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Proche-Orient

Londres maintient sa conférence sur les réformes palestiniennes

Largement compromise par le refus de l’Etat hébreu d’autoriser la venue des dirigeants palestiniens, la Conférence de Londres aura finalement bien lieu. Les autorités britanniques, à l’origine de cette initiative, devront se contenter d’une «conférence téléphonique» pour cette rencontre théoriquement destinée à relancer le processus de paix puisqu’elle devait se pencher sur la réforme des institutions palestiniennes, préalable pour Washington et Tel Aviv à toute reprise des négociations entre les deux parties. Malgré les pressions de Londres, le Premier ministre israélien Ariel Sharon, fermement opposé à cette réunion, aura finalement eu gain de cause au risque d’envenimer les relations avec la Grande-Bretagne, qui espérait par cette initiative courtiser les pays arabes au moment où le déploiement américano-britannique se poursuit dans le Golfe.
Ariel Sharon est resté sourd aux pressions des autorités britanniques. Et malgré le tollé suscité, en Israël et à l’étranger, par sa décision d’interdire, au lendemain d’un double attentat suicide qui a fait 22 morts à Tel Aviv, aux dirigeants palestiniens de se rendre à Londres, le Premier ministre israélien a refusé de se dédire. Il est vrai qu’il était à l’origine déjà fermement opposé à la tenue d’une telle rencontre organisée sans la participation de l’Etat hébreu. Et devant son intransigeance, les autorités britanniques, pour tenter de sauver la face, ont dû finalement se résigner à mettre en place une «conférence téléphonique», à laquelle devrait participer de hauts responsables de l’Autorité palestinienne et de la société civile, parmi lesquels le ministre de l’Information Yasser Abed Rabbo, le ministre de la Coopération internationale Nabil Chaath et celui des Finances Salam Fayad.

Si l’honneur du Premier ministre Tony Blair semble sauf avec le maintien coûte que coûte de cette conférence, il n’en demeure pas moins que la semaine qui vient de s’écouler a fortement ébranlé les relations entre Londres et Tel Aviv. Car pour garantir la tenue de la rencontre de Londres, le chef du gouvernement britannique avait personnellement pesé de tout son poids. Il avait écrit à son homologue israélien pour tenter de le convaincre de revenir sur sa décision. Mais l’ambassadeur britannique, Sherard Cowper-Coles, qui devait remettre la semaine dernière la missive à Ariel Sharon, n’a été reçu que dimanche. La rencontre prévue initialement jeudi a été reportée à deux reprises, preuve, s’il en fallait, du peu de cas que faisait le Premier ministre israélien de la requête de Tony Blair.

En «torpillant» sciemment l’initiative britannique, initialement prévue pour être une rencontre internationale à laquelle étaient conviés, outre les dirigeants palestiniens, des représentants du quartette (Etats-Unis, UE, Russie et ONU), de l’Egypte, de la Jordanie et de l’Arabie saoudite, Ariel Sharon a sans doute voulu également marquer son exaspération face à l’attitude du Premier ministre britannique qui recevait le chef de file des travaillistes Amram Mitzna. Il a d’ailleurs fait savoir officiellement qu’il considérait cette invitation faite à son rival comme «une ingérence de Londres dans la campagne en vue des élections législatives du 28 janvier». Il est vrai que Tony Blair avait refusé de recevoir au même moment le chef de la diplomatie israélienne, Benyamin Netanyahu, en voyage en Grande-Bretagne.

Silence complice de Washington

Si les propos échangés entre officiels britanniques et Israéliens sont dans l’ensemble restés très mesurés durant la semaine, ils ont pris une nouvelle dimension avec l’intervention de la ministre britannique du Développement international. Connue pour son franc-parler, Clare Short a ouvertement accusé dimanche Ariel Sharon d’avoir «anéanti» la conférence de Londres, mettant ainsi en évidence la brusque dégradation des relations entre les deux pays. «La conférence vient d’être anéantie par le gouvernent israélien qui a décidé qu’il ne permettrait pas aux dirigeants palestiniens d’y participer, ce qui est absurde», a-t-elle regretté. «Il y a des Palestiniens réformateurs qui veulent des réformes et nous devons faire plus en ce sens», a-t-elle également plaidé en rappelant notamment que la conférence de Londres visait justement à les aider à «bâtir des institutions qui serviraient de point de départ à un Etat compétent et bien géré».

Dans une critique à peine voilée aux Etats-Unis, qui se sont bien gardés de critiquer la décision d’Ariel Sharon, Clare Short, a également souligné qu’une grande partie du monde arabe reprochait à Washington sa politique de «deux poids deux mesures» dans ses relations d’une part avec Israël et d’autre part avec l’Irak. «Evidemment, les Etats-Unis sont le principal soutien de l'Etat israélien sur le plan politique, sur le plan des armes et de l'aide financière», mais a-t-elle regretté, «ils ne semblent pas profiter de leur influence même si le président George Bush se dit favorable à une solution impliquant deux Etats». Elle a en outre déploré le peu d’actions engagées pour relancer le processus de paix, en expliquant notamment que «l'énorme souffrance du peuple palestinien» n’était pas tolérable.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 13/01/2003