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Proche-Orient

La schizophrénie arabe

La détérioration de la situation dans les territoires palestiniens est en train de plonger le monde arabe dans une sorte de schizophrénie politique. D'un coté, il y a la radicalisation croissante de l'opinion publique et de l'autre l'embarras grandissant des gouvernants alliés de l'Occident.

Dimanche 12 août, un nouvel attentat suicide a eu lieu dans un restaurant près d'Haïfa, au nord d'Israël. Il a fait une quinzaine de blessés selon la police, certains gravement touchés (bilan provisoire). Le kamikaze palestinien a trouvé la mort dans cette action qui n'était pas revendiquée en début de soirée.

De notre correspondant en Egypte

L'attentat suicide du jeudi 9 août à Jérusalem illustre bien le syndrome du «Docteur Jekyll et Mr. Hyde» que vivent actuellement nombre de pays arabes écartelés entre la radicalisation de l'opinion publique face à la politique israélienne et le souci des gouvernements de ne pas s'aliéner le soutien des Etats-Unis. Le gouvernement égyptien a, par exemple, fermement condamné l'attentat, réaffirmant qu'il était «contre la violence et le terrorisme dirigés contre des civils palestiniens ou israéliens quels qu'en soient les auteurs».

Mais à Manama, capitale du Bahreïn qui abrite pourtant la Ve flotte américaine, des milliers de manifestants brandissaient des drapeaux du Hezbollah libanais, ce mouvement proche du Hamas palestinien auteur de l'attentat de Jérusalem.

En règle générale, les médias et l'opinion publique arabes approuvent les «attentats martyrs» même quand ils visent des civils israéliens. Une occasion pour défouler une frustration grandissante devant ce qu'ils perçoivent comme «la toute puissance israélienne».

«Ils ont les F-16, nous on a les martyrs et la dynamite»

«On lutte avec les moyens qu'on a! Ils (les Israéliens) ont les F16 et les tanks, nous avons les martyrs et la ceinture de dynamite! Ca a marché au Liban, pourquoi pas en Palestine? » nous a déclaré un journaliste égyptien proche du courant islamiste. Un courant qui a, après avoir été affaibli par ses luttes avec les gouvernements arabes et la répression qui en a découlé, retrouve un cheval de bataille.

Chaque vendredi, de nombreuses mosquées du Golfe à l'Atlantique, deviennent des tribunes fustigeant «les sionistes». L'affaire de la pose de la première pierre du troisième temple au pied de la mosquée Al Aqsa, troisième lieu saint de l'islam, par un groupe extrémiste juif n'a fait qu'exacerber les sentiments religieux.

Ariel Sharon est naturellement l'homme le plus voué aux gémonies dans le monde arabe, mais les Américains commencent, eux aussi, à payer le prix de leur politique inconsistante au Proche-Orient. Alors que les officiels parlent de revenir au boycott économique d'Israël, un mouvement d'opinion de plus en plus large appelle à la mise en quarantaine des produits américains. La «moqataa» lancée au début de l'Intifada refait du chemin au niveau populaire. Elle est par contre ignorée par les gouvernements alliés de Washington qui auraient trop à perdre en cas de confrontation frontale avec les Etats-Unis. L'aide économique et militaire accordée par les Etats-Unis au Caire et à Amman (près de 2,5 milliards de dollars) est vitale.

Reste donc à critiquer l'immobilisme américain face à «l'escalade de la violence israélienne» et à demander à Washington d'intervenir. Des appels qui seront sans lendemain si l'on en croit 94,4% des internautes qui ont participé à un sondage sur le site de la chaîne de télévision Al Jazeera.



par Alexandre  Buccianti

Article publié le 11/08/2001