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Proche-Orient

Deux semaines pour conclure

Après trois jours d'interruption suite à l'attentat de Toulkarem, les négociations israélo-palestiniennes ont repris en Egypte. Contre toute probabilité, les négociateurs espèrent malgré tout conclure avant le 6 février, date de l'élection du Premier ministre israélien.
A quoi peuvent donc bien servir les négociations de Taba ? Le 6 février, si l'on en croit les sondages unanimes, Ehoud Barak, le premier ministre israélien sortant devra céder sa place au leader du Likoud, Ariel Sharon. Ce dernier a maintes fois répété qu'il n'entendait pas honorer un éventuel accord conclu avec les Palestiniens juste avant les élections.

Les islamistes palestiniens du Hamas semblent partager ce point de vue puisque la branche armée de ce mouvement, les brigades Ezzedine El Qassam, ont revendiqué l'assassinat, mardi 23 janvier, de deux Israéliens dans la ville cisjordanienne de Toulkarem. En réaction à cet assassinat, commis dans une zone sous contrôle palestinien, Ehoud Barak a rappelé ses négociateurs au moment où les deux parties s'apprêtaient à coucher sur le papier leurs points d'accord. On ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec les attentats-suicide du Hamas au début 1996 qui ont largement contribué à l'échec du premier ministre travailliste de l'époque, Shimon Peres, et à la victoire de son adversaire du Likoud Benyamin Netanyahou.

Cette fois-ci, Barak a donné la permission à ses négociateurs de retourner à Taba. Bien que le premier ministre israélien ait répété à nouveau ce jeudi qu'il ne croyait pas à un accord, il poursuit donc les négociations en dépit de l'hostilité virulente de l'opposition et d'une partie de ses propres ministres. Il vient d'ailleurs de recevoir le soutien de la Cour suprême, qui a estimé dans un arrêt rendu ce jeudi, que les efforts de paix du premier ministre étaient « légitimes ».

Mais Ehoud Barak n'a pas grand-chose à perdre à poursuivre les pourparlers engagés jusqu'à la dernière minute, car il n'a pas d'alternative. Un temps tenté par un discours guerrier qui disqualifiait ses interlocuteurs palestiniens, Barak s'est rapidement rendu compte que sur ce thème, Ariel Sharon emportait la conviction des électeurs préférant l'original à la copie. Son seul atout électoral, même s'il est mince, réside donc dans un accord de paix avec les Palestiniens.

Arafat a de bonnes raisons de ne pas jouer l'attentisme

Si l'on voit bien les raisons qui poussent Ehoud Barak à poursuivre les négociations jusqu'à la dernière minute, les motifs des Palestiniens sont moins évidents. A Washington, Bill Clinton qui avait noué avec Yasser Arafat une relation personnelle étroite a laissé la place à George W. Bush qui ne semble pas vouloir faire du Moyen-Orient sa priorité. A tel point que le nouveau secrétaire d'Etat, Colin Powell, a décidé de ne pas remplacer Dennis Ross qui quitte son poste de coordinateur pour le Proche-Orient. En Israël, tout indique que le futur interlocuteur d'Arafat sera Ariel Sharon qui répète à qui veut l'entendre que tout accord signé à Taba sera pour lui nul et non avenu.

Pourtant, Arafat a de bonnes raison de ne pas jouer l'attentisme. L'expérience a montré que Sharon, tout comme Netanyahou, ont dû peu ou prou se plier aux accords d'Oslo qu'ils avaient violemment dénoncé avant leur arrivée au pouvoir en 1996. Ariel Sharon est même l'un des artisans des accords israélo-palestiniens de Wye River d'octobre 1998. De plus, l'entourage de Sharon est secrètement entré en contact avec celui d'Arafat, mais Ariel Sharon l'a bruyamment fait savoir.

En tout état de cause, Arafat sait que le « boucher de Sabra et Chatila », comme l'appellent les Palestiniens, sera contraint de négocier avec lui, comme l'ont fait Rabin, Peres, Netanyahou et Barak. L'avantage pour les Palestiniens d'un accord conclu avec Barak sera sanctionné par la communauté internationale. Certes, Sharon peut l'ignorer. Mais en ce cas, les Palestiniens seront crédités de la volonté de la paix et Israël portera la responsabilité d'un échec. Pour Arafat, que Clinton avait publiquement rendu responsable de l'échec des négociations de Camp David en juillet 2000, ce retournement représenterait un succès politique. Un accord avec Barak, même rejeté par le nouveau gouvernement israélien, lui permettrait d'aborder dans une meilleure position des négociations qui s'annoncent pour le moins délicates.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 25/01/2001