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République démocratique du Congo

Situation explosive à Bukavu

Militaires des forces dissidentes du général Nkunda. 

		(Photo: AFP)
Militaires des forces dissidentes du général Nkunda.
(Photo: AFP)
La tension monte dans la ville de Bukavu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC), passée aux mains des forces dissidentes du général Laurent Nkunda après une semaine d’affrontements avec l’armée régulière. Les habitants affichent aujourd’hui ouvertement dans les rues leur mécontentement face aux insurgés, accusés de pillages et d’exactions et face à la Monuc, la Mission des nations unies au Congo, qui n’aurait pas pu les protéger. Les revendications du général dissident, qui affirme vouloir protéger la communauté banyamulenge, sont ambiguës. Certains observateurs estiment qu’il s’agit d’un mouvement dissident plus organisé.

De notre envoyée spéciale à Bukavu

La situation est explosive à Bukavu. Dans les rues de la ville, tenue depuis hier par les forces dissidentes du général Nkunda, la population recommence à sortir pour exprimer sa colère. Elle dénonce des exactions commises par les soldats rebelles à l’encontre des civils la nuit dernière: attaques à mains armées, nombreux pillages, viols de jeunes filles.

Le ton monte au passage des véhicules blindés de la Monuc, accusée de soutenir les hommes de Nkunda. Plusieurs patrouille ont reçu des jets de pierre ce matin. Car les Casques bleus ne se sont pas interposés pour l’instant entre les belligérants, et n’ont pas eu recours au chapitre VII de la charte des Nations unies, qui les autorisent à ouvrir le feu en cas de menaces contre des civils ou contre la bonne marche du processus de paix. «La force ne sera utilisée qu’en dernier recours», explique Sébastien Lapierre, porte-parole de la Monuc à Bukavu, «nous poursuivons nos tentatives pour reprendre le dialogue».

Mobilisation générale

Après des discussions avec des responsables onusiens, les forces de Nkunda ont accepté d’être cantonnées, sous le contrôle de la Monuc, en attendant qu’une délégation de Kinshasa arrive en ville. Des zones de regroupement doivent encore être définies. Le général Nkunda se présente comme le défenseur de la communauté banyamulenge, les Tutsis rwandophones installés en RDC, victimes selon lui d’exactions depuis le début des affrontements mercredi dernier. La majorité des membres de cette communauté a fui vers le Rwanda voisin dans le courant de la semaine. Après avoir remis à la Monuc une liste de 27 civils banyamulenge qui auraient été massacrés, Nkunda attend que Kinshasa vienne constater la réalité de ces «exactions» et envoie de nouvelles autorités militaires pour le Sud-Kivu. Défendant une position ambiguë, Nkunda qui a mis en fuite l’armée régulière dans la région, se dit toujours fidèle au gouvernement de transition. Du côté de Kinshasa, le président congolais Joseph Kabila a appelé hier soir à la «mobilisation générale» afin que la ville de Bukavu soit reprise aux insurgés. Kabila a en outre accusé le Rwanda d’être derrière les troupes du général dissident.

«Tous des Rwandais

A Bukavu, la population s’appuie notamment sur la rapidité avec laquelle Nkunda a pris la ville et la qualité de son armement pour confirmer le soutien des Rwandais. «Ce sont tous des Rwandais, qu’ils retournent chez eux!», scande un petit groupe de jeunes hommes rassemblés devant les locaux de la Monuc. Mais il est difficile de vérifier la présence effective de soldats rwandais sur le territoire congolais. Banyamulenge et Tutsis rwandais parlent la même langue, le kinyarwanda, ont la même physionomie et ont souvent combattus ensemble lors de la guerre au Congo. Les liens entre Nkunda et Kigali n’ont jamais vraiment été rompus. Ancien officier de l’armée rwandaise, le général dissident a combattu dans les rangs du FPR (Front patriotique rwandais) aux côté de l’actuel président rwandais Paul Kagame, avant de rentrer dans l’est du Congo peu après l’accession au pouvoir du Front patriotique en 1994.

Nommé à l’état-major de l’armée réunifiée l’an dernier, le général Nkunda avait refusé de se rendre à Kinshasa pour prêter serment, évoquant notamment des questions sécuritaires. Selon plusieurs observateurs de la région, le mouvement en cours serait mené par un groupe dissident du RCD (l’ex-rébellion soutenue par le Rwanda), qui chercherait à faire capoter le processus de paix. Plusieurs de ses membres sont en effet accusés d’être impliqués dans des massacres de Kisangani, d’autres ont été condamnés à mort par contumace pour l’assassinat de l’ancien président congolais Laurent-Désiré Kabila en 2001. Ces hommes n’auraient donc aucun intérêt à la réunification du pays. Le général Nkunda a pourtant réaffirmé à plusieurs reprises sa fidélité au président congolais laissant entendre qu’il serait prêt à rentrer dans les rangs dès qu’il aurait obtenu satisfaction. Manifestant son mécontentement, la population de Bukavu ne l’entend pas de cette oreille et attend le retour de l’armée régulière dans la ville.

par Pauline  Simonet

Article publié le 03/06/2004 Dernière mise à jour le 03/06/2004 à 15:06 TU

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Journaliste à RFI

«Les Banyamulengue, implantés à l'est du Zaïre, sont rwandophones et congolais depuis plusieurs générations. Mais leur nationalité congolaise à régulièrement été mise en doute par les autorités de Kinshasa, notamment sous le régime de Mobutu.»

[03/06/2004]

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