Crise au Népal: le rôle du roi
Any Bourrier
(Photo: RFI)
Le Népal est un pays dont toutes les pierres, tous les paysages, tous les actes de la vie quotidienne portent l’empreinte du sacré. Cette omniprésence s’étend jusqu’à la famille royale, perçue comme divine par les népalais. Mais le roi Gyanendra fait exception à la règle. Le 4 juin 2001 à Katmandou, son couronnement s’est déroulé dans un climat de tension. Comme le veut la coutume, il a traversé la capitale dans une calèche découverte, mais les signes de joie ou de respect étaient rares. La foule s’est même abstenue de saluer son souverain les deux mains jointes, à la manière hindouiste.
En fait, les népalais n’ont pas beaucoup d’estime pour cet homme de 55 ans, à la stature imposante et au visage volontaire, soupçonné d’avoir été dans le passé mêlé à un trafic d’antiquités. Ce manque d’affection s’explique d’abord par sa personnalité hautaine et distante.
Ensuite, par les circonstances de son couronnement comme treizième roi de la dynastie des Shah, qui règne sur le Népal depuis 1768. Il a pris le pouvoir quelques heures après l’annonce officielle de la mort de son neveu, le prince Dipendra, qui s’était tiré une balle dans la tempe après avoir massacré son père, sa mère, son frère, sa sœur et cinq autres membres de la famille royale. Enfin et surtout, Gyanendra a la réputation de ne pas être un démocrate, de vouloir restaurer la monarchie absolue, alors que le Népal est une monarchie constitutionnelle. Il est vrai qu’en 1990, lorsqu’un soulèvement populaire a contraint le roi Birendra à imposer la démocratie parlementaire, Gyanendra s’y est opposé fermement. La seule voie souhaitable pour le Népal était à ses yeux le rétablissment du panchayat, un système crée par le roi Mahendra II dans les années 60. Le panchayat était un système politique sans parti, formé d’un ensemble pyramidal d’assemblées et de conseils hiérarchisés sous l’autorité suprême du monarque.
Aujourd’hui, ce roi arrivée au pouvoir grâce à une tragédie, essaye de tirer profit de l’instabilité du pays, secoué par une rébellion maoïste, pour rétablir le panchayat. Depuis sa nomination, trois Premiers ministres se sont succédés à la tête du gouvernement. En octobre 2002, il a décidé de repousser les élections prévues pour novembre et a constitué un gouvernement «apolitique» où cohabitent des membres de la société civile et des hommes politiques soigneusement choisis pour diviser les forces parlementaires Le parlement a été dissous et l’échec des négociations avec les maoïstes a englué le Népal, l’un des pays les plus pauvres du monde, dans une crise sans issue. Dans ces conditions, le rétablissement au Népal du panchayat, si cher au roi, sera de moins en moins difficile.
par Any
Bourrier
[18/09/2003]