Proche-Orient
Les colons : <br>«<i>Nous ne resterons pas sans réaction</i>»
Les bombardements ont repris de plus belle : dans la nuit de lundi à mardi, des hélicoptères de combat israéliens ont lancé des raids contre des objectifs palestiniens dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Mardi matin, des affrontements ont éclaté entre Palestiniens et soldats israéliens faisant cinq blessés Palestiniens, dont certains grièvement atteints. Ces attaques sont une riposte à la mort de deux Israéliens à Jérusalem-Est. De plus, l'aéroport de Gaza a, pour la troisième fois depuis le 28 septembre, été fermé par les autorités israéliennes qui mettent en avant des raisons « de sécurité ». Côté colonies juives, des coups de feu ont été tirés en direction de position de l'armée israélienne notamment dans celle de Vered Jericho ou de Psagot, en Cisjordanie. Une colonie juive située en face de Ramallah où s'est rendue Johanne Sutton, notre envoyée spéciale en Israël et dans les territoires palestiniens. Reportage.
Quelques impacts de balles sur le mur de l'école maternelle, dans les bureaux de la colonieà La voix calme mais ferme, Menahem Gourary, directeur du conseil régional qui regroupe 31 localités assène : «Psagot sera bientôt Sarajevo et les Palestiniens nous font jouer à la roulette russe d'al Aqsa, nous ne savons pas où ils vont tirer ce soirà». Formules sans nuances, mais les autorités israéliennes savent que si un colon tombe, alors c'est l'embrasement. L'heure du face-à-face tant redouté est-elle arrivée ? Car Psagot, petite colonie juchée sur une colline a été créée en 1981, en face de Ramallah en contrebas, à moins de 800 mètres à vol d'oiseau.
Deux cent quarante familles, mille trois cents personnes, face à l'une des huit villes palestiniennes autonomes. «Un choix politique bien sûr», explique le médecin Philippe Toubiana. «Nous avons acheté notre maison au lendemain de l'élection d'Ytzhak Rabin. Pour nous enraciner ici, sur la terre de nos ancêtres car chaque localité ici même arabe est une référence biblique au judaïsme.» Depuis un mois, le docteur a remis son pistolet à la ceinture et son Uzi n'est jamais très loin. A Psagot, les colons vous promettent que jusqu'à ces dernières semaines, tout était normal. Normal, ici cela signifie que pour aller ou venir à Jérusalem, les colons peuvent emprunter la «route Rabin». Une magnifique route en lacets, presque irréelle, entre les collines désertiques, qui contourne les localités palestiniennes. Cela a changé notre vie : «Les taxis peuvent arriver à Psagot, nous sommes presque des citoyens comme les autres» dit Irène dans un sourire.
Alors aujourd'hui, les tirs sporadiques ou parfois nourris depuis El-Bireh, faubourg de Ramallah, inquiètent ces colons déjà enclins au sentiment d'être des assiégés. Mais « nous sommes préparés à cela », l'armée israélienne déjà installée dans ce point stratégique sur les hauteurs, a renforcé sa présence. Véhicules blindés, tank, patrouilles, check point qui contrôle les passages vers les colonies et filtre minutieusement les entrées et sorties de Ramallah. « Quand on nous tire dessus, Tsahal riposte » dit Menahem Gourary, mais avec retard et insuffisamment à son goût : « L'armée demande aux Arabes d'évacuer les lieux avant et les frappes sont chirurgicales » se plaint-il sans cacher son impatience. D'autres colons sont passés à l'acte. Au risque de précipiter la région dans un conflit plus sanglant encore.
«Arik a toujours su nous comprendre»
A Naplouse, après la destruction du tombeau de Joseph par des Palestiniens déchaînés, des colons escortés par quatre soldats ont «organisé une excursion touristique sur les hauteurs de la ville, pour rendre hommage à Joseph en cette fête de Souccoth (la fête des cabanes) » affirme le directeur du conseil régional des implantations «et les Palestiniens les ont pris pour cible» raconte Gourary. Version radicalement opposée côté palestinien : «Les colons nous ont tiré dessus depuis le sommet de la montagne». Résultat, sept heures d'une des confrontations les plus acharnées depuis le début de cette intifada. Quatre jeunes Palestiniens sont morts et les timides espoirs qu'avait créé le sommet de Charm el-Cheikh se sont envolés.
