répandue sous l’effet du vent sur les façades et les fenêtres de la ville. Depuis plus de deux semaines, ce halo de poussière encercle la cité de la Nativité. Comme la marque de la faim et de la peur qui tenaillent les habitants cloîtrés chez eux.
Le long de la grand route jalonnée de cartons vides et de poubelles éventrées, seules quelques ambulances circulent. Les combats ont quasiment cessé depuis plus de dix jours, mais le docteur Maher Meschallah, chef des urgences de l’hôpital, ne chôme pas. Des habitants sont régulièrement blessés ou tués par des tirs israéliens. «La dernière victime, c’était une femme de 24 ans, Rana Karaja, raconte le docteur. Elle a été abattue mardi dans sa maison, alors qu’elle allaitait son bébé de 6 mois.»
«Avant elle, c’était Mohamed Mohared, un homme de 45 ans, tué d’une balle dans la poitrine alors qu’il conduisait sa voiture». Le docteur consulte la fiche de santé d’un malade, puis interroge: «Tuer des civils désarmés, est-ce que ce n’est pas du terrorisme ça?» Au deuxième étage de l’hôpital, allongé sur un lit, Saïd Mahmoud, 36 ans, gémit. Il a été mitraillé par un hélicoptère Apache lors de l’attaque du camp de réfugiés d’Aïda, au début du mois de mars. «J’ai entendu du bruit, je suis sorti de chez moi et les balles ont fusé». Il montre ses plaies au bras et au ventre et ajoute: «Les Israéliens ne veulent pas la paix. Ils nous attaquent tous les jours. Quoi que disent l’Europe ou les Etats-Unis, ils continuerons jusqu’à ce que nous soyons à genoux».
«Je me demande comment les gens font pour survivre»
La tension monte d’un cran aux abords de l’église de la Nativité. Deux cents palestiniens armés sont assiégés depuis le 2 avril dans cet édifice considéré par les chrétiens comme le lieu de naissance du Christ. Dans les ruelles flanquées de carcasses de voitures calcinées, les tanks et les snipers ont évincé les pèlerins. Ce quartier, contrairement au reste de la ville, n’a jamais bénéficié de levée du couvre-feu. «L’armée nous interdit de rentrer ici, affirme Peter Qumry, le directeur de l’hôpital. Je me demande comment les gens font pour survivre. Il y a des malades et des blessés qui meurent à petit feu. On est obligé de les traiter par téléphone».
Au croisement de la rue Paul VI et de la rue Salésien, une façade a été crevée par un tir d’obus. «Une femme et son fils sont morts ici», assure Michèle, 32 ans, une habitante de Beit Jala, la commune voisine de Bethléem. Des courageux jettent un regard par la fenêtre, lancent un hello furtif. C’est tout. Au loin, on aperçoit le bras d’une grue et plus haut, la silhouette ventrue d’un ballon dirigeable. Deux témoins de la guerre des nerfs qui oppose l’armée israélienne aux combattants retranchés dans l’eglise. Un haut parleur fixé à la grue diffuse des sons stridents par dessus le mur d’enceinte tandis qu’une caméra embarqué dans le ballon épie les moindres gestes des irréductibles.
Omar le boulanger ne veut pas ouvrir sa porte. Un coup, deux coups contre le battant. Un visage fatigué apparaît enfin dans l’embrasure. Mardi matin, les soldats ont investi l’échoppe d’Omar. Il lui ont ordonné d’éteindre son four sur le champ. «Je n’avais plus le droit de faire du pain», annone-t-il sur le pas de la porte, encore hébété par l’irruption des militaires. Omar a aussitôt obtempéré mais trois heures plus tard, les soldats sont revenus. «Ils m’ont dit qu’ils avaient surpris quelqu’un dans la rue avec du pain à la main. Ils ont cassé les vitres de ma boutique, ils m’ont frappé dans le dos et ils m’ont menacé». Soudain, un coup de feu claque deux rues plus loin. Omar blêmit et court se barricader chez lui. Le siège de Bethléem continue.
