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République démocratique du Congo

Louis Michel en «mission d’urgence»

Louis Michel, commissaire européen. 

		(Photo : AFP)
Louis Michel, commissaire européen.
(Photo : AFP)
A l’issue d’une «mission d’urgence» de 48 heures à Kinshasa, Kigali et Kampala (où se tenait un sommet du marché commun régional), le chef de la diplomatie belge, Louis Michel annonce une concertation, «à Bruxelles, avant le 15 juin», des ministres des Affaires étrangères de la Communauté économique des Grands lacs, pour relancer la coopération entre la République démocratique du Congo (RDC) et ses voisins. En même temps, il demande la réunion du Comité international de suivi pour faire le point sur la transition congolaise et pour «montrer l'importance que la communauté internationale lui accorde». En revanche, Louis Michel estime qu’une intervention militaire européenne n’est pas opportune à Bukavu, la capitale du Sud Kivu reprise le 8 juin par l’armée régulière.

Selon la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), les forces régulières de la nouvelle armée nationale ont repris mardi le contrôle de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud Kivu tombé le 2 juin aux mains de militaires opposés à la nomination d’un commandement militaire issu de la «composante gouvernementale», conformément au partage du pouvoir au sein des institutions de la transition. Selon la Monuc, le chef des «mutins» de Bukavu, le colonel Jules Mutebusi et ses quelque 300 hommes «ont décampé au moment où les troupes gouvernementales revenaient. La population joue du tam-tam et Mutebusi s'est évanoui dans la nature». Ils auraient franchi la frontière rwandaise. Une bataille s’achève. Mais la guerre de la transition n’est pas pour autant terminée.

Le 6 juin, les affrontements autour de Bukavu et les menaces sur la transition constituant visiblement un enjeu de grande importance pour la diplomatie belge, Louis Michel s’était envolé pour une visite éclair en Afrique centrale, délaissant la campagne des élections européennes où il brigue un siège de député comme chef de file des libéraux francophones belges. Une «mission d’urgence» l’a conduit à Kinshasa et Kigali, avec escale à Kampala où le contentieux entre les deux voisins et la crise inter-congolaise ont occupé les coulisses du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Marché commun des Etats d'Afrique australe et de l'Est (Comesa). Après avoir écouté les différentes parties, Louis Michel n’a pas tranché sur les responsabilités du différend qui les oppose. Préconisant un renforcement de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), il a en revanche estimée prématurée l’idée d’une intervention au Sud Kivu sur le modèle de celle de la force européenne Artémis conduite de juin à septembre 2003 par la France dans l’Ituri voisin. Ce faisant, il a porté l’essentiel de sa mission volontaire pour la sauvegarde de la transition qui doit conduire aux élections en juin 2005.

Sauver la transition

L’action diplomatique de Louis Michel a contribué à ancrer la Belgique dans une position équidistante vis-à-vis des belligérants des Grands lacs, au prix d’une relance de la coopération avec Kinshasa et d’excuses faites à Kigali pour le départ des troupes belges à l’heure du génocide. Cette fois encore le diplomate joue les équilibriste, recommandant un regain de concertation régionale sous arbitrage international. «Il faut à tout prix réunir les différents acteurs de la région et remettre en marche la Communauté économique des Grands lacs, c'est un élément clé», préconise Louis Michel. Il juge également nécessaire de rappeler aux acteurs de la crise congolaise qu’ils restent sous l’œil vigilant du Comité international d’accompagnement de la transition (CIAT) qui rassemble les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne et Russie), la Belgique, le Canada, l'Afrique du sud, l'Angola, le Gabon, le Mozambique, la Zambie, l'Union européenne, l'Union africaine et la Monuc. Il suggère que cette dernière le manifeste par une réunion d’étape.

«Nous voulons privilégier la pression diplomatique à la pression militaire», avait indiqué le diplomate belge à son arrivée dimanche à Kinshasa en compagnie de l'émissaire de l'Union européenne. Il s’était également refusé à entériner les accusations du président Kabila et de son état-major attribuant à Kigali la responsabilité des affrontements militaires du Sud Kivu. «Mon opinion n'est pas faite», expliquait lundi Louis Michel avant de s’envoler pour Kampala et Kigali où le président rwandais, Paul Kagame, lui a assuré que «le Rwanda n'était pas derrière» le branle-bas militaire de Bukavu. Répétant qu’il n’était pas venu «pour colporter des rumeurs ou des accusations», mais pour lever les «malentendus», le chef de la diplomatie belge a donc rencontré ou contacté par téléphone les principaux acteurs des Grands lacs, mais aussi les multiples protagonistes des événements de Bukavu.

