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Congo démocratique

Les ministres belge et français de la Défense à Bunia

La ministre français de la Défense, Michèle Alliot-Marie a clôturé samedi à Kinshasa une brève visite dans la région des grands lacs qui l’a menée à Bunia dans l’Est de la RDC ou une force d’intervention multinationale dirigée par la France doit bientôt passer la main à des casques bleus des Nations Unies fournis par le Bangladesh.
De notre envoyé spécial à Bunia

A l’issue de deux jours passés dans la région des grands lacs, les ministres belges et français de la Défense ont exprimé leur soutien au chef de l’Etat congolais. Après un entretien avec le président Joseph Kabila, Michèle Alliot-Marie a insisté samedi, sur la restauration de l’autorité de l’Etat, particulièrement dans la région de l’Ituri. La veille, les deux ministres étaient d’ailleurs à Bunia, la capitale de cette province frontalière avec l’Ouganda. Au cours d’une brève réunion avec les chefs de milices, les responsables de l’administration intérimaire – la Commission de pacification de l’Ituri (CPI) - et des ministres du gouvernement de transition, Michèle Alliot-Marie avait essentiellement insisté sur le caractère «européen» de la force internationale déployée à Bunia.

Quelques 1 800 militaires de l’Opération Artémis sont en effet déployés à Bunia depuis le début du mois de juin. Ils sont sous commandement français et doivent bientôt passer le relai aux militaires de la Mission d’Observation des Nations Unies en RDC (MONUC). Une mission au mandat récemment renforcé et aux capacités élargies. «Cette opération prouve qu'il y a en Europe une véritable capacité d'avoir une force d'intervention rapide», s’est félicité Mme Alliot-Marie citée par l’Agence France Presse, soulignant «la fantastique intégration des armées des différents pays» au sein d'Artémis. Aux côtés de la France, qui dirige l'opération avec environ 1 500 hommes, Artémis est parvenu à réunir la Belgique, la Grande-Bretagne et la Suède avec un soutien logistique du Canada, de l’Afrique du Sud et même du Brésil. Artémis, qualifiée d’«exemplaire», par Michèle Alliot-Marie, est la première opération de l'Union européenne hors de l'Europe.

Bunia, une ville fantôme

Cette brève visite du ministre de la Défense français et de son homologue belge est intervenue cependant dans un climat de grande tension à Bunia et dans cette province orientale. Trois jours auparavant, deux habitants de la ville d’ethnie Lendu s’étaient fait lapider à mort en plein centre ville par des miliciens Héma de l’Union des Patriotes Congolais (UPC). Les présumés meurtriers avaient été appréhendés par des militaires français puis relâchés. Bunia a en effet cette particularité de n’avoir plus ni police, ni magistrats, ni prisons. Ceux qui font la loi sont donc toujours les miliciens Héma de l’UPC qui tuent ou enlèvent les habitants non-Héma de la ville presque quotidiennement, à la barbe des militaires français.

Bunia est d’ailleurs une ville fantôme. Sur une population qui était estimé à plus de 200 000 habitants, seuls environ 20 000 sont retournés dans leurs maisons depuis le début du déploiement de la force multinationale. Les autres sont soit en fuite, soit rassemblés dans un immense camp de déplacés à la sortie de l’aéroport de Bunia sous la protection toute relative des fils barbelés tendus par la MONUC.

La main mise des miliciens Héma de l’UPC sur la ville de Bunia en dépit du déploiement de la force multinationale s’est d’ailleurs exprimée vendredi par une brève manifestation dans laquelle quelques centaines de miliciens brandissait des banderoles anti-française et anti-gouvernementale. L’enthousiasme de la ministre de la défense français, laquelle a déclaré vendredi à l’hebdomadaire ougandais Sunday Monitor, «la population de Bunia revient dans la ville, les marchés, les enfants jouent et la normalité a été restaurée» tranche avec le désarroi de la population de cette ville.

Longtemps soutenus par l’Ouganda, les miliciens de l’UPC se sont rapprochés l’année dernière de Kigali. Dans le ranch du président Ougandais Yoweri Museveni, Michèle Alliot-Marie, a évoqué vendredi soir les résonances régionales du conflit congolais. Cependant, à Kinshasa, la ministre de la Défense française a parlé d’un possible soutien de la France à la formation de la police et de la gendarmerie en RDC, accréditant ainsi l’idée selon les problèmes auxquels est confronté le pays sont désormais essentiellement de l’ordre du droit commun.

Selon Petronille Vaweka, présidente de la Commission de pacification de l’Ituri, «la Force multinationale n’a fait que commencer son travail. La population sait qu’à chaque fois qu’une force se retire le vide qui s’ensuit la plonge dans les pires atrocités» s’inquiète-t-elle en constatant que les militaires français commencent déjà à plier bagages. Une crainte balayée par Mme Alliot-Marie. «Le passage entre l'opération Artémis et la Monuc II (nouvelle mission des Nations unies avec mandat élargi) se déroule dans de très bonnes conditions», souligne-t-elle. Quelques 3 800 militaires principalement du Blangladesh doivent se déployer à Bunia dans le cadre de cette MONUC II avant le 1er septembre prochain.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 03/08/2003