Chronique Asie
La junte militaire thaïlandaise a organisé ce mardi une conférence de presse pour faire le point sur le travail accompli et sur les perspectives politiques d’ici la fin de l’année. Pour bien faire comprendre qu’il s’agissait d’un événement très important, les militaires s’étaient entourés de hauts fonctionnaires représentant huit organes de l’Etat et de l’administration intérimaire. Les auteurs du coup d’Etat qui a renversé le Premier ministre Thaksin Shinawatra en septembre dernier se sont montrés sensibles au malaise qui a gagné la Thaïlande depuis leur arrivée au pouvoir. Ils ont visiblement entendu les cris de l’opposition : «l’armée hors de la politique», comme scandaient ceux qui ont participé aux deux grandes manifestations contre la junte samedi et dimanche soir à Bangkok.
L’armée au pouvoir est une situation qui ne rappelle pas de très bons souvenirs en Thaïlande. Dans le passé, les gouvernements militaires se sont succédé dans ce pays, l’empêchant de devenir une vraie démocratie. L’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra a dénaturé à son tour le tout nouveau système démocratique thaïlandais. Il était régulièrement accusé de nommer ses amis à des postes importants dans l’administration et dans l’armée ou d’orienter sa politique de façon à privilégier les intérêts de son groupe Shin Corp. Pendant les années où il a dirigé le pays, la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme, même élu, n’était pas nécessairement rassurante. Mais aujourd’hui les Thaïlandais ne semblent pas disposés pour autant à préférer des dirigeants issus des rangs de l’armée.
La promesse de la junte militaire d’organiser des élections législatives vers la fin de l’année et de convoquer un référendum pour approuver ou rejeter la nouvelle Constitution va-t-elle suffire pour asseoir une légitimité qui lui fait défaut pour le moment ? Rien n’est moins sûr. Une frange importante de l’électorat issu des campagnes lui est déjà hostile. Même des opposants n’ayant aucune sympathie pour Thaksin Shinawatra sont sortis dans les rues ces jours-ci pour manifester contre la junte. Or, il ne sera pas facile de faire évoluer l’opinion publique thaïlandaise qui reste attachée aux valeurs démocratiques. Quant aux habitants des provinces du sud, à forte majorité musulmane, le contexte semble loin d’être à l’apaisement.
Le gouvernement militaire, qui s’est attaqué à une trop lourde tâche, dispose de quelques mois pour parvenir à restaurer un climat serein propice aux élections promises pour le mois d’octobre. Face au réveil de ses vieux démons, l’année 2007 sera pour la Thaïlande, celle de toutes les incertitudes.
par Any Bourrier
[21/03/2007]
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