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Proche-Orient

Mahmoud Abbas appelle à une démilitarisation de l’Intifada

George Bush, qui parrainait le sommet d’Aqaba entre les Premiers ministres israélien et palestinien destiné à obtenir l’engagement des deux parties à mettre en œuvre la feuille de route, a estimé à l’issue de cette rencontre que d’«importants progrès» avaient été enregistrés. Ariel Sharon a en effet reconnu pour la première fois «l’importance de la contiguïté territoriale en Cisjordanie d’un Etat palestinien viable» et s’est engagé à commencer à démanteler immédiatement les «colonies non autorisées». Son homologue Mahmoud Abbas, dans une volonté manifeste de prouver la bonne volonté de son gouvernement à aller de l’avant, a pour sa part appelé les Palestiniens à mettre fin à l’Intifada armée. Mais son appel a aussitôt été rejeté par les mouvements radicaux qui ont réaffirmé leur intention de ne pas déposer les armes.
Le président américain a obtenu ce qu’il était venu chercher à Aqaba : l’engagement des Palestiniens et des Israéliens à sortir la région du cycle de violence qui y prévaut depuis le déclenchement de l’Intifada en septembre 2000, il y a 32 mois. Désormais le conflit israélo-palestinien, relégué depuis des années au second plan, est de nouveau une priorité et George Bush venu relancé le processus de paix peut désormais se prévaloir d’avoir mis la feuille de route, qui prévoit la création d’un Etat palestinien à l’horizon 2005, sur les rails.

De fait, les Premiers ministres israélien et palestiniens sont tous deux convenus que le sommet d’Aqaba représentait une nouvelle chance pour la paix. Et Ariel Sharon, opposant historique à Etat palestinien, a fermement appuyé sa création. «Israël a exprimé son ferme appui à la vision du président Bush, exprimée le 24 juin 2002, de deux Etats, Israël et l'Etat palestinien, vivant côte à côte dans la paix et la sécurité», a-t-il ainsi affirmé. Mais soucieux de ménager ses arrières et les critiques de plus en plus sévères de ses partisans au sein du Likoud, il a toutefois tenu à préciser que l’Etat hébreu adhérait à la feuille de route «telle qu’elle a été adoptée par le gouvernement». Le cabinet Sharon avait en effet donné il y a une dizaine de jours son accord sous réserve au plan de paix du Quartette, énonçant notamment pas moins de 14 restrictions sur lesquelles les Palestiniens ne seront visiblement pas prêts à céder.

L’appel, lancé par Mahmoud Abbas aux Palestiniens de mettre fin à l’Intifada armée et lutter pacifiquement contre l’occupation israélienne, restera toutefois le geste le plus important de ce sommet d’Aqaba. Le Premier ministre, qui n’a jamais caché son opposition à une militarisation du soulèvement palestinien, a une nouvelle fois insisté sur le fait que le conflit israélo-palestinien ne pouvait être réglé par la force militaire. «L’Autorité palestinienne, a-t-il ainsi déclaré, va déployer tous ses efforts et mettre en œuvre tous ses moyens pour mettre fin à la militarisation de l’Intifada». Il a en outre tenu à préciser que son objectif principal était de travailler à l’engagement pris devant la communauté internationale, à savoir «un Etat de droit, une seule autorité politique et les armes aux mains des seules personnes chargées de faire respecter la loi et de maintenir l’ordre public». Ce dernier point en particulier est une réponse claire aux attentes des Américains et des Israéliens. Washington et Tel Aviv ont à de nombreuses reprises engagé Mahmoud Abbas à s’attaquer au terrorisme en démantelant notamment les organisations radicales palestiniennes et en les désarmant.

Un geste qui risque d’être coûteux

Comme cela était prévisible, l’appel lancé par le Premier ministre à mettre fin à l’Intifada armée a aussitôt été rejeté par les groupes radicaux palestiniens. Et l’organisation islamiste Hamas, qui quelques heures avant le sommet d’Aqaba jugeait encore possible la conclusion d’une trêve des attentats israéliens, a affirmé qu’elle ne déposerait pas les armes. «Le Hamas va se tenir aux côtés du peuple palestinien, avec les armes, et ne permettra à personne de renoncer à une parcelle de notre terre», a ainsi affirmé l’un de ses porte-parole. Cette position est largement partagée par le Jihad islamique, également responsables de nombreux attentats sanglants en Israël. Ce mouvement, qui a qualifié l’appel de Mahmoud Abbas d’«offre gratuite» a en effet réaffirmé qu’il entendait poursuivre «la résistance à l’occupation israélienne aussi longtemps que celle-ci durera». Les islamistes ne sont en outre pas les seuls à refuser de déposer les armes. Le FPLP, Front populaire de libération de la Palestine a également refusé d’abandonner la lutte armée. «La résistance et l’Intifada vont se poursuivre et nous allons en informer officiellement le Premier ministre», a notamment affirmé l’un de ses responsables.

Les factions palestiniennes estiment dans leur grande majorité qu’un engagement d’Ariel Sharon pour la création d’un Etat palestinien n’est pas suffisant. Et à leurs yeux le démantèlement de quelques colonies sauvages comme il l’a promis à Aqaba ne mérite pas qu’elles déposent les armes. Elles réclament en effet un retrait des Territoires palestiniens réoccupés dans leur quasi-totalité depuis le déclenchement de l’Intifada en septembre 2000. Le Premier ministre israélien s’est engagé à l’issue du sommet d’Aqaba à «commencer immédiatement à démanteler les colonies non autorisées» en Cisjordanie. Mais à en croire le vice-ministre israélien de la Défense, cette mesure ne concernerait que «les points d’implantation clairement illégaux, une dizaine tout au plus». Or, selon le mouvement La Paix Maintenant, 116 points de colonisation sauvage ont été créés depuis 1996, la plupart construits sans permis l’ont obtenu à posteriori. Les autorités israéliennes ne semblent pas pour le moment décidées à démanteler ces colonies construites en Cisjordanie et dans la bande de Gaza dans lesquelles vivent quelque 220 000 personnes. Les mouvements de colons ont en outre appelé à une manifestation de masse ce mercredi à Jérusalem.

Dans ce contexte, l'«offre gratuite» de Mahmoud Abbas pourrait s’avérer coûteux. Le Premier ministre ne bénéficie en effet pas d’un soutien populaire, les Palestiniens le considérant comme un homme imposé par les Américains et les Israéliens. Ils pourraient donc interpréter son geste comme une façon de brader leurs intérêts.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 04/06/2003