Bethléem est maculée d’une pellicule de terre marron clair. Déposée sur le bitume par les chenilles des blindés israéliens, elle s’est répandue sous l’effet du vent sur les façades et les fenêtres de la ville. Depuis plus de deux semaines, ce halo de poussière encercle la cité de la Nativité. Comme la marque de la faim et de la peur qui tenaillent les habitants cloîtrés chez eux.
Le long de la grand route jalonnée de cartons vides et de poubelles éventrées, seules quelques ambulances circulent. Les combats ont quasiment cessé depuis plus de dix jours, mais le docteur Maher Meschallah, chef des urgences de l’hôpital, ne chôme pas. Des habitants sont régulièrement blessés ou tués par des tirs israéliens. «La dernière victime, c’était une femme de 24 ans, Rana Karaja, raconte le docteur. Elle a été abattue mardi dans sa maison, alors qu’elle allaitait son bébé de 6 mois.»
«Avant elle, c’était Mohamed Mohared, un homme de 45 ans, tué d’une balle dans la poitrine alors qu’il conduisait sa voiture». Le docteur consulte la fiche de santé d’un malade, puis interroge: «Tuer des civils désarmés, est-ce que ce n’est pas du terrorisme ça?» Au deuxième étage de l’hôpital, allongé sur un lit, Saïd Mahmoud, 36 ans, gémit. Il a été mitraillé par un hélicoptère Apache lors de l’attaque du camp de réfugiés d’Aïda, au début du mois de mars. «J’ai entendu du bruit, je suis sorti de chez moi et les balles ont fusé». Il montre ses plaies au bras et au ventre et ajoute: «Les Israéliens ne veulent pas la paix. Ils nous attaquent tous les jours. Quoi que disent l’Europe ou les Etats-Unis, ils continuerons jusqu’à ce que nous soyons à genoux».
«Je me demande comment les gens font pour survivre»
La tension monte d’un cran aux abords de l’église de la Nativité. Deux cents palestiniens armés sont assiégés depuis le 2 avril dans cet édifice considéré par les chrétiens comme le lieu de naissance du Christ. Dans les ruelles flanquées de carcasses de voitures calcinées, les tanks et les snipers ont évincé les pèlerins. Ce quartier, contrairement au reste de la ville, n’a jamais bénéficié de levée du couvre-feu. «L’armée nous interdit de rentrer ici, affirme Peter Qumry, le directeur de l’hôpital. Je me demande comment les gens font pour survivre. Il y a des malades et des blessés qui meurent à petit feu. On est obligé de les traiter par téléphone».
Au croisement de la rue Paul VI et de la rue Salésien, une façade a été crevée par un tir d’obus. «Une femme et son fils sont morts ici», assure Michèle, 32 ans, une habitante de Beit Jala, la commune voisine de Bethléem. Des courageux jettent un regard par la fenêtre, lancent un hello furtif. C’est tout. Au loin, on aperçoit le bras d’une grue et plus haut, la silhouette ventrue d’un ballon dirigeable. Deux témoins de la guerre des nerfs qui oppose l’armée israélienne aux combattants retranchés dans l’eglise. Un haut parleur fixé à la grue diffuse des sons stridents par dessus le mur d’enceinte tandis qu’une caméra embarqué dans le ballon épie les moindres gestes des irréductibles.
Omar le boulanger ne veut pas ouvrir sa porte. Un coup, deux coups contre le battant. Un visage fatigué apparaît enfin dans l’embrasure. Mardi matin, les soldats ont investi l’échoppe d’Omar. Il lui ont ordonné d’éteindre son four sur le champ. «Je n’avais plus le droit de faire du pain», annone-t-il sur le pas de la porte, encore hébété par l’irruption des militaires. Omar a aussitôt obtempéré mais trois heures plus tard, les soldats sont revenus. «Ils m’ont dit qu’ils avaient surpris quelqu’un dans la rue avec du pain à la main. Ils ont cassé les vitres de ma boutique, ils m’ont frappé dans le dos et ils m’ont menacé». Soudain, un coup de feu claque deux rues plus loin. Omar blêmit et court se barricader chez lui. Le siège de Bethléem continue.
par Benjamin Barthe
Article publié le 17/04/2002