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Cour pénale internationale

La CPI ouvre sa première enquête

Première enquête sur les crimes commis en République démocratique du Congo depuis le 1er juillet 2002 est ouverte. 

		(Carte SB/RFI)
Première enquête sur les crimes commis en République démocratique du Congo depuis le 1er juillet 2002 est ouverte.
(Carte SB/RFI)
Deux ans après la mise en place de la Cour pénale internationale (CPI), le procureur a ouvert sa première enquête et pourrait poursuivre les principaux responsables des crimes commis en République démocratique du Congo depuis le 1er juillet 2002, date d’entrée en fonction de la juridiction.

De notre correspondante à La Haye

23 juin 2004, fin d’après-midi. A Bujumbura, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) signale l’arrivée, au cours des deux dernières semaines, de 31 000 réfugiés en provenance de la République démocratique du Congo (RDC) suite à la reprise des combats dans l’est du pays depuis début juin. A La Haye, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, annonce l’ouverture de sa première enquête. Elle portera sur les crimes commis sur tout le territoire du Congo-Kinshasa depuis le 1er juillet 2002. Avant cette date, la Cour n’est tout simplement pas compétente pour poursuivre les crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis dans la région. La décision «a été prise avec la coopération de la RDC» précise le procureur dans un communiqué.

Cette coopération, le procureur l’avait appelé de ses vœux durant de longs mois, afin de s’assurer le soutien politique et logistique, au moins de principe, de la république démocratique du Congo. En juillet 2003, le procureur argentin, tout juste entré en fonction, avait évoqué « l’urgence » de la situation en Ituri, trop riche région minière située au nord-est de la RDC. Mais dans un courrier daté du 3 mars, le président Joseph Kabila déférait au parquet de la juridiction internationale l’intégralité de la «situation» au Congo-Kinshasa. La Cour devra donc se pencher sur les crimes de l’Ituri, mais aussi sur ceux du Kivu et du Katanga, deux autres provinces meurtrières de ce pays-continent. Depuis, le Parquet a du boucler l’étape préalable de l’analyse, destinée à établir si des crimes de l’ampleur requise juridiquement par la Cour –crimes contre l’humanité– ont bien été commis, et si le pays dispose des outils judiciaires pour juger sur son propre sol. Sur ce dernier point, à ce jour, la RDC, héritière du régime Mobutu et en proie à des conflits constants depuis au moins fin 1996, ne dispose pas d’institutions solides.

Les cibles du procureur

En ouvrant sa première enquête, le Parquet fait état de «viols, tortures, déplacements forcés et conscriptions illégales d’enfants soldats», analyse basée sur plusieurs rapports émanant notamment d’organisations non gouvernementales et internationales. Il souligne par ailleurs son intention de «cibler» ceux qui «portent la plus grande responsabilité pour les crimes (…) commis actuellement». Parmi ces cibles supposées figure au moins l’un des vice-président de l’actuel gouvernement de transition, Jean-Pierre Bemba, leader du Mouvement pour la libération du Congo (MLC), ancien mouvement rebelle devenu parti politique. Si M. Bemba avait officiellement, au cours d’une conférence de presse à Kinshasa en avril, donné son aval à l’initiative présidentielle, sa possible implication dans les crimes, comme dans le processus de paix en cours, rend la tâche du procureur plus ardue. Ce dernier doit d’ailleurs jongler entre les desiderata d’états ; dont certains sont parties au statut de la Cour ; qui craignent de voir achopper le processus de paix en cours et voudrait voir la justice reculer jusqu’à l’échéance électorale de juillet 2005, et la nécessaire lutte contre l’impunité. Une source au parquet estime que Luis Moreno Ocampo devrait, dans un premier temps, rester «prudent».

Le procureur ne devra pas compter sur la seule coopération de la RDC. Désormais, avec l’ouverture officielle de sa première enquête, la Cour devra prendre en compte les problèmes de sécurité, «pas seulement pour le personnel de la Cour, explique le procureur adjoint chargé des enquêtes, Serge Brammertz, mais aussi pour les autres acteurs de terrain, les victimes et les témoins potentiels.» Chargé de la Justice internationale à l’organisation Human Rights Watch (HRW), Richard Dicker a demandé au procureur «que la poursuite des coupables ne se limite pas au périmètre national et que l’enquête s’intéresse tant aux chefs militaires congolais qu'à ceux qui les soutiennent de l'étranger».

Selon lui, avec l’ouverture de cette enquête, «le Procureur a la possibilité de faire passer un message dans toute la région des Grands Lacs et de faire savoir que ces crimes atroces ne demeureront pas impunis».  Dans un communiqué, l’organisation américaine rappelle l’implication de l’Ouganda et du Rwanda dans les conflits en RDC. Mais le Rwanda n’a pas ratifié le traité de la Cour et n’est, dès lors, tenu par aucune obligation de coopération.

par Stéphanie  Maupas

Article publié le 24/06/2004 Dernière mise à jour le 24/06/2004 à 10:23 TU