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Proche-Orient

Mahmoud Abbas en appelle à Washington

En condamnant le raid israélien manqué contre l’un des leaders les plus médiatiques du mouvement radical Hamas Abdelaziz Rantissi, le Premier ministre Mahmoud Abbas se rachète aux yeux des Palestiniens. Il marque en effet ses distances par rapport à l’Etat hébreu sur lequel il peut désormais faire porter la responsabilité de l’échec du cessez-le-feu qu’il tentait de négocier avec les organisations extrémistes palestiniennes. Il peut en outre dans ce contexte se prévaloir de représenter les Palestiniens, un droit que nombreux d’entre eux lui avaient dénier à cause de ses positions jugées trop conciliantes avec l’Etat hébreu.
Si le sommet d’Aqaba avait fait renaître au sein de la communauté internationale l’espoir d’un règlement du conflit israélo-palestinien, les critiques avaient en revanche été nombreuses dans la population palestinienne qui estimait que Mahmoud Abbas, en appelant à la fin de l’Intifada armée, avait fait des concessions importantes sans contrepartie sérieuse de la part de son homologue Ariel Sharon. La réaction des organisations politiques palestiniennes avait d’ailleurs été à la mesure de leur déception. Réuni lundi à Gaza, la Coalition des forces nationales et islamiques avaient en effet estimé que les deux sommets d’Aqaba et de Charm el-Cheikh ne répondaient pas aux aspirations du peuple palestinien. Cette coalition qui regroupe 13 mouvements –dont le Hamas, le Jihad islamique et le Fatah de Yasser Arafat et de Mahmoud Abbas– avait en outre rejeté l’appel du Premier ministre à démilitariser l’Intifada. «Nous refusons que l’Intifada et la résistance soient décrits comme du terrorisme et nous jugeons les engagements pris à Aqaba dangereux», avaient ainsi estimé les dirigeants de ces organisations.

Désavoué officiellement par les principaux mouvements palestiniens, Mahmoud Abbas était donc dans une situation des plus délicates, pris entre sa volonté de répondre aux exigences de Washington de ramener le calme dans la région et les attentes des organisations palestiniennes inquiètes de voir brader leurs revendications sur le statut de Jérusalem ou encore sur le droit au retour des réfugiés. Mais le raid israélien manqué contre Abdelaziz Rantissi, au cours duquel trois civils palestiniens ont été tués, et surtout la promptitude de Mahmoud Abbas à le dénoncer et à en appeler à l’arbitrage des Etats-Unis pourraient renverser la situation en sa faveur. Le Premier ministre ne pourra plus être désormais accusé de céder à Washington et Tel Aviv aux dépends des intérêts palestiniens. Le fait que Yasser Arafat ait gardé le silence sur cette attaque israélienne, conforte en outre sa position de nouveau représentant des Palestiniens.

Bush «profondément perturbé»

Prise à témoin, l’administration américaine a dû répondre à l’appel lancé par Mahmoud Abbas pour qu’elle prenne des «mesures immédiates» pour «enrayer la détérioration de la situation». Le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleischer, a ainsi déclaré que «le président Bush était profondément perturbé par le raid» israélien lancé contre un responsable du Hamas. «Il est inquiet du fait que cette attaque puisse saper les efforts des autorités palestiniennes et d’autres pour mettre fin aux attaques terroristes», a-t-il en outre ajouté en soulignant que «cela n’aidait pas à la sécurité d’Israël». Le porte-parole a en outre précisé que des responsables du Conseil de sécurité national du président et du département d’Etat avaient eu des entretiens téléphoniques avec des responsables palestiniens et israéliens pour insister sur la nécessité de rester engagés dans le processus de paix. «L’important aujourd’hui est que toutes les parties restent sur les rails pour appliquer la feuille de route», a-t-il estimé.

Même si elle ne condamne pas ouvertement le raid israélien, cette réaction américaine sonne comme un avertissement pour l’Etat hébreu. Alors que George Bush avait toujours ouvertement soutenu le gouvernement Sharon, n’hésitant pas à qualifier le Premier ministre israélien d’«homme de paix», il apparaît clair aujourd’hui que ce soutien est beaucoup plus mesuré. Et cela d’autant plus, croit savoir le journal israélien Haaretz, que le président américain semble avoir été séduit par les responsables palestiniens qu’il a rencontrés lors du sommet d’Aqaba. Selon ce quotidien, George Bush aurait systématiquement pris le contre-pied des positions d’Ariel Sharon et de son chef d’état-major, Shaoul Mofaz. Il aurait même confié à sa conseillère en matière de sécurité nationale Condoleeza Rice : «Je vois que nous avons un problème avec Sharon». Un désaveu franc quand on sait qu’il a par ailleurs affirmé avoir confiance en Mahmoud Abbas et en son chef de la sécurité intérieure Mohamed Dahlan.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 10/06/2003