Proche-Orient
Le chef du FPLP reste en prison
Malgré la décision de la Cour suprême palestinienne ordonnant la libération d’Ahmed Saadat, Yasser Arafat a reculé devant les pressions israélo-américaines.
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
Les murs de Ramallah vont en voir de toutes les couleurs. Au lendemain de la levée du siège du Mouqataa, le QG de Yasser Arafat, ils avaient été tapissés de portraits d’Ahmed Saadat, le chef du FPLP et des quatre militants jugés responsables de l’assassinat de Réhavam Zeevi, le ministre israélien du tourisme. L’opinion publique palestinienne n’avait guère apprécié que ces hommes considérés comme des «résistants», soient emprisonnés à Jéricho, qui plus est sous surveillance américano-britannique, en échange du retrait israélien de Ramallah. A coup sûr, la décision du cabinet palestinien de maintenir Ahmed Saadat en prison, «en raison des menaces israéliennes», mais au mépris du jugement de la Cour suprême, va accentuer la défiance entre la population des Territoires et le régime de Yasser Arafat. Voire même créer quelques turbulences.
Le dilemme était cruel. Lundi matin, la Cour avait ordonné la remise en liberté d’Ahmed Saadat, estimant qu’il n’y avait pas de preuves de son implication dans le meurtre de Zeevi. A la différence des quatre militants du FPLP condamnés à la prison ferme au cours d’un procès expéditif bricolé dans les murs du Mouqataa, il n’avait pas été jugé. C’est Israël qui avait exigé que le chef du FPLP, considéré par Ariel Sharon comme le commanditaire de l’opération, soit également incarcéré. Mais depuis, son cas n’avait jamais été tranché.
Après l’annonce de la Cour suprême, la réaction du cabinet israélien n’avait pas tardé. Sharon affirmait qu'Israël avait pris par avance «toutes les mesures nécessaires pour empêcher la libération d'Ahmad Saadat». De son côté, le ministre de la Défense Benyamin Ben Eliezer prévenait que son pays serait «libre d'agir» s’il était libéré. Enfin Ranaan Gissin, l’un des proches conseillers du Premier ministre, avançait qu’Israël «amènera la justice jusqu’à Ahmed Saadat», s’il venait à y échapper. Nul besoin d’être devin pour décoder: L’État hébreu dont les soldats se massaient autour de Jéricho, était prêt au coup de force. D’où le dilemme auquel Arafat était confronté: «D'un côté, il doit se conformer à cette décision, expliquait le négociateur palestinien Saëb Erakat. Mais de l'autre, il sait que les Israéliens pourraient enlever ou assassiner Saadat s'il était relâché».
Arafat évite les remous diplomatiques
Mais la décision d’Arafat n’est pas seulement le fruit de considérations intérieures. Libérer Saadat, au moment où Ariel Sharon presse Washington d’exclure le vieux raïs du jeu diplomatique, aurait été malvenu. Georges Tenet, le directeur de la CIA qui rencontrait lundi soir le Premier ministre israélien, n’aurait guère apprécié qu’Arafat, à douze heures de leur entretien, rompe un accord qui avait été obtenu grâce à la médiation de la Maison Blanche. Dans l’après-midi de lundi, les États-Unis avaient d’ailleurs suggéré aux Palestiniens de ne pas prendre de mesure «unilatérale». En privilégiant l’apaisement avec Tel Aviv, Arafat évite des remous diplomatiques inopportuns, à quelques jours du discours très attendue que devraient prononcer ce week-end Georges Bush ou Colin Powell sur la situation au Proche-Orient.
Sur le front intérieur en revanche, Arafat aura beaucoup plus de mal à «vendre» sa décision. Interrogé depuis sa cellule, avant la reculade du cabinet palestinien, Ahmed Saadat avait salué la décision de la Cour suprême. «C’est un pas dans la bonne direction. J’espère que l’Autorité palestinienne respectera le jugement de la Cour au moment où elle parle de séparation des pouvoirs et de la force de la loi». De fait, le président palestinien avait consenti à ratifier il y a deux semaines une loi sur l’indépendance de la justice votée plusieurs années plus tôt mais jamais promulguée. Une mesure plébiscitée par la population et censé prouver sa bonne volonté en matière de réformes.
La pression d’Ariel Sharon l’aura obligé à se dédire. Entre les impératifs sécuritaires d’Israël et les aspirations démocratiques de sa population, l’Autorité palestinienne est une fois de plus prise au piège.