Dimanche, en s’envolant de Bruxelles, Louis Michel avait décidé d’aller convaincre sur place les «mutins», comme qualifie la Monuc les troupes du général Nkunda et du colonel Mutebusi qui se sont affrontés à leur nouvelle hiérarchie militaire de la dixième région militaire, celle de Bukavu. «Il faut que les insurgés se soumettent à l'autorité régulière», déclarait-il, demandant en retour à Kinshasa de «garantir la sécurité de tous les citoyens congolais», celle de la communauté des Banyamulenge notamment, que les mutins assuraient vouloir protéger. Dès dimanche matin, le général Nkunda avait annoncé qu’il se retirait de Bukavu. Il assure aujourd’hui qu’il acceptera les sanctions militaires, pour peu, précise-t-il, que ses actes d’insubordination soient prouvés. Autant dire que le chapitre n’est pas définitivement clos.

A Kampala, où il participait au sommet de la Comesa, le président rwandais Paul Kagame a suggéré que les Congolais règlent leurs problèmes tout seuls, faisant savoir qu’il en avait «assez des troupes étrangères». «Nous les avons déjà vues, elles ont troublé cette région pour longtemps», a-t-il lancé en écho à son ministre des Affaires étrangères, Charles Murigande. Trouvant visiblement saumâtre la perspective d’une deuxième opération Artémis, ce dernier promettait, le 8 juin, au sortir de son entretien avec son homologue belge, que «si cette opération est dirigée par la France, nous ne manquerons pas de dire que nous ne sommes pas d'accord». Ce n’est plus à l’ordre du jour et la Monuc a réinvesti Bukavu, derrière l’armée régulière cette fois.

En quittant Kinshasa mardi, Louis Michel espérait que «tout sera rentré dans l'ordre dans les prochaines heures». Et cela sans intervention militaire extérieure de type «Artémis 2», opération de «dernier recours», selon lui, une fois toutes les voies diplomatiques épuisées. «Les conditions ne sont pas réunies pour le faire maintenant», explique-t-il, estimant que «se battre pour renforcer les moyens de la Monuc est la chose la plus importante». C’est aussi l’avis de l’Union européenne qui indiquait mardi que la seule éventualité envisagée pour le moment était l’envoi d’observateurs pour surveiller le cessez-le-feu, aux côtés d’une Monuc visiblement débordée.

En une semaine, les affrontements ont fait une centaine de morts et des milliers de déplacés et réfugiés. Trois casques bleus ont été tué. Deux d’entre eux auraient trouvé la mort dans une attaque de rebelles rwandais. Ces derniers opèrent en effet toujours dans les deux Kivu. Selon la Monuc, ils ont profité des derniers troubles à Bukavu pour faire une percée dans la plaine de la Ruzizi voisine et enlever plusieurs dizaines de civils pour lesquels ils exigent 100 dollars de rançon par personne. Mais surtout cette nouvelle zizanie politico militaire a jeté des nuées de manifestants dans les rues de la capitale et de nombreuses métropoles provinciales congolaises. Leurs slogans ont tout particulièrement visé la Monuc et ses 10 800 casques bleus, impuissants dans le maintien de la paix et discrédités dans des trafics en tous genres et des affaires de mœurs. Des Congolais en colère ont même ressorti des portraits du défunt Mobutu pour exprimer leur défiance à l’égard du président Kabila et de ses partenaires de la transition, accusés d’être trop affairés à se remplir les poches pour préparer convenablement les élections, la normalisation et la stabilisation du pays.

Dans la capitale, la répression des manifestations a fait douze morts à la fin de la semaine dernière. C’est dire l’ampleur du mouvement d’exaspération de populations en proie à l’insécurité et à la déshérence économique. Mardi, de violentes bagarres ont à nouveau ameuté les trois campus universitaires de la capitale de la RDC, l'université de Kinshasa (Unikin), l'institut supérieur de commerce (ISC) et l'institut supérieur des techniques appliquées (Ista). Il s’agirait cette fois d’une querelle d’argent après une entrevue avec Joseph Kabila qui aurait payé en échange de l’annulation de nouvelles manifestations. Au total, c’est bien la transition qui prend l’eau de toutes parts. Aussi s’agit-il pour Louis Michel de «convaincre qu'il n'y a pas d'alternative».



par Monique  Mas

Article publié le 09/06/2004 Dernière mise à jour le 09/06/2004 à 15:05 TU

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