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Proche-Orient

Les contours imprécis d'un accord minimum

Malgré leurs réserves, les Palestiniens ont donné leur accord du bout des lèvres à l'accord de cessez-le-feu mis au point par le directeur de la CIA George Tenet.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Davantage un plan de travail aux ambitions modestes qu'un accord de cessez-le-feu en bonne et due forme : quelques heures après le feu vert donné par Yasser Arafat au document concocté par George Tenet, le patron de la CIA, pour consolider la trêve, chacun des protagonistes, en dépit de cette avancée, reconnaît la fragilité de la situation, tout en divergeant déjà sur la mise en application de ce plan.

Selon les Américains, «son but est de relancer la coopération sécuritaire, mettre fin à la violence, et rétablir la situation qui prévalait sur le terrain avant» le soulèvement palestinien, le 28 septembre dernier. Des mesures seront prises immédiatement, précise-t-on au Département d'Etat, sans pouvoir dire lesquelles, ni quelle sera la partie qui enclenchera la dynamique. Autre bémol : le document n'a pas été signé par les parties, et hormis sa longueur (quatre pages), très peu de détails ont filtré.

Soumis à d'intenses pressions, alors que sous les fenêtres de son bureau des centaines de Palestiniens appelaient à la poursuite de l'intifada pendant qu'il discutait avec le chef de la CIA, Yasser Arafat a demandé des garanties américaines à l'application du plan, tout en consignant dans une lettre remise à son hôte ses réserves sur un point particulier : la création par l'Etat hébreu d'une zone-tampon le long de la Cisjordanie, à l'intérieur des territoires palestiniens, équivalent à ses yeux à une réoccupation de facto. Cet amendement ne figure pas dans le rapport Mitchell sur lequel s'est fondé M. Tenet, qui appelle à un cessez-le-feu, suivi d'une période d'accalmie de six semaines, puis de l'adoption de mesures de confiance, comme le gel de la colonisation israélienne, avant de réentamer les négociations politiques.
Le chef des services américains quitte la région, mais ses assistants restent sur place, afin de présider ce mardi une réunion entre responsables des services de sécurité israéliens et palestiniens, en vue précisément de prendre des mesures pour appliquer le plan du maître-espion.

L'embarras de Yasser Arafat

Selon des sources israéliennes, 48 heures après le cessez-le-feu, l'armée doit retirer ses tanks déployés autour des villes palestiniennes autonomes. L'Etat hébreu s'engage également à ne plus attaquer des objectifs de l'autorité, ni des habitations civiles. En parallèle, les Palestiniens doivent confisquer les mortiers et les armes détenus illégalement, et échanger des informations avec Israël sur des activistes dangereux. Quant à l'arrestation de ces derniers, la confusion règne sur cette exigence israélienne, qui place Yasser Arafat dans l'embarras face à une population hostile à l'épreuve de force avec les barbus. Pas question d'arrêter qui que ce soit, répète-t-on à l'Autorité, convaincu que cette requête n'est pas stipulée dans les recommandations du rapport Mitchell. Enfin, dans une semaine, l'état hébreu devrait graduellement lever le bouclage des territoires. Arafat exigeait que cette levée se fasse immédiatement après le cessez-le-feu.

«Arafat sera jugé sur ses actes, a déclaré le secrétaire général du gouvernement israélien, Gideon Sarr. S'il réprime la terreur et l'empêche de croître, alors le plan a une chance de réussir». L'Etat hébreu répand déjà le chaud et le froid sur les assouplissements auxquels il consentirait. «Nous prendrons les premières mesures lorsque le feu aura cessé totalement», a ajouté M. Sarr, soulignant que ce n'est qu'à ce moment-là que la situation sur le terrain pourra être améliorée pour la population palestinienne. En écho, Yasser Abed Rabbo, le ministre de l'Information, a précisé que les Palestiniens «ne signeraient le document (Tenet) uniquement lorsque l'ensemble des recommandations Mitchell seront acceptées, et par-dessus tout une halte à toute activité de colonisation».

Pour Arafat, ce document s'inscrit dans un ensemble de mesures indissociables les unes des autres.

Comme les précédents accords, le plan Tenet est marqué par un grand flou, seule façon de masquer le fossé qui sépare les deux camps, et ses grandes lignes sont le plus petit dénominateur commun entre Israéliens et Palestiniens. Dans les heures qui viennent, toute la question est de s'entendre sur l'appréciation et la date de début du cessez-le-feu -laquelle conditionne le démarrage de la période d'accalmie- sachant qu'Ariel Sharon répète qu'à la moindre pierre jetée sur un Israélien, le mécanisme ainsi établi sera caduc, et l'on devra revenir alors au point de départ, ce qui risque de reporter aux calendes grecques les mesures de confiance, prévues dans le rapport Mitchell.



par Georges  Malbrunot

Article publié le 13/06/2001