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Proche-Orient

Près de neuf millions de dollars saisis à Ramallah

Les autorités israéliennes ont mené une opération sans précédent dans plusieurs banques de Ramallah au cours de laquelle ils ont confisqué plusieurs millions de dollars destinés selon eux à financer des opérations terroristes. Le Premier ministre palestinien Ahmed Qoraï a dénoncé «un acte mafieux», estimant que cette opération constituait un précédent «extrêmement dangereux».
L’opération a duré pas moins de treize heures. Des policiers, des officiers du Shin Bet, le service de renseignement intérieur israélien et des membres de la police des frontières, appuyés par des militaires, ont pris d’assaut mercredi matin les locaux de trois établissements bancaires de Ramallah. Selon des témoins, les soldats ont masqué les caméras de sécurité pour éviter qu’ils ne soient filmés avant d’évacuer les clients et les employés. Le personnel affecté à la salle des ordinateurs a toutefois été invité à rester sur place. L’armée avait la nuit précédent l’opération arrêté deux hommes, des ingénieurs en informatique travaillant pour deux des établissements bancaires pris d’assaut. De violents heurts ont ensuite très vite éclaté entre les soldats israéliens chargés d’assurer les abords des banques et de jeunes palestiniens qui les ont assaillis de coups de pierres. Les militaires ont riposté en tirant des balles de caoutchouc et en lançant des bombes lacrymogènes. Seize Palestiniens ont été blessés et l’un d’eux a même dû être opéré.

A en croire le président de la Cairo-Amman Bank –l’un des établissements qui a été attaqué avec deux succursales de l’Arab Bank et une autre de l’International Palestinian Bank–,les soldats ont présenté un ordre signé par le général Moshe Kaplinski du Commandement central israélien. «Ils ont ensuite montré une liste de 56 comptes qui selon eux devaient être saisis», a également expliqué Abdel-Malik al-Jabbar au quotidien israélien Haaretz. «C’est un désastre pour nous. Nous nous attendons d’ailleurs à voir tous nos clients vider leurs comptes de crainte de voir leur argent confisqué».

«Hold-up» pour les Palestiniens, «saisie légale» pour Israël

Ce n’est qu’en fin de soirée, une fois l’opération de Ramallah terminée, que les autorités israéliennes ont dévoilé les raisons de ce que le Premier ministre palestinien Ahmed Qoraï a qualifié de «hold-up». Un haut responsable sécuritaire, qui a tenu à garder l’anonymat, a ainsi expliqué que cette action, préparée depuis deux mois, visait à saisir des fonds servant à alimenter le terrorisme palestinien. Selon lui, elle a été menée «dans le cadre de la lutte d’Israël contre les infrastructures terroristes et de la lutte internationale contre les fonds servant à alimenter le terrorisme». Ce responsable a également précisé qu’entre sept et neuf millions de dollars en espèces ont été confisqués. Cet argent, a-t-il affirmé, a été saisi «dans quatre cents comptes de personnes privées, de familles ou d’institutions». Selon lui, ces sommes servaient à acheter des armes, des explosifs ou encore à payer les auteurs des attentats ou leurs proches si ces derniers venaient à être tués.

Le responsable israélien a par ailleurs précisé que l’argent saisi provenait notamment d’Iran et du Hezbollah chiite libanais. «Certaines sommes ont été envoyées d’Europe sous couvert d’aides à des organisations de charité», a-t-il également ajouté affirmant que «l’argent était le meilleur moyen pour ceux qui commanditent les actions terroristes de contrôler leurs agents». Dans ce contexte, a souligné ce dirigeant, l’opération menée à Ramallah constitue une «saisie légale» et non pas un «hold-up» comme le considèrent les autorités palestiniennes. Le Premier ministre Ahmed Qoraï a en effet vivement critiqué ce qu’il a qualifié d’«acte mafieux». Il a exigé jeudi la restitution des fonds saisis. «Il s'agit d'argent volé qui doit être restitué», a-t-il déclaré après une rencontre avec des directeurs de banques opérant dans les territoires palestiniens, insistant sur le fait qu’Israël n'avait «aucun droit de disposer de l'argent d'autrui».

Justifiant dans un communiqué l’opération menée à Ramallah, le ministre israélien de la Défense Shaoul Mofaz a assuré que les fonds confisqués seraient consacrés à des actions humanitaires en faveur des Palestiniens. «Cet argent, a-t-il souligné, doit être utiliser pour améliorer le quotidien des populations civiles et non pas pour tuer des Israéliens».

L’action rondement menée ne semble toutefois pas avoir convaincu l’administration Bush pourtant toujours prompte à soutenir le gouvernement Sharon. Washington a ainsi estimé que de telles opérations risquaient de déstabiliser le système bancaire palestinien jugeant dans ce contexte préférable «qu'il y ait une coordination avec les autorités financières palestiniennes afin d'endiguer le flot de fonds alimentant des groupes terroristes».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/02/2004