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Congo démocratique

L’ONU traque «le nerf de la guerre»

Le Groupe d’experts de l’Organisation des nations unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la République démocratique du Congo a rendu son rapport au secrétaire général de l’ONU. Il indique clairement que «l’exploitation illégale demeure une des principales sources de financement des groupes impliqués dans la poursuite du conflit» dans l’est de la RDC.
Le conseil de sécurité des Nations unies, malgré les efforts déployés par l’envoi des missions spéciales et l’encadrement des accords de paix, ne se satisfait pas des résultats sur le terrain. L’installation d’un gouvernement d’union nationale et de transition regroupant des représentants des grands mouvements rebelles et de la société civile n’a pas non plus ramené une paix totale sur toute l’étendue du territoire congolais. L’est du pays est toujours en proie à la violence de nombreux groupuscules voulant s’assurer le contrôle de plusieurs départements de la région. Pour mieux comprendre les enjeux, l’ONU a confié à un groupe d’experts d’établir, le cas échéant, une relation entre les poches persistantes de conflit et les sources de revenus des belligérants. Les précédents rapports avaient révélé l’implication des Etats voisins dans une exploitation directe des ressources minières en entretenant au besoin le chaos. La particularité du travail de ce groupe d’expert est de mettre en évidences de cause à effet mais de désigner nommément des entreprises et individus qui tirent un bénéfice de l’exploitation des richesses de la région sans passer par les canaux officiels.

Les activités d’exploitation des ressources naturelles alimentent directement le financement de conflits et participent à une «catastrophe humanitaire et économique qui frappe la RDC», affirment les experts de l’ONU qui ont mis en exergue les mécanismes établis pour perpétuer les activités des uns et des autres. «Même dans le cas où les entreprises payaient des impôts à des administrations rebelles et avaient donc un semblant de légitimité, aucun des fonds ainsi versés n’était utilisé au profit des communautés des régions où l’exploitation minière avait lieu. Les impôts servaient en fait au financement des activités militaires des réseaux d’élite», précisent les experts. Les groupes rebelles qui tirent leurs revenus des trafics divers ont, selon les enquêteurs, instauré des méthodes qui détruisent l’équilibre socio-économique des régions. Les cours du tantale, extrait du coltan, précieuse matière dans les composants électroniques, ayant connu ces dernières années une importante hausse ont, par exemple, poussé des groupes rebelles à expulser des agriculteurs et leurs familles de leurs terres pour pouvoir exploiter la précieuse matière. Dans d’autres cas ce sont des agriculteurs qui sont contraints à abandonner le travail de la terre pour s’adonner à l’exploitation des minerais. «Des conditions sociales sont devenues très dures, parfois proches de l’esclavage», déplorent les experts de l’ONU.

«Publiez ce que vous payez»

Face à cette situation catastrophique dans l’est de la Républiques démocratique du Congo, le Groupe d’experts affirme que «les entreprises ne pouvaient se dérober à leurs responsabilités dans un pays ravagé». Les chaînes d’approvisionnement ont été passées au crible avec une démonstration directe des implications dans le conflit congolais. Les entreprises concernées ont alors été invitées à Nairobi en avril et à Paris en mai derniers pour débattre de leurs responsabilités. Mais le Groupe d’experts n’ayant aucune existence juridique pour entendre, les chefs d’entreprises, gérants et autres exploitants les a associés à l’idée d’un dialogue afin «d’améliorer la conduite et l’éthique des entreprises dans les zones de conflit en RDC». Néanmoins des arrangements ont été conclus entre le groupe des experts et les firmes internationales pour un code de bonne conduite et une publication de liste des acteurs sensibles aux problèmes humains et au règlement du conflit. De nombreuses firmes internationales ont été citées en exemple concernant le boycott du diamant congolais ou d’ailleurs quand un lien était établi avec les conflits persistants dans certaines régions.

Malgré quelques obstructions, la plupart des entreprises concernées et les pays impliqués ont fourni une collaboration édifiante. Les réseaux ont été ainsi identifiés dans une douzaine de pays en Afrique centrale et australe par lesquels continuent de transiter les richesses minières du Congo. Mais seuls quatre pays, Rwanda, Ouganda, Zambie, Zimbabwe, ont accepté de mettre en place des structures de surveillance pour une exploitation légale des ressources naturelles congolaises qui transiteraient par leur territoire. Pour les autres qui n’ont manifesté aucun signe d’approbation ou ce rejet des mesures de surveillance, ils ont implicitement laissé entendre qu’il revenait à la RDC d’organiser elle-même ses services pour assurer le contrôle de l’exploitation de ses richesses.

Cette hypothèse est aussi retenue par le Groupe d’experts de l’ONU qui préconise un engagement plus franc et massif de la communauté internationale sur ce dossier pour aider l’Etat congolais à se reconstituer. L’intégration véritable d’une nouvelle force armée est aussi une mesure urgente retenue par le Groupe d’experts qui fondent beaucoup d’espoirs dans les réformes institutionnelles: administration, police, douane. Par ailleurs, il recommande la création d’une cour des comptes qui réalisera des audits des services de l’Etat et publiera des rapports sur les systèmes comptables du pays. «Il faudrait envisager sérieusement de démanteler les grandes entreprises d’exploitation minière détenues par l’Etat telles que Gécamines et la Miba. Ces entités d’une inefficacité flagrante constituent traditionnellement les véhicules par lesquels les richesses tirées des ressources congolaises ont été détournées de leurs propriétaires légitimes, à savoir le peuple congolais», recommande le Groupe d’experts de l’ONU. Il demande à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international d’envisager l’adoption de l’initiative «Publiez ce que vous payez» comme une condition d’octroi des futurs financements à la RDC.

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Le rapport dans son intégralité (format PDF)



par Didier  Samson

Article publié le 31/10/2003