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Proche-Orient

La violence spontanée des desperados palestiniens

La colère et le désespoir sont si profonds en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où le bouclage imposé par Israël depuis des mois creuse la misère, que l'initiative de la violence n'est plus l'apanage des factions intégristes, opposés au processus de paix avec l'état hébreu. Elle peut être déclenchée de manière quasi-spontanée ou par d'obscurs groupuscules qui veulent venger la mort d'un proche tombé en «martyr» sous les balles israéliennes. A l'engrenage de la violence pourrait s'ajouter une dérive à la libanaise. La reprise en main, le moment venu, par Yasser Arafat, sera périlleuse.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

La multiplicité des revendications d'attentats depuis le début de l'intifada témoigne de l'éclatement des opérations anti-israéliennes. La majorité des bombes à effet dirigé posées sur le bord des routes dans le bloc des colonies juives du Goush Katif à Gaza ne l'a pas été par des activistes du Hamas ou du Djihad, mais par des hommes de la branche armée du Fatah, la faction de Yasser Arafat au sein de l'OLP, qui fait le coup de feu contre les colons et les soldats.

Contrairement à la vague de violence islamiste du printemps 1996, la population cette fois-ci soutient les actes de terrorisme. «S'ils tuent des Palestiniens, c'est notre droit de tuer des Israéliens», lance Adla, une habitante du camp de réfugiés d'Aïda près de Béthléem où personne ne trouve à redire aux attaques anti-israéliennes. Après quatre mois d'intifada qui ont coûté la vie à plus de 350 Palestiniens, la loi du talion est la seule qui vaille aujourd'hui en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. «Ils nous tirent dessus, c'est normal qu'on réponde, et vous savez, tout le monde maintenant est prêt à aller combattre Israël», ajoute cette mère, dont la maison a été attaquée en début de semaine par l'armée israélienne.

«Nous avons un compte à régler avec Sharon»

«Même des vieux sont volontaires pour commettre des opérations», nous disait le week-end dernier à Gaza, Ala Saftawi, directeur d'al Istiqlal, le journal du Djihad islamique qui promettait du sang et des larmes. «Nous avons un compte à régler avec Sharon. Ce n'est pas nous qui l'avons ouvert. S'il accentue la répression, la réponse sera à la mesure de celle-ci. Il y aura des attentats intensifs. Même si Israël boucle la bande de Gaza, nos hommes sont déjà sur place. Nous avons suffisamment de matériel, et puis la mafia russe (en Israël) est là s'il le faut. Il y aura une concurrence palestinienne pour assouvir cette vengeance historique».
Soucieux de ne pas apparaître en porte-à-faux avec une opinion radicalisée, Yasser Arafat a imputé à la politique «répressive» d'Israël l'attentat meurtrier du carrefour Azur. «C'est l'escalade militaire israélienne qui a des répercussions directes sur les sentiments du peuple palestinien», a souligné le président de l'autorité autonome.

Ni le Mouvement de la résistance islamique (Hamas), ni le Djihad n'ont explicitement revendiqué l'attentat. A l'instar de Yasser Arafat, eux aussi y voyaient «une réponse du peuple palestinien aux actes de destruction contre ses droits, les raids et la violence», selon Ismaël Abou Shanab, porte-parole du Hamas.

Conséquence de la répression israélienne depuis le début du soulèvement: les formations politiques palestiniennes sont désormais au diapason, chacune prenant soin de reprendre à son compte la colère populaire, et l'autorité, contrairement à la période d'avant l'intifada, n'a pas condamné l'attaque d'hier, ni mis cette action sur le compte d'un «individu isolé». Pourtant, selon l'entourage de son auteur, Alaa Khalil Abou Olba n'appartenait à aucune organisation islamique, comme en témoigne le renouvellement de son permis de travail en Israël il y a deux semaines.



par Georges  Malbrunot

Article publié le 15/02/2001