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Congo démocratique

Les hommes de la transition

Les ministres issus du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et du Mouvement de libération du Congo (MLC) ont refusé de prêter serment, alors que les présidents de leurs mouvements se sont pliés à cette cérémonie solennelle. La prestation de serment des quatre vice-président du gouvernement de transition s’est tenue à Kinshasa le 18 juillet devant la Cour suprême de justice et le président Joseph Kabila. Une foule de trois mille personnes, cinq cents députés et cent-vingt sénateurs amassés dans le Palais du peuple ont diversement apprécié l’énoncé des noms et carrières des vice-présidents. Les plus applaudis ont été Abdoulaye Yerodia Mdombasi et Arthur Zahidi Ngoma.
Abdoulaye Yerodia Ndombasi est un vieux compagnon de route de Laurent-Désiré Kabila, mais est rentré en politique au début des années 60 pour soutenir le leader nationaliste de l’époque Patrice Lumumba. Il a aussi apporté son soutien à Mulele en 1963, qui dirige une insurrection populaire. Ces différentes actions révolutionnaires l’avaient conduit à rencontrer Che Guevara à Alger en 1964 et à prendre la tête d’un conseil suprême de la révolution dans son pays. Psychiatre et philosophe formé à Paris, c’est dans la capitale française qu’il s’exile pour échapper au pouvoir de Mobutu. Il rejoint Laurent-Désiré Kabila en 1997 dans la rébellion et devient son directeur de cabinet. Ministre des Affaires étrangères, puis de l’Education nationale, il lui est souvent reproché des écarts de langage qui lui ont valu une condamnation de la justice belge «pour incitation à la haine raciale» et un mandat international d’arrêt lancé contre lui. Militant des premières heures de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques de libération), il est perçu comme l’une des figures charismatiques de l’après Mobutu et le parrain de la mouvance qui soutient le jeune président Joseph Kabila.

Jean-Pierre Bemba, fils de Saolona Bemba, ancien président du patronat Zaïrois et ancien ministre dans le premier gouvernement de Laurent-désiré Kabila, est un riche homme d’affaires qui a fait fortune dans la téléphonie, le fret aérien et le commerce en général. «A un certain moment, comme j’avais les moyens d’agir, je me suis lancé» dit-il, en expliquant ses choix politiques. Il confesse volontiers avoir reçu une formation militaire dans l’armée ougandaise avant de lancer son mouvement politico-militaire, le Mouvement de libération du Congo (MLC). Ce mouvement est né de la fusion du RCD-Kisangani (Rassemblement congolais pour la démocratie-Kisangani), dirigé par Ernest Wamba dia Wamba et d’un autre groupe, le Front de libération du Congo (FLC). Le quadragénaire Jean-Pierre Bemba a installé son quartier général à Gbadolite dans la province de l’Equateur, fief de l’ancien président Mobutu Sese Seko. C’est aussi par cette proximité avec la République centrafricaine que Jean-Pierre Bemba a pu tisser des liens particuliers avec le pouvoir du président déchu Ange-Félix Patassé. Ses hommes qui ont aidé à mater les tentatives de coup-d’Etat en Centrafrique ont été accusés d’exactions diverses, ce qui lui vaut d’être sous le coup d’une éventuelle poursuite devant la Cour pénale internationale.

Arthur Zahidi Ngoma est un juriste formé en France et ancien fonctionnaire de l’UNESCO. On le dit spécialiste des question de défense et des droits de l’homme. Opposant à l’ancien président Mobutu, il s’est aussi opposé à Laurent-Désiré Kabila en rejoignant la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Mais il a annoncé très vite, en 1999, qu’il démissionnait de ses fonctions au sein mouvement, qu’il ne trouvait plus représentatif. «Les contradictions internes de ce mouvement masquent mal une opération militaire venant de l’extérieur», déclare-t-il en accusant ses anciens amis d’être aux ordres du Rwanda. Il a rejoint par la suite l’opposition dite non armée et la frange «groupe B» de cette opposition l’a désigné comme son représentant au sein de la nouvelle coalition de transition à la tête de la RDC. L’autre branche de l’opposition, le «groupe A» animé par les ténors de l’UDPS (Union démocratique pour le progrès social) d’Etienne Tshisekedi, proteste contre sa nomination au poste de vice-président.

Azarias Ruberwa, le plus jeune des quatre vice-présidents, se retrouve, à moins de quarante ans, à la tête du plus important mouvement rebelle, le RCD, dont il était depuis longtemps la tête pensante. Avocat de formation, il a exercé son métier à Lubumbashi et enseigne aussi le droit dans des universités de la région des Grands Lacs. Originaire des Hauts plateaux de la province du Sud-Kivu, il est de l’ethnie Munyamulenge, de la grande famille des Tutsis congolais. Il fait ses premiers pas en politique en soutenant la rébellion de Kabila contre Mobutu au sein de l’AFDL. Il devient chef de cabinet du ministre des Affaires étragères, Bizima Karaha dans le premier gouvernement de Laurent-Désiré Kabila, après la chute de Mobutu. Mais la scission au sein de l’AFDL le conduit avec ses amis à rejoindre le RCD pour combattre le régime de Kinshasa. Il a gravi les différents postes de responsabilité au sein du RCD avant d’en prendre la présidence, «à la force de son travail», disent ses amis, mais ses détracteurs l’accusent de jouer beaucoup d’intrigues pour parvenir à ses fins.



par Didier  Samson

Article publié le 19/07/2003