Congo démocratique
Les Français passent la main à Bunia
Moins de trois mois après le début de son déploiement, la force européenne Artémis a cédé lundi le contrôle de Bunia, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, à la Mission des Nations unies en RDC (Monuc). Les soldats français d’Artémis estiment avoir accompli leur tâche : ramener la sécurité dans le chef-lieu de l’Ituri, un district ravagé par les violences entre groupes armés des ethnies hema et lendu. La force onusienne a pour mandat d’intervenir dans le reste de l’Ituri, où ces violences continuent, mais la population reste sceptique.
De notre envoyée spéciale Bunia
Au terme de sept jours de marche à travers la brousse, Martine est arrivée la semaine dernière à Bunia. Logée dans le camp de réfugiés de Basadi avec ses sept enfants, qui ont survécu comme elle au périple, elle se rend chaque jour au marché pour mendier quelques légumes auprès de la population plus chanceuse de la ville. Son village d’origine, Fataki, à 120 kilomètres au nord de Bunia, est la cible d’attaques répétées depuis plus d’un mois. «J’ai compté et j’ai vu trente-six cadavres autour de moi, avant de prendre la fuite. Parmi eux, il y avait trois personnes de ma famille», confie timidement Martine alors qu’un bébé braille à ses côtés. Ce n’est pas le sien. Agé de quatorze jours, ce petit garçon, qui a perdu ses deux parents pendant l’attaque, a été sauvé par des habitants en pleine fuite.
Les drapeaux français et européen qui flottaient dans le camp militaire de la force Artémis cèdent la place ce lundi à celui des Nations unies. Lançant quelques mots en kiswahili, au début de son discours, le chef de la Mission de l’Ou au Congo (Monuc), William Swing, tente de rassurer la population : «C’est un grand jour pour le peuple d’Ituri et pour toute la RDC(?) Les violences en Ituri ne sont que les spasmes d’un conflit épuisé.» Mais il en faudra plus pour regagner la confiance de la population. Une mission de reconnaissance de la Monuc a survolé en hélicoptères samedi soir le nord de l’Ituri, dont Martine est originaire. Au sol, le spectacle n’est que désolation : la plupart des maisons traditionnelles et le marché central sont complètement détruits, il n’y a plus âme qui vive, certains bâtiments encore en feu indiquent de récentes attaques sur la ville.
«Mission d’observation de la mort»
«Nous allons lancer une opération dans la région dès que possible, dans les quinze jours», annonce le général Diallo, commandant des forces de la Monuc, juste après la cérémonie. La force onusienne dispose d’un mandat sous chapitre VII de la charte de l’Onu, autorisant l’utilisation de la force sur tout le territoire de l’Ituri. Le mandat de la force Artémis ne concernait que le chef-lieu de l’Ituri, et ses alentours. Pourtant, la population de Bunia reste sceptique. «Nous ne pouvons pas encore avoir confiance en la Monuc. Qu’a-t-elle fait pour nous jusqu’à présent?», s’interroge Eric, au milieu de milliers de tentes vertes, blanches ou bleues du camp de déplacés.
Douze mille personnes sont abritées ici depuis plus de quatre mois. «En mai dernier les massacres ont fait des centaines de morts à Bunia sous les yeux de 700 observateurs de la Monuc. C’est la mission d’observation de la mort!», ironise dans un français parfait Eric, âgé d’une cinquantaine d’année. La majeure partie de la population du camp est originaire de Bunia et habite à quelques centaines de mètres à peine du camp. Des coups de feu retentissent encore souvent la nuit et la peur empêche les gens de rentrer. L’opération «zéro armes visibles» mise en place par la force Artémis au mois de juin a permis de pacifier la ville. «Mais il y a encore de nombreuses armes à feu cachées dans chaque maison. Il faut que les casques bleus fassent des fouilles, sans ça on ne pourra pas être en paix ici», raconte une jeune femme psychologue, sous couvert d?anonymat. A l’occasion de la passation de pouvoir, la Monuc exhibe fièrement le butin du jour : une kalachnikov trouvée dans une maison du centre de Bunia.
Les arrivées quotidiennes de blessés dans l’hôpital d’urgence installé par Médecins sans frontière est une autre indication de la complexité de la tâche qui attend la Monuc. «Nous avons reçu huit blessés de guerre, la semaine dernière, qui viennent de l’extérieur de la ville. Il s’agit de blessures par balles principalement mais nous recevons encore, même si c’est en moindre mesure, des personnes victimes de coups de machette», explique Frédéric Leman, de MSF-Suisse. La salle d’orthopédie accueille une quarantaine de malades allongés côte-à-côte sur des matelas à même le sol. La plupart d’entre eux se sont fait prendre dans une embuscade à l’extérieur de Bunia. «Ceux qui sont ici nous arrivent exténués, après des jours, parfois des semaines de marche à travers la brousse. On n’ose pas imaginer le nombre de ceux qui n’arrivent jamais», poursuit l’un des chirurgiens de MSF, avant de retourner dans la salle d’opération.
