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Tchétchénie

La guerre s’exporte en Ingouchie

Manifestants à Moscou contre la guerre en Tchétchénie et pour le retour des soldats. 

		(Photo : AFP)
Manifestants à Moscou contre la guerre en Tchétchénie et pour le retour des soldats.
(Photo : AFP)
L’Ingouchie est en deuil pour une période de 3 jours sur décision du président de cette république autonome du Caucase russe, Mourat Ziazikov, au lendemain de l’attaque menée vraisemblablement par des rebelles tchétchènes et qui a fait selon un bilan provisoire 59 morts.

De notre correspondant à Moscou

«Il faut les retrouver et les liquider et ceux qui peuvent être pris vivants doivent être traduits en justice». Le commentaire de Vladimir Poutine  aura été pour le moins laconique : pas un mot de compassion pour les dizaines de victimes alors que l’Ingouchie vient de vivre les heures les plus sanglantes depuis le début des guerres de Tchétchénie. Le président russe aura malgré tout pris quelques heures sur son emploi du temps pour effectuer une visite-éclair à Magas, la capitale ingouche et rencontrer, Mourat Ziazikov, un de ses fidèles, issu comme lui du FSB, l’ex-KGB et qui  dirige l’Ingouchie d’une main de fer.

Mais cela n’a pas empêché les affrontements meurtriers qui démontrent une fois de plus l’inefficacité de la politique du Kremlin à propos de la Tchétchénie : «C’est une défaite personnelle pour Vladimir Poutine» écrit le quotidien libéral Kommersant, «L’un des plus graves échecs des services de sécurité et du pouvoir en général» surenchérit  Vremia Novosteï,  un journal qui est pourtant considéré comme proche du Kremlin. C’est dire le désarroi du pouvoir qui aujourd’hui ne semble plus rien contrôler dans le Caucase du nord en dépit de l’impressionnant dispositif militaire, avec 80 000 soldats russes stationnés en permanence en Tchétchénie. A tel point que certains commentateurs évoquent désormais  l’hypothèse d’une nouvelle guerre dans cette région du flanc sud de la Russie : «La situation en Ingouchie est si tendue qu’à tout moment une erreur grossière peut pousser la république sur la voie tchétchène» estime le journal d’opposition Novye Izvestia.

Les accrochages meurtriers sont quotidiens

Les  rares organisations humanitaires qui travaillent sur place ont depuis plusieurs mois tiré la sonnette d’alarme, constatant une escalade des incidents en Ingouchie et notamment des enlèvements. En avril dernier, le président ingouche avait miraculeusement échappé à un attentat. Malgré ces signes inquiétants, le Kremlin modifié ni sa politique, ni son calendrier.

Or, de l’autre côté de la frontière, en Tchétchénie, la situation est encore plus préoccupante : le 9 mai dernier, le président tchétchène pro-russe, Akhmad Kadyrov, l’artisan de la politique de normalisation à marche forcée imposée par le Kremlin,  était tué dans un attentat à Grozny. Depuis lors, les accrochages meurtriers entre la rébellion et les forces russes sont quotidiens.

C’est dans ce contexte que  doit avoir lieu le 29 août prochain l’élection présidentielle afin de désigner le successeur d’Akmad Kadyrov : scrutin et campagne à hauts risques qui pourraient s’accompagner de nouveaux attentats et d’un accroissement des combats : le président séparatiste  tchétchène, Aslan Maskhadov  dont la légitimité n’est plus reconnue par Moscou et qui vit dans la clandestinité, a lancé un avertissement au Kremlin, menaçant de lancer des combats à grande échelle et ne plus se contenter de simples sabotages. Même s’il est difficile d’évaluer le poids réel d’Aslan Maskhadov, tout laisse redouter aujourd’hui un accroissement de l’activité des séparatistes avec le risque de voir  déborder la guerre de Tchétchénie au-delà  de ses frontières.



par Jean-Frédéric  Saumont

Article publié le 23/06/2004 Dernière mise à jour le 23/06/2004 à 10:49 TU