Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Népal

Un pas vers les rebelles

Le président du Congrès népalais, Girija Prasad Koirala, se dit favorable à une assemblée constituante et à la tenue d’un référendum. 

		(Phot : AFP)
Le président du Congrès népalais, Girija Prasad Koirala, se dit favorable à une assemblée constituante et à la tenue d’un référendum.
(Phot : AFP)
Le Congrès népalais, principal parti d’opposition tend la main aux rebelles maoïstes. Son président se dit prêt à accepter la convocation d’une assemblée constituante et la tenue d’un référendum sur le système politique du Népal. Une des exigences clé de la rébellion, qui réclame l’abolition de la monarchie, serait ainsi prise en compte si les insurgés acceptent de renouer le dialogue.

Les rebelles maoïstes sont sollicités de toutes parts pour tenter de mettre fin à la grave crise politique qui secoue le Népal depuis 8 ans. Il y a trois semaines, le chef des insurgés, Pushpa Kamal Dahal, alias Prachanda, « le féroce », a sèchement refusé toute négociation avec le nouveau Premier ministre qui a pris ses fonctions le 2 juin. Sher Bahadur Deuba, nommé par le roi Gyanendra, leur avait proposé de reprendre contact en vue de parvenir à un cessez-le-feu. Aujourd’hui, c’est le Parti du Congrès qui prend l’initiative et tend à son tour la main aux rebelles. Le plus grand parti politique du pays se trouve actuellement dans l’opposition pour avoir refusé de reconnaître le nouveau Premier ministre.

Pour renouer le dialogue avec la rébellion, le président du Congrès népalais, Girija Prasad Koirala, annonce une concession de première importance. Lui qui avait refusé des pourparlers avec la guérilla il y a quatre ans lorsqu’il était Premier ministre, semble désormais prêt à satisfaire l’une des principales revendications des rebelles. S’ils reviennent à la table des négociations, « le Congrès népalais sera favorable à une assemblée constituante et à la tenue d’un référendum » sur le système politique du pays, a-t-il déclaré lundi soir. Un référendum qui pourrait aboutir à l’abolition de la monarchie, l’objectif que veulent justement atteindre les insurgés maoïstes.

Fronde contre le roi impopulaire

C’est une fronde contre le souverain qui a poussé le Congrès à se tourner vers les rebelles. Ce parti reproche depuis des mois au roi Gyanendra de ne pas respecter les règles de la monarchie constitutionnelle et de s’être octroyé temporairement les pouvoirs exécutifs après le limogeage de son Premier ministre en octobre 2002 pour « incompétence ». Ce même Premier ministre qu’il a rappelé au début du mois de juin, pour servir de rempart à la révolte pro-démocratique. Le Népal a abandonné la monarchie absolue en 1990 suite à un soulèvement populaire. Mais la monarchie constitutionnelle qui a pris le relais, recule depuis quelques années face au pouvoir du roi. Gyanendra s’est fait couronner en 2001 quelques heures après le massacre encore mal expliqué du souverain et de sa famille par le roi-héritier. Cet homme à la stature imposante a beau être le frère du roi assassiné, il inspire peu l’estime des Népalais car il a la réputation de s’opposer au multipartisme et de vouloir rétablir un système de monarchie absolue. En novembre 2001, le roi réagit à une recrudescence d’attaques rebelles en proclamant l’état d’urgence et fait intervenir l’armée.

Depuis son lancement en 1996, la « guerre du peuple » menée par les rebelles maoïstes a fait selon des estimations près de 9 000 morts dans ce petit pays de 23 millions d’habitants, enclavé dans les montages de l’Himalaya entre les deux géants asiatiques, la Chine et l’Inde. Au départ cantonnée à l’Ouest du pays, l’insurrection a gagné du terrain. Forte de plusieurs milliers de combattants aguerris, et soutenue par la frange pauvre de la population, elle contrôle maintenant une grande partie du pays. Les attaques contre des ponts, des commissariats de police et des bâtiments publics sont devenues monnaie courante. Les forces gouvernementales, soutenues d’abord par l’Inde puis par des conseillers américains, ont du mal à venir à bout de ces rebelles qui connaissent parfaitement le terrain.

Face à l’impasse des combats armés, les négociations apparaissent comme la seule issue possible pour mettre fin à la crise qui ruine le pays. L’instabilité politique récurrente freine le développement et fait du Népal un des pays les plus pauvres du monde. Ce rapprochement possible des rebelles et du Parti du Congrès pourrait conduire à un revirement décisif mais, il ne faudrait pas se réjouir trop vite. La balle est maintenant dans le camp des rebelles. Ils pourraient choisir de rester en dehors du jeu politique afin de se renforcer en exploitant la rivalité entre le roi et les partis qui lui sont opposés. S’ils décident de coopérer avec le Parti du Congrès, les rebelles risquent de poser des conditions. Jusqu’à présent, leur intransigeance a souvent fait échouer les tentatives de négociation.



par Sarah  Oliveira

Article publié le 22/06/2004 Dernière mise à jour le 22/06/2004 à 15:09 TU