C’est jour de marché dans la périphérie Nord de Bunia aujourd’hui. Fanny est venue acheter quelques bananes qu’elle va essayer de revendre au centre-ville. «Avant, j’allais moi-même chercher des denrées dans les petits villages des alentours de Bunia, mais je n’ose plus. Des miliciens nous rackettent dès que nous traversons la rivière Shari.» Pour gagner la confiance de toute cette population, la Monuc en est consciente ; elle devra se déployer au plus vite dans toute la province.
Au terme de sept jours de marche à travers la brousse, Martine est arrivée la semaine dernière à Bunia. Logée dans le camp de réfugiés de Basadi avec ses sept enfants, qui ont survécu comme elle au périple, elle se rend chaque jour au marché pour mendier quelques légumes auprès de la population plus chanceuse de la ville. Son village d’origine, Fataki, à 120 kilomètres au nord de Bunia, est la cible d’attaques répétées depuis plus d’un mois. «J’ai compté et j’ai vu trente-six cadavres autour de moi, avant de prendre la fuite. Parmi eux, il y avait trois personnes de ma famille», confie timidement Martine alors qu’un bébé braille à ses côtés. Ce n’est pas le sien. Agé de quatorze jours, ce petit garçon, qui a perdu ses deux parents pendant l’attaque, a été sauvé par des habitants en pleine fuite.
Les drapeaux français et européen qui flottaient dans le camp militaire de la force Artémis cèdent la place ce lundi à celui des Nations unies. Lançant quelques mots en kiswahili, au début de son discours, le chef de la Mission de l’Ou au Congo (Monuc), William Swing, tente de rassurer la population : «C’est un grand jour pour le peuple d’Ituri et pour toute la RDC(?) Les violences en Ituri ne sont que les spasmes d’un conflit épuisé.» Mais il en faudra plus pour regagner la confiance de la population. Une mission de reconnaissance de la Monuc a survolé en hélicoptères samedi soir le nord de l’Ituri, dont Martine est originaire. Au sol, le spectacle n’est que désolation : la plupart des maisons traditionnelles et le marché central sont complètement détruits, il n’y a plus âme qui vive, certains bâtiments encore en feu indiquent de récentes attaques sur la ville.
«Mission d’observation de la mort»
«Nous allons lancer une opération dans la région dès que possible, dans les quinze jours», annonce le général Diallo, commandant des forces de la Monuc, juste après la cérémonie. La force onusienne dispose d’un mandat sous chapitre VII de la charte de l’Onu, autorisant l’utilisation de la force sur tout le territoire de l’Ituri. Le mandat de la force Artémis ne concernait que le chef-lieu de l’Ituri, et ses alentours. Pourtant, la population de Bunia reste sceptique. «Nous ne pouvons pas encore avoir confiance en la Monuc. Qu’a-t-elle fait pour nous jusqu’à présent?», s’interroge Eric, au milieu de milliers de tentes vertes, blanches ou bleues du camp de déplacés.
Douze mille personnes sont abritées ici depuis plus de quatre mois. «En mai dernier les massacres ont fait des centaines de morts à Bunia sous les yeux de 700 observateurs de la Monuc. C’est la mission d’observation de la mort!», ironise dans un français parfait Eric, âgé d’une cinquantaine d’année. La majeure partie de la population du camp est originaire de Bunia et habite à quelques centaines de mètres à peine du camp. Des coups de feu retentissent encore souvent la nuit et la peur empêche les gens de rentrer. L’opération «zéro armes visibles» mise en place par la force Artémis au mois de juin a permis de pacifier la ville. «Mais il y a encore de nombreuses armes à feu cachées dans chaque maison. Il faut que les casques bleus fassent des fouilles, sans ça on ne pourra pas être en paix ici», raconte une jeune femme psychologue, sous couvert d?anonymat. A l’occasion de la passation de pouvoir, la Monuc exhibe fièrement le butin du jour : une kalachnikov trouvée dans une maison du centre de Bunia.
Les arrivées quotidiennes de blessés dans l’hôpital d’urgence installé par Médecins sans frontière est une autre indication de la complexité de la tâche qui attend la Monuc. «Nous avons reçu huit blessés de guerre, la semaine dernière, qui viennent de l’extérieur de la ville. Il s’agit de blessures par balles principalement mais nous recevons encore, même si c’est en moindre mesure, des personnes victimes de coups de machette», explique Frédéric Leman, de MSF-Suisse. La salle d’orthopédie accueille une quarantaine de malades allongés côte-à-côte sur des matelas à même le sol. La plupart d’entre eux se sont fait prendre dans une embuscade à l’extérieur de Bunia. «Ceux qui sont ici nous arrivent exténués, après des jours, parfois des semaines de marche à travers la brousse. On n’ose pas imaginer le nombre de ceux qui n’arrivent jamais», poursuit l’un des chirurgiens de MSF, avant de retourner dans la salle d’opération.
C’est jour de marché dans la périphérie Nord de Bunia aujourd’hui. Fanny est venue acheter quelques bananes qu’elle va essayer de revendre au centre-ville. «Avant, j’allais moi-même chercher des denrées dans les petits villages des alentours de Bunia, mais je n’ose plus. Des miliciens nous rackettent dès que nous traversons la rivière Shari.» Pour gagner la confiance de toute cette population, la Monuc en est consciente ; elle devra se déployer au plus vite dans toute la province.
par Pauline Simonet
Article publié le 02/09/2003