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Proche-Orient

La situation échappe à Ehoud Barak

Après l'échec du sommet de Paris et le boycott par le premier ministre israélien de la rencontre de Charm el Cheikh, les possibilités d'une reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens paraissent s'évanouir à vue d'£il. En Israël, Ehoud Barak, concurrencé dans l'opinion par ses rivaux du Likoud, est contraint d'adopter une position de plus en plus intransigeante.
Une semaine après l'escapade d'Ariel Sharon sur l'Esplanade des Mosquées, le premier ministre israélien est aspiré par le piège que lui a tendu le chef du Likoud. Alors qu'il venait de proposer une coexistence de deux capitales à Jérusalem, Ehoud Barak a été contraint d'adopter la posture du chef de guerre face à la violence qui s'est emparée des Territoires palestiniens et d'Israël. Mais, au vu des sondages publiés en Israël, l'attitude martiale de l'ancien chef d'état-major devenu chef du gouvernement ne lui a été d'aucun secours sur le plan politique : sa cote de popularité est en chute libre alors même que celle de son prédécesseur, Benyamin Netanyahou, est en hausse vertigineuse. Ce dernier, qui fait son retour en politique après avoir échappé aux poursuites judiciaires qui le menaçaient, est en effet crédité de 53 % des voix contre 36 % à l'actuel Premier ministre.

Ce sondage, il faut le noter, ne concerne que les électeurs juifs. Or, les électeurs arabes ont voté en mai 1999 à une écrasante majorité en faveur d'Ehoud Barak. Ce sont eux, dans une large mesure, qui par leur vote, ont assuré la marge lui garantissant la victoire. Mais les affrontements violents de ces derniers jours entre Arabes israéliens et forces de sécurité, les plus violents depuis 1976, ont laissé un goût amer parmi les Arabes, qui représentent près de 20 % de la population d'Israël. Barak ne pourrait plus compter sur leur suffrage lors des prochaines élections anticipées. Les électeurs arabes, selon toute vraisemblance, se réfugieraient dans l'abstention ou le vote pour les partis arabes, voire pour le Likoud.

Une maladresse, voire une faute politique

Sur le plan intérieur, Ehoud Barak donne le sentiment qu'il se prépare à un gouvernement d'union nationale qui ne pourrait être constitué qu'aux conditions du Likoud. Sur le plan international, la situation n'est guère brillante non plus. La bataille de l'image est déjà gagnée par les Palestiniens. A nouveau, comme du temps de la première Intifada, les Israéliens sont identifiés aux yeux du monde extérieur à Goliath, contre le David palestinien.

Dans ce contexte, la mise en cause de la France par les autorités israéliennes tient de la maladresse, voire de la faute politique. Dans le passé, les désaccords ont été nombreux entre Israël et la France et les torts largement partagés. Mais en l'espèce, Ehoud Barak est en situation de faiblesse. Il ne peut pas opposer Français et Américains, puisque c'est précisément à la demande de Madeleine Albright, manifestement décontenancée par le tour acrimonieux pris par ces discusssions, que Jacques Chirac est intervenu dans la négociation, dans la nuit du 4 au 5 octobre. L'illustre suffisamment la décision de la secrétaire d'Etat américaine de se rendre à Charm el Cheikh alors même que la réunion était ostensiblement boudée par Ehoud Barak. En outre, la diplomatie française ne parle pas seulement au nom de la France, mais de l'Union européenne qu'elle préside actuellement.

La France souhaite désormais faire condamner «l'acte de provocation» d'Ariel Sharon par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Washington, qui y a seulement vu une initiative «contreproductive» apposera sans doute son veto. Mais la perspective de la réunion d'un sommet arabe dans les semaines qui viennent se précisent, malgré l'opposition ouverte des Etats-Unis, qui ont en vain tenté de dissuader leurs nombreux amis dans la région. Le président égyptien, dont le rôle dans le processus de paix a souvent été salué par Washington, a même cru pouvoir annoncer que les chefs d'Etat arabes se réuniraient au Caire en sommet les 21 et 22 octobre.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 06/10/2000