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Jordanie

Psychose sécuritaire chez les expatriés américains

Cordon de sécurité devant l'ambassade des Etats-Unis en Jordanie. «<i>Nous n'avons plus l'esprit tranquille</i>», raconte un diplomate américain. 

		(Photo: AFP)
Cordon de sécurité devant l'ambassade des Etats-Unis en Jordanie. «Nous n'avons plus l'esprit tranquille», raconte un diplomate américain.
(Photo: AFP)
La nette dégradation de la situation sécuritaire en Arabie Saoudite après les récents attentats contre des intérêts occidentaux, accompagnés de prises d’otage et d’enlèvements, a provoqué une vague d’inquiétude chez les expatriés américains dans tout le Moyen-Orient. Même en Jordanie, jusqu’à présent épargnée par la violence terroriste, l’angoisse envahit peu à peu les esprits. «Les Américains sortent beaucoup moins le soir dans les cocktails et les réceptions officielles, ils se font discrets», constate un hôtelier.

De notre correspondant à Amman.

L’ambassade américaine, située dans le quartier chic d’Abdoun, est littéralement en état de siège. La rue, qui passe devant, est interdite à la circulation. Récemment, l’ambassadeur Edward Ghneim, qui doit quitter son poste en juillet, a convoqué une réunion de sécurité avec une vingtaine de responsables d’hôtels et de sociétés (Bechtel, Halliburton, KBR, Coca Cola, etc.). Au menu : le renforcement de la sécurité des ressortissants américains dans le royaume et la coordination du dispositif entre les services de l’ambassade et le secteur privé.

A cette occasion, l’ambassadeur a remis à chacun des participants un exemplaire de la dernière édition du guide de l’OSAC (Overseas security advisory council), une organisation rattachée au département d’Etat, sur «les mesures de sécurité pour les familles américaines vivant à l’étranger». Premier conseil: adopter un profil bas. «N’attirez pas l’attention en tant qu’Américain en conduisant une grosse voiture américaine, en recevant par la poste des magazines et publications venant des Etats-Unis, ou en ayant des signes sur votre résidence qui peuvent vous identifier comme Américain».

Le guide, véritable inventaire à la Prévert, donne toute une série de conseils de prudence: ne jamais donner votre nom par téléphone, surveiller tout signe inhabituel dans votre environnement immédiat, ne pas jeter à la poubelle des documents ou lettres qui pourraient vous identifier ou fournir des renseignements sur vous et votre famille, apprenez à mémoriser les plaques d’immatriculation, bref, peut-on lire dans le guide, «il vous faut cultiver un sixième sens» pour détecter les dangers potentiels.

Se méfier des journalistes

A l’extérieur de la maison, la prudence la plus extrême est recommandée: «Au cours d’occasions mondaines, éviter des conversations avec des citoyens du pays relatives à des sujets politiques, religieux, raciaux, économiques ou concernant des questions locales controversées, soyez le plus évasif possible». Le guide invite aussi à se méfier des journalistes: «Soyez circonspect avec les représentants de la presse, car souvent les terroristes utilisent comme couverture la profession de journaliste. N’acceptez aucune interview ou photo dans votre résidence».

Venant d’Irak, beaucoup de diplomates, militaires, hommes d’affaires et experts américains ont choisi Amman comme base arrière. L’ambassade américaine a d’ailleurs loué pour deux ans un étage entier dans un hôtel de luxe pour loger ses personnels. «Pour des raisons de sécurité, ils occupent une partie de l’établissement qui ne donne pas sur la rue, explique le directeur de l’hôtel. Ils nous ont demandé de refaire les salles de bain et d’installer des cuisines. Mais surtout, ils ont placé des caméras de surveillance dans les issues de secours reliées à des moniteurs de contrôle dans leurs chambres».

Pour les expatriés américains, les consignes de sécurité ont été montées d’un cran. «Devant mon immeuble, un soldat jordanien monte la garde dans une guérite», raconte un diplomate, visiblement soulagé de quitter le Proche-Orient pour démarrer un nouveau poste à Washington. «Parfois, nous recevons des avertissements de l’ambassade de ne pas sortir le soir quand elle est informée de menaces. Nous n’avons plus l’esprit tranquille».



par Christian  Chesnot

Article publié le 25/06/2004 Dernière mise à jour le 25/06/2004 à 05:49 TU