Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Congo démocratique

Kabila et Bemba absents à la signature des accords

Un point final a été mis au dialogue intercongolais, avec la signature mercredi dans le complexe de loisirs sud-africain de Sun City, d’un accord définitif mais incomplet. Thabo Mbeki, le président sud-africain, a voulu s’en tenir à son calendrier. Joseph Kabila, l’homme fort de Kinshasa, n’a pas fait le déplacement.
De notre correspondante à Johannesburg

Diffusée en direct à la télévision congolaise, la cérémonie de signature s’est déroulée en présence du facilitateur du dialogue, Ketumile Masire, l’ancien président du Botswana. Singulièrement absent des derniers rounds de négociations, ce médiateur a laissé les Sud-Africains porter à bout de bras un processus pour le moins difficile, avec l’aide de l’envoyé spécial des Nations unies, le Sénégalais Moustapha Niasse. Difficile, le processus n’en pas moins été rondement mené. Il n’a duré qu’un an et deux mois, soulignent les commentateurs sud-africains, en comparaison des quatre années de pourparlers qui ont précédé l’organisation d’élections en Afrique du Sud, après la fin de l’apartheid.

Plusieurs chefs d’Etat de l’Afrique australe ont participé aux réjouissances de Sun City, parmi lesquels le Zimbabwéen Robert Mugabe et le Namibien Sam Nujoma. Tous deux ont ordonné l’an dernier le retrait de leurs contingents déployés en RDC. Mauvais signe, cependant, aucun des acteurs principaux du conflit en RDC n’était là : ni Joseph Kabila, ni Jean-Pierre Bemba, le leader de l’un des deux principaux mouvements rebelles, ni les présidents du Rwanda et de l’Ouganda, deux pays qui soutiennent des factions rivales du conflit congolais.

Plus que la paix, la signature d’un accord marque surtout l’instauration d’une nouvelle Constitution et l’ouverture encore théorique d’une transition. Sur le papier, cette période de deux ans est censée déboucher sur des élections, les premières depuis 40 ans. En réalité, l’accord ne lève aucun des doutes majeurs qui persistent sur l’avenir, même immédiat. Les chances d’une transition paraissent en effet compromises, d’importants mouvements militaires continuant d’être opérés, sur le terrain. En raison des combats menés ces derniers mois par les rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda, des troupes ougandaises se sont maintenue dans l’Est du pays, à la demande des Nations unies. Ce maintien a irrité le Rwanda, qui a retiré 20 000 soldats, comme promis en juillet dernier à Pretoria. Aujourd’hui, Kigali dément, mais la présence de soldats rwandais a été signalée par plusieurs ONG opérant dans l’est de la RDC.

Un flou total

Plusieurs points importants restent par ailleurs à éclaircir. Nul ne savait exactement, hier à Sun City, qui seraient les dirigeants de la transition. En raison d’intenses luttes internes à chacune des forces en présence, une liste finale de noms manquait encore, pour les quatre vice-présidents qui devraient bientôt partager le pouvoir avec Joseph Kabila. Etienne Tshisekedi, en lice pour la vice-présidence réservée à l’opposition dite «politique» (et non armée), une opposition divisée entre les pro-Kabila et les pro-Tshisekedi, en a appelé aux médiateurs pour prendre une décision.

De même, le flou le plus total a régné sur la nomination de responsables de l’intégration des différentes forces en présence dans une seule et même armée. Selon un représentant de la société civile, c’est un officier de l’armée régulière qui prendrait les fonctions de chef d’état-major de la nouvelle armée, tandis qu’un membre du RCD serait ministre de la Défense, et un autre membre du RCD chef de l’armée de terre. Cette distribution des cartes a fortement déplu au Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, qui aurait dû se contenter de deux postes de second ordre dans l’armée, cantonnés au rang de chef d’état-major adjoint.

Le scepticisme était tel, à Sun City, que l’un des 362 délégués congolais a affirmé que cette ultime réunion n’était qu’un «show». D’autres ont affirmé que les festivités étaient d’abord et avant tout destinées à «flatter» Thabo Mbeki, Ketumile Masire et Moustapha Niasse, «alors que rien n’a été résolu et que tout le monde le sait».

Pour l’Afrique du Sud, la palabre intercongolaise est un fardeau coûteux qui vient de lui être retiré. L’accord «final» signé, le dialogue continue, sous une autre forme. Une réunion a été annoncée pour le 9 avril au Cap entre Thabo Mbeki, Joseph Kabila, Paul Kagamé et Yoweri Museveni. A l’ordre du jour : le retrait de toutes les troupes étrangères encore présentes en RDC.



par Sabine  Cessou

Article publié le 03/04/2003