Arabie Saoudite
Les étrangers, cible prioritaire ?
(Photo: AFP)
Si les attentats du 12 mai 2003 –qualifiés par les Saoudiens de 11 septembre national– ont à n’en pas douter largement contribué à faire de la lutte contre le terrorisme islamiste l’une des priorités des autorités de Ryad, la stratégie adoptée par les services de sécurité est de plus en plus contestée dans la mesure où elle ne semble pas avoir été très payante. En un peu plus d’un an, pas moins de quatre-vingt personnes sont en effet mortes dans diverses attaques terroristes, touchant principalement des civils. Récemment, un groupe islamiste se faisant appeler «le réseau al-Qaïda dans la péninsule arabique» a promis une année 2004 sanglante pour le pouvoir saoudien. Et depuis, les attaques se multiplient principalement contre les étrangers sans lesquels l’économie du royaume ne pourrait pas fonctionner puisqu’ils sont quelques six millions à travailler en Arabie Saoudite, parmi lesquels 35 000 Britanniques, 30 000 Américains et 4500 Français.
C’est sans doute avec à l’esprit le danger économique que représenterait pour le royaume le départ des millions d’expatriés qui y vivent, que l’administration Bush a encouragé les Saoudiens à faire davantage contre le terrorisme. Le secrétