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Belgique

Marc Dutroux jugé coupable

Marc Dutroux, Michel Nihoul, Michelle Martin et Michel Lelievre. 

		AFP
Marc Dutroux, Michel Nihoul, Michelle Martin et Michel Lelievre.
AFP
Les douze membres du jury populaire chargés de se prononcer sur la culpabilité des quatre co-accusés dans l’affaire Dutroux ont rendu leur verdict, le 17 juin. Le «monstre de Charleroi» n’a bénéficié d’aucune indulgence. Il est reconnu coupable de toutes les charges retenues contre lui : enlèvements, séquestrations, viols de six fillettes et assassinats de deux d’entre elles. Le cas de Michel Nihoul, l’homme accusé par Dutroux d’avoir commandité les enlèvements pour un réseau pédophile, a quant à lui été beaucoup plus difficile à trancher. Il n'a finalement été acquitté de toute participation ou complicité dans les rapts qu'après de longues délibérations. Cette décision infirme la thèse du réseau pédophile.

Il aura fallu près de trois jours de délibérations aux huit femmes et quatre hommes membres du jury populaire pour répondre aux 243 questions posées en vue de déterminer le degré de culpabilité des quatre personnes accusées dans l’affaire Dutroux : Marc Dutroux lui-même, son ex-femme Michèle Martin, son complice présumé Michel Lelièvre, et l’homme d’affaires véreux, Michel Nihoul, le seul à comparaître libre dans ce procès. L’homme que la presse belge a surnommé le « monstre de Charleroi» a été reconnu coupable, à la fois des enlèvements, séquestrations, viols de six fillettes, Sabine, Laetitia, An, Eefje, Melissa, Julie, et de l’assassinat de deux d’entre elles (An et Eefje). Les jurés ont estimé qu’il avait participé comme «provocateur» ou «chef de bande» à une «association impliquée notamment dans les enlèvements et séquestrations» des jeunes filles.

La responsabilité de Michèle Martin et Michel Lelièvre dans le calvaire subi par les enfants a aussi été reconnue par le jury qui les a jugé coupables pour enlèvements et séquestrations. L’ex-femme de Marc Dutroux était, en effet, notamment accusée d’avoir laissé mourir de faim Julie et Melissa, alors qu’elle savait que les petites filles se trouvaient dans la cave d’une des maisons de son mari, qui avait été incarcéré. Les jurés n’ont, par contre, pas réussi à s’entendre sur le cas du quatrième accusé, Michel Nihoul. Il a été reconnu coupable d’avoir participé à un réseau pédophile par 7 jurés et innocent par 5 autres. De même concernant sa participation directe à l’enlèvement de l’une des petites filles, Laetitia, pour lequel Marc Dutroux l’avait mis en cause, une majorité «suffisante» n’a pu être obtenue. Du coup, ce sont les trois magistrats de la cour d’assises d’Arlon qui ont dû trancher après de nouvelles délibérations. Ils ont décidé d’acquitter Michel Nihoul de l’accusation de rapts pédophiles. Néanmoins le procureur a demandé, après l’annonce de la décision des magistrats, une nouvelle délibération des jurés à propos de la participation de Nihoul en tant que complice, et non plus auteur, dans les enlèvements. Au bout du compte, le doute a bénéficié à l'accusé qui a été acquitté de toute participation ou complicité aux enlèvements. Il a, par contre, été reconnu coupable de trafic de drogue et d’êtres humains.

La vérité n’est pas sortie du procès

Après quinze semaines d’audience, qui ont replongé les Belges dans l’une des plus sombres affaires criminelles qu’ils aient connu, le verdict rendu ce 17 juin par les douze jurés, réunis à la cour d’assise d’Arlon, sera-t-il à même de provoquer le soulagement que les deux victimes survivantes, Sabine et Laetitia, ainsi que les familles de celles qui ont été assassinées après voir été violées, An, Eefje, Melissa, Julie, en attendaient ? Les audiences, au cours desquelles, 569 témoins se sont succédé à la barre, n’ont en effet pas permis d’éclaircir toutes les zones d’ombre dans une affaire où les quatre co-accusés ont sans cesse essayé d’atténuer leur responsabilité en accusant les autres. L’implication directe et prépondérante de Marc Dutroux dans les rapts, viols, assassinats des jeunes filles ne faisait pas de doute. Il a lui-même été obligé de la reconnaître d’une certaine manière. Ce qui ne l’a pas empêché de tenter, toujours, de se décharger en se présentant comme le rouage d’un réseau pédophile au sein duquel son interlocuteur et commanditaire aurait été Michel Nihoul.

C’est d’ailleurs autour de l’existence ou non d’un tel réseau, dans lequel auraient pu être impliquées des personnalités locales, que s’est située la principale interrogation concernant cette affaire. Car de la réponse à cette question aurait découlé l’explication d’une série d’actes barbares contre six fillettes enlevées, séquestrées, violées, et pour quatre d’entre elles tuées, que les familles attendaient avec un mélange d’angoisse et d’espoir, après des années de souffrance. Les parents de Melissa, l’une des deux petites filles mortes de faim dans la cave d’une maison de Dutroux, et enterrées sur l’un de ses terrains, ont d’ailleurs pris très tôt leurs distances avec un procès dont ils ont renoncé à attendre qu’il fasse éclater une vérité que huit années d’instruction n’ont pas permis d’établir. Ils ont ainsi déclaré avant le verdict : «On a attendu 14 mois pour que l’on retrouve nos petites filles vivantes, on ne les a pas retrouvées vivantes, on a été obligés de faire le deuil de nos petites filles. On a attendu 8 ans pour que l’instruction fasse la vérité… Nous avons dû faire notre deuil de la vérité». Dans ce contexte, ils espéraient au moins la condamnation des accusés dont la culpabilité ne faisait pas de doute à leurs yeux, dans l’espoir de ne pas avoir à faire aussi «le deuil de la justice».

La reconnaissance sans restriction de la culpabilité de Marc Dutroux, de Michèle Martin et de Michel Lelièvre donne certainement satisfaction aux familles des victimes. D’ailleurs, la grand-mère de l’une d’entre elles, Julie, a pleuré de joie à l’énoncé du verdict. Reste le cas de Michel Nihoul. Les difficultés rencontrées par les jurés, mais aussi par les magistrats professionnels qui ont dû délibérer plusieurs heures pour essayer de trancher sur son degré d’implication, montrent que le procès n’a pas permis d’établir les faits aussi clairement qu’il aurait dû et qu’il demeure un grande part d’incertitudes avec laquelle les victimes et les familles devront continuer à vivre.

Les jurés ne se sont pas prononcés, pour le moment, sur les peines qui seront appliquées aux quatre coupables. Celles-ci seront décidées après de nouvelles délibérations, en présence des trois magistrats professionnels de la cour d’assises d’Arlon. Elles devraient être connues d’ici une semaine. Marc Dutroux encourt une condamnation à la réclusion à perpétuité. Michèle Martin et Michel Lelièvre risquent, quant à eux, une peine de 35 ans de prison. Michel Nihoul peut être condamné à 20 ans d’emprisonnement.



par Valérie  Gas

Article publié le 17/06/2004 Dernière mise à jour le 18/06/2004 à 13:50 TU

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Journaliste à RFI

«L’acquittement de Michel Nihoul provoque des critiques virulentes.»

[18/06/2004]

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