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Soudan

«Maintenant ou jamais au Darfour !»

Les opérations des milices pro-gouvernementales <I>jandjawid</I> contre les populations du Darfour ont déjà fait 50 000 morts. 

		AFP
Les opérations des milices pro-gouvernementales jandjawid contre les populations du Darfour ont déjà fait 50 000 morts.
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Intervenir «maintenant ou jamais au Darfour», préconise l'International Crisis Group (ICG), selon qui «il est trop tard pour prévenir le nettoyage ethnique au Darfour», à la frontière occidentale du Soudan côté Tchad et Centrafrique, où ont émergé deux rébellions en février 2003, mais il est encore temps d’empêcher une catastrophe humanitaire majeure en 2004. Et cela, à condition de prendre des mesures internationales d’urgence et d’agir par la force si nécessaire, selon ICG, ce qui ne paraît pas du tout d’actualité au moment où se négocient au Kenya les derniers arpents du partage du pouvoir et du pactole pétrolier entre Khartoum et sa rébellion sudiste.

En un an, le conflit du Darfour a déjà fait 30 000 morts. Avec la saison des pluies qui approche, la famine et les épidémies pourraient tuer 350.000 Soudanais de plus dans les neuf mois à venir, prophétise ICG. Le constat n’est pas nouveau. Les rapports humanitaires se suivent et se ressemblent, depuis que le 2 avril dernier, le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’Onu, Jan Egeland, a décrit comme des «actions concertées de nettoyage ethnique», les opérations des milices pro-gouvernementales djandjawid contre les populations négro-africaines du Darfour, les Four, les Zaghawa et les Massalit en particulier. De son côté, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime déjà à 1,2 millions de personnes les habitants de la région directement affectés par le conflit ouvert par l’entrée en lutte armée de deux rébellions, l’Armée de libération du Soudan (SLA) et le Mouvement justice et égalité (JEM). Plus de 750 000 Soudanais hantent désormais les camps de déplacés et des dizaines de milliers se sont réfugiés au Tchad voisin.

 

La guerre du Darfour s’est régionalisée avec l’entrée en lice, côté rebelles soudanais, de l’armée à dominante Zaghawa du président Déby, en opposition à l’action du chef de l’Etat tchadien qui tente d’empêcher son pays de servir de base arrière. Fin connaisseur d’une région qu’il a lui-même utilisée comme tête de pont pour sa prise du pouvoir à Ndjaména, Idriss Déby, s’active à la tête d’une médiation dont le dernier round, un cessez-le-feu signé à Ndjaména, le 8 avril dernier, reste controversé par les rebelles du Darfour, eux-mêmes en plein retournement d’alliances tactiques. Tandis qu’Idriss Déby préfèrerait sans doute concentrer son attention sur les toutes nouvelles ressources pétrolières tchadiennes et peut même craindre un effet boomerang de la crise du Darfour, au plan international, la partie se joue à fleurets mouchetés.

 

Instrument de pression

 

Américains en tête, les amateurs de paix pétrolière se sont visiblement fixé comme priorité la signature tant attendue à Naivasha (au Kenya) de l’accord de paix Nord-Sud fondé sur la partage du pouvoir et des richesses entre le régime Al-Béchir et ses adversaires de l’armée de libération du peuple soudanais (SPLA) de John Garang. L’accord est donné comme imminent depuis la fin de l’année dernière, date à laquelle justement s’est organisée la rébellion du Darfour. John Garang n’a d’ailleurs jamais caché que ce nouvel embrasement l’arrangeait, comme moyen de pression supplémentaire sur Khartoum. Et, comme le souligne ICG, «même si les liens entre la SPLA et les rebelles du Darfour n’ont pas été documentés, il existe au moins d’importants liens tactiques».

 

Une fois de plus, ce 22 mai, le ministre soudanais des Affaires étrangères, Moustafa Osmane Ismaïl, a promis «un accord de paix d'ici la fin de la semaine prochaine entre le gouvernement et la rébellion» sudiste. Concernant le Darfour, Khartoum dément «tout nettoyage ethnique ou extermination collective» mais reconnaît des exactions et invoque le lancement d’une «enquête indépendante pour déterminer les faits et demander des comptes à tout groupe» qui en aurait la responsabilité. Le gouvernement annonce également pour ce lundi 24 mai la levée des visas et autres laissez-passer qui entravaient jusqu’à présent la circulation des personnels humanitaires. Ces derniers devront désormais compter sur l’appui demandé par Khartoum à l’Union africaine pressée de «déployer rapidement ses observateurs afin de faciliter l'arrivée des aides humanitaires et d'instaurer la stabilité dans la région».

 

Solution politique

 

Les promesses de Khartoum satisfont pleinement le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan qui avait écrit au Président Omar Al-Béchir à la mi mai, pour lui demander «d'améliorer l'accès humanitaire aux victimes de la crise». La lettre de Kofi Annan avait été dictée par les rapports alarmants de missions de l'ONU qui lui suggéraient alors d’examiner la responsabilité de Khartoum dans les crimes contre l’humanité commis au Darfour. Le 19 mai, Omar Al-Béchir s'est déplacé en personne dans la capitale du Sud Darfour, Nyala, pour afficher sa détermination à trouver une issue négociée au conflit. Mais dès le lendemain, les rebelles du MLS ont salué cette déclaration de bonne intention par une fin de non recevoir, accusant les djandjawid d’avoir fait 45 morts dans des attaques lancées le 20 mai contre Abquarajel, un village à une quinzaine de kilomètres au sud de Nyala. Pour sa part, l'Union africaine vient de reporter au 26 et 27 mai la première réunion de la commission chargée de surveiller l'application de l'accord de cessez-le-feu du 8 avril initialement prévue le week-end dernier à Addis Abeba.

 

Kofi Annan avait aussi «insisté sur le fait qu'il importe de contrôler et de désarmer les milices dans la région» et de «parvenir à un règlement politique de la crise». En outre, en se félicitant, le 21 mai dernier, de la promesse gouvernementale de délivrer en 48 heures les visas d'entrée des personnels humanitaires et de les exempter de permis de circuler dans le Darfour, le secrétaire général de l’Onu n’a pas oublié d’exhorter les donateurs à répondre plus rapidement et généreusement qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent à ses appels de fonds en faveur des populations en détresse du Darfour. De leur côté, les Etats-Unis assurent via leur département d’Etat qu’ils «préparent le terrain pour qu'il y ait le moment venu une résolution du Conseil de sécurité si le gouvernement ne fait pas ce qu'il doit faire au Darfour». Washington pousserait même le Conseil de sécurité à une «ferme déclaration» sur la question. Autant dire que le «moment venu» dépend tout entier de Naivasha, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre à Khartoum pour répondre aux demandes internationales tout en évitant «certaines sanctions» américaines.

 

Les Etats-Unis, tout comme la Chine, où certains Européens comme la France, se dispenseraient volontiers d’un rappel à l’ordre au Darfour. C’est pourquoi ICG tente de mobiliser la conscience internationale en faveur d’une action déterminante du Conseil de sécurité pour éviter un «Darfour 2004» qui s’avèrerait aussi funeste que le «Rwanda 1994», inscrit dans les annales du génocide et de la «honte internationale». 



par Monique  Mas

Article publié le 24/05/2004 Dernière mise à jour le 24/05/2004 à 16:31 TU

Pour en savoir plus:
Le rapport de Intrenational Crisis Group (Sudan: Now or Never in Darfur)

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