Ainsi protégés dans leur forteresse, les colons de Psagot ne cachent pas que cette seconde Intifada sert plutôt leur cause. L'éventuelle entrée d'Ariel Sharon, le chef du Likoud au gouvernement est une ôassurance vieö pour les jours prochains, dit-on ici. «Arik a toujours su nous comprendre». Farouchement opposés à l'accord de paix dont ils auraient été les premiers à faire les frais, les colons soulignent d'autant plus le «fiasco de la politique en zigzag de Barak». «Il a fait des concessions énormes que nous n'osions imaginer et cela n'a pas empêché les Palestiniens de recourir à la violence», résume Gourary. «Barak devrait se souvenir de la phrase de Bismarck : ôquand on veut acheter un ennemi avec des concessions, on n'est jamais assez richeö». En Israël, beaucoup se demandent de plus en plus ouvertement jusqu'à quand il va falloir envoyer des soldats assurer la sécurité de quelque 30 000 à 40 000 colons disséminés en Cisjordanie. «Les Israéliens doivent se souvenir que nous sommes en première ligne. Sans nous, les pierres et les balles viseraient les quartiers de Jérusalem ou de Tel Aviv» rétorque Menahem Gourary. Si un jour il faut partir d'ici, «Nous ne laisserons pas démanteler la colonie sans rien faire» ajoute cet autre colon.
Deux cent quarante familles, mille trois cents personnes, face à l'une des huit villes palestiniennes autonomes. «Un choix politique bien sûr», explique le médecin Philippe Toubiana. «Nous avons acheté notre maison au lendemain de l'élection d'Ytzhak Rabin. Pour nous enraciner ici, sur la terre de nos ancêtres car chaque localité ici même arabe est une référence biblique au judaïsme.» Depuis un mois, le docteur a remis son pistolet à la ceinture et son Uzi n'est jamais très loin. A Psagot, les colons vous promettent que jusqu'à ces dernières semaines, tout était normal. Normal, ici cela signifie que pour aller ou venir à Jérusalem, les colons peuvent emprunter la «route Rabin». Une magnifique route en lacets, presque irréelle, entre les collines désertiques, qui contourne les localités palestiniennes. Cela a changé notre vie : «Les taxis peuvent arriver à Psagot, nous sommes presque des citoyens comme les autres» dit Irène dans un sourire.
Alors aujourd'hui, les tirs sporadiques ou parfois nourris depuis El-Bireh, faubourg de Ramallah, inquiètent ces colons déjà enclins au sentiment d'être des assiégés. Mais « nous sommes préparés à cela », l'armée israélienne déjà installée dans ce point stratégique sur les hauteurs, a renforcé sa présence. Véhicules blindés, tank, patrouilles, check point qui contrôle les passages vers les colonies et filtre minutieusement les entrées et sorties de Ramallah. « Quand on nous tire dessus, Tsahal riposte » dit Menahem Gourary, mais avec retard et insuffisamment à son goût : « L'armée demande aux Arabes d'évacuer les lieux avant et les frappes sont chirurgicales » se plaint-il sans cacher son impatience. D'autres colons sont passés à l'acte. Au risque de précipiter la région dans un conflit plus sanglant encore.
«Arik a toujours su nous comprendre»
A Naplouse, après la destruction du tombeau de Joseph par des Palestiniens déchaînés, des colons escortés par quatre soldats ont «organisé une excursion touristique sur les hauteurs de la ville, pour rendre hommage à Joseph en cette fête de Souccoth (la fête des cabanes) » affirme le directeur du conseil régional des implantations «et les Palestiniens les ont pris pour cible» raconte Gourary. Version radicalement opposée côté palestinien : «Les colons nous ont tiré dessus depuis le sommet de la montagne». Résultat, sept heures d'une des confrontations les plus acharnées depuis le début de cette intifada. Quatre jeunes Palestiniens sont morts et les timides espoirs qu'avait créé le sommet de Charm el-Cheikh se sont envolés.
Ainsi protégés dans leur forteresse, les colons de Psagot ne cachent pas que cette seconde Intifada sert plutôt leur cause. L'éventuelle entrée d'Ariel Sharon, le chef du Likoud au gouvernement est une ôassurance vieö pour les jours prochains, dit-on ici. «Arik a toujours su nous comprendre». Farouchement opposés à l'accord de paix dont ils auraient été les premiers à faire les frais, les colons soulignent d'autant plus le «fiasco de la politique en zigzag de Barak». «Il a fait des concessions énormes que nous n'osions imaginer et cela n'a pas empêché les Palestiniens de recourir à la violence», résume Gourary. «Barak devrait se souvenir de la phrase de Bismarck : ôquand on veut acheter un ennemi avec des concessions, on n'est jamais assez richeö». En Israël, beaucoup se demandent de plus en plus ouvertement jusqu'à quand il va falloir envoyer des soldats assurer la sécurité de quelque 30 000 à 40 000 colons disséminés en Cisjordanie. «Les Israéliens doivent se souvenir que nous sommes en première ligne. Sans nous, les pierres et les balles viseraient les quartiers de Jérusalem ou de Tel Aviv» rétorque Menahem Gourary. Si un jour il faut partir d'ici, «Nous ne laisserons pas démanteler la colonie sans rien faire» ajoute cet autre colon.
par Johanne SUTTON
Article publié le 30/10/2000