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Proche-Orient

Sharon, pas assez faucon pour son parti

Le vote, dimanche, par le comité central du Likoud, le parti du Premier ministre Ariel Sharon, d’une résolution rejetant l’idée même de la création d’un Etat palestinien constitue un camouflet cinglant pour le chef du gouvernement israélien. Ce vote ne risque toutefois pas d’avoir de conséquence directe sur la politique actuellement engagée par l’équipe au pouvoir puisque Ariel Sharon dirige un gouvernement d’union nationale. Il affaiblit en revanche le Premier ministre au sein même de son parti au profit de son grand rival Benjamin Netanyahu et ceci à moins d’un an des élections législatives.
Ariel Sharon avait pourtant été sensible aux pressions de son parti. Il avait dans son discours de dimanche devant la tumultueuse convention du Likoud affirmé que la création d’un Etat palestinien «n’était actuellement pas à l’ordre du jour». Il avait eu des mots très durs pour le président Yasser Arafat en soulignant qu’il n’y avait «aucune chance de parvenir à la paix par la terreur avec un homme de terreur». Il avait également estimé que «l’Autorité palestinienne devait se réformer à la base et dans tous les domaines , que ce soit la sécurité, l’économie, la justice ou le social». Il avait enfin souligné que les Israéliens «ne pouvaient attendre la paix d’une dictature terroriste corrompue». Mais malgré ce discours sans concession, le Premier ministre Israélien a fait l’unanimité contre lui dans son propre parti.

Ariel Sharon, qui avait été forcé d’accepter, en février dernier, sous les pressions de Washington, l’idée de la création d’un Etat palestinien, semble paradoxalement faire aujourd’hui figure de «colombe» au sein du Likoud malgré une politique du tout sécuritaire largement plébiscitée par les Israéliens. Le Premier ministre qui avait demandé aux membres de son parti de ne pas adopter de résolution rejetant la création d’un Etat palestinien car celle-ci serait «dangereuse pour l’Etat hébreu et compliquerait ses efforts diplomatiques», a donc largement été désavoué. La quasi totalité des 2600 membres du comité central du Likoud a en effet préféré soutenir la motion présentée par son rival Benjamin Netanyahu qui exclut l’existence même de cet Etat. Ce dernier, qui n’aspire qu’à diriger le bloc de droite à l’approche des législatives, a ainsi affirmé qu’un gouvernement palestinien indépendant pourrait être envisageable mais en aucun cas «un Etat avec tous les droits d’un Etat, ni sous Arafat, ni sous une autre direction, ni aujourd’hui, ni demain». Il a également plaidé pour un contrôle territorial complet, la création d’une zone tampon pour restreindre le mouvement des Palestiniens et la mise à l’écart de Yasser Arafat. Ce discours radical a fait l’unanimité affaiblissant du même coup Ariel Sharon au sein de son parti alors qu’il n’a jamais été aussi populaire en Israël.

Un vote dénoncé par la communauté internationale

Le vote du Likoud a été vivement critiqué par les Palestiniens. «C’est une destruction des accords d’Oslo», a notamment déploré le président Yasser Arafat tandis que l’un de ses conseillers Saëb Erakat dénonçait un «coup dur aux efforts de paix engagés». Ce dernier a par ailleurs estimé que cette prise de position «avait démasqué les intentions d’Israël qui veut maintenir l’occupation des territoires palestiniens». Ce vote du Likoud intervient par ailleurs au lendemain de la rencontre de Charm el-Cheikh, où les présidents égyptien Hosni Moubarak, syrien Bachar al-Assad et le prince héritier Abdallah d’Arabie saoudite avaient pour la première fois affirmé dans un communiqué leur «souhait sincère de paix» et leur rejet de «la violence sous toutes ses formes». Cette concession de taille, qualifiée «d’encourageante» par le gouvernement Sharon pourrait bien être remise en question. Farouk al-Chareh, le ministre syrien des affaires étrangères, a déjà fait savoir que le vote du Likoud était un «échec cuisant pour Sharon qui ne sera plus en mesure d’entreprendre des initiatives pour la paix dans les mois à venir». Son homologue égyptien Ahmed Maher a toutefois estimé que cette décision était «insignifiante» et qu’il ne s’agissait que de «balivernes liées aux élections israéliennes».

Le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Piqué, dont le pays assure la présidence de l’UE, a de son côté affirmé que la création d’un Etat palestinien était «la seule solution» pour parvenir à la paix au Proche-Orient. Cette position a été relayée par le porte-parole de la Commission européenne Jonathan Faull qui a relativisé le vote du Likoud en soulignant qu’il ne reflétait que «la position d’un parti». «Ce qui importe pour nous, a-t-il affirmé, c’est la position du gouvernement israélien». Si les Etats-Unis n’ont pour l’instant fait aucun commentaire, le porte-parole du conseil de sécurité nationale Sean McCormack a toutefois rappelé dimanche soir que les autorités américaines soutiennent toujours l’idée d’un Etat palestinien.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 13/05/2002