Les murs de Ramallah vont en voir de toutes les couleurs. Au lendemain de la levée du siège du Mouqataa, le QG de Yasser Arafat, ils avaient été tapissés de portraits d’Ahmed Saadat, le chef du FPLP et des quatre militants jugés responsables de l’assassinat de Réhavam Zeevi, le ministre israélien du tourisme. L’opinion publique palestinienne n’avait guère apprécié que ces hommes considérés comme des «résistants», soient emprisonnés à Jéricho, qui plus est sous surveillance américano-britannique, en échange du retrait israélien de Ramallah. A coup sûr, la décision du cabinet palestinien de maintenir Ahmed Saadat en prison, «en raison des menaces israéliennes», mais au mépris du jugement de la Cour suprême, va accentuer la défiance entre la population des Territoires et le régime de Yasser Arafat. Voire même créer quelques turbulences.
Le dilemme était cruel. Lundi matin, la Cour avait ordonné la remise en liberté d’Ahmed Saadat, estimant qu’il n’y avait pas de preuves de son implication dans le meurtre de Zeevi. A la différence des quatre militants du FPLP condamnés à la prison ferme au cours d’un procès expéditif bricolé dans les murs du Mouqataa, il n’avait pas été jugé. C’est Israël qui avait exigé que le chef du FPLP, considéré par Ariel Sharon comme le commanditaire de l’opération, soit également incarcéré. Mais depuis, son cas n’avait jamais été tranché.
Après l’annonce de la Cour suprême, la réaction du cabinet israélien n’avait pas tardé. Sharon affirmait qu'Israël avait pris par avance «toutes les mesures nécessaires pour empêcher la libération d'Ahmad Saadat». De son côté, le ministre de la Défense Benyamin Ben Eliezer prévenait que son pays serait «libre d'agir» s’il était libéré. Enfin Ranaan Gissin, l’un des proches conseillers du Premier ministre, avançait qu’Israël «amènera la justice jusqu’à Ahmed Saadat», s’il venait à y échapper. Nul besoin d’être devin pour décoder: L’État hébreu dont les soldats se massaient autour de Jéricho, était prêt au coup de force. D’où le dilemme auquel Arafat était confronté: «D'un côté, il doit se conformer à cette décision, expliquait le négociateur palestinien Saëb Erakat. Mais de l'autre, il sait que les Israéliens pourraient enlever ou assassiner Saadat s'il était relâché».
Arafat évite les remous diplomatiques
Mais la décision d’Arafat n’est pas seulement le fruit de considérations intérieures. Libérer Saadat, au moment où Ariel Sharon presse Washington d’exclure le vieux raïs du jeu diplomatique, aurait été malvenu. Georges Tenet, le directeur de la CIA qui rencontrait lundi soir le Premier ministre israélien, n’aurait guère apprécié qu’Arafat, à douze heures de leur entretien, rompe un accord qui avait été obtenu grâce à la médiation de la Maison Blanche. Dans l’après-midi de lundi, les États-Unis avaient d’ailleurs suggéré aux Palestiniens de ne pas prendre de mesure «unilatérale». En privilégiant l’apaisement avec Tel Aviv, Arafat évite des remous diplomatiques inopportuns, à quelques jours du discours très attendue que devraient prononcer ce week-end Georges Bush ou Colin Powell sur la situation au Proche-Orient.
Sur le front intérieur en revanche, Arafat aura beaucoup plus de mal à «vendre» sa décision. Interrogé depuis sa cellule, avant la reculade du cabinet palestinien, Ahmed Saadat avait salué la décision de la Cour suprême. «C’est un pas dans la bonne direction. J’espère que l’Autorité palestinienne respectera le jugement de la Cour au moment où elle parle de séparation des pouvoirs et de la force de la loi». De fait, le président palestinien avait consenti à ratifier il y a deux semaines une loi sur l’indépendance de la justice votée plusieurs années plus tôt mais jamais promulguée. Une mesure plébiscitée par la population et censé prouver sa bonne volonté en matière de réformes.
La pression d’Ariel Sharon l’aura obligé à se dédire. Entre les impératifs sécuritaires d’Israël et les aspirations démocratiques de sa population, l’Autorité palestinienne est une fois de plus prise au piège.
par Benjamin Barthe
Article publié le 04/06/2002