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Proche-Orient

La réoccupation «coup-de-poing»

L'incursion des chars israéliens sur la colline d'Abou Sneineh à Hébron est la plus importante depuis le passage de 80% de la cité des patriarches sous l'autorité de Yasser Arafat en 1997. Cette opération coup-de-poing était réclamée depuis des mois par les 400 colons fanatiques du centre-ville, dont la présence justifie le maintien de 1 600 soldats pour les protéger face à 120 000 Palestiniens, gorgés de ranc£ur.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Les parachutistes et les garde-frontières israéliens ont rasé deux maisons à partir desquels des Palestiniens font régulièrement le coup de feu contre leurs voisins juifs, mais cela ne devrait pas empêcher la poursuite de la violence dans la poudrière d'Hébron, ville sainte à la fois pour l'islam et le judaïsme. «S'il le faut, Tsahal retournera à Abou Sneineh et y restera», a averti le chef d'état-major adjoint, le général Moshe Yaalon.

Quelques heures après, une autre incursion militaire en zone sous autorité palestinienne avait lieu à Deir el Balah au centre de la bande de Gaza, en réponse là encore à des tirs palestiniens contres des positions de Tsahal. C'est la sixième fois que les soldats israéliens piétinent ainsi les accords sur l'autonomie signés avec l'autorité de Yasser Arafat. La première eut lieu mi-avril à Beit Hanoun dans la bande de Gaza, et la plus spectaculaire la semaine dernière à Jénine dans le nord de la Cisjordanie, où l'armée détruisit le quartier général de la police palestinienne. A chaque violation de ces accords, Israël s'attire la critique de la communauté internationale, Etats-Unis compris, ce qui ne l'empêche pas de renouveler ce type de pénétrations.

Les accords d'Oslo sont caducs

Malgré l'avertissement du général Yaalon, la plupart des analystes estime qu'Ariel Sharon n'a aucune intention de réoccuper durablement des portions de territoires cédés aux Palestiniens ces dernières années. Pour l'instant, ces raids n'ont fait aucun blessé côté israélien et quelques-uns côté palestinien. Il pourrait en être autrement en cas d'invasion prolongée de Tsahal, surtout si les militaires sont amenés à quitter leurs tanks, derrière lesquels ils se sont protégés à chacune des récentes incursions. Pourquoi opterait-il pour une solution coûteuse en vies humaines, s'interrogent ces mêmes sources alors que l'armée peut facilement faire des allées et venues en zones palestiniennes, les soldats demeurant déployés aux portes de ces dernières.

En envoyant ses chars en territoire autonome palestinien, Ariel Sharon signale à Yasser Arafat et à la communauté internationale que les accords d'Oslo sont caducs, et qu'aucune ligne rouge n'est à ses yeux taboue. La répétition de ces incursions, sans autre conséquence que de simples objurgations, peut lui donner le sentiment d'un blanc-seing accordé par la communauté internationale à sa stratégie du talion opposée à la «résistance» en Cisjordanie et à Gaza.

Pour les Palestiniens, ces incursions militaires montrent la vanité des démarches diplomatiques entreprises par Shimon Pérès, le ministre des affaires étrangères, qui espère rencontrer la semaine prochaine Yasser Arafat. Une réunion préparatoire entre Avi Gil, conseiller de M. Pérès, et Saëb Erakat, proche d'Arafat, s'est soldée par un échec. «Comment peut-on oser parler de renouer le contact diplomatique alors que sur le terrain, la situation humanitaire empire de jour en jour et que les faits accomplis se multiplient», se demande un diplomate européen, pessimiste. Rien que pour la seule Cisjordanie, Israël a établi 92 barrages militaires. Une donnée a priori moins édifiante que des chars qui pénètrent quelques heures en zone palestinienne mais aux retombées beaucoup plus néfastes pour la population.



par Georges  Malbrunot

Article publié le 24/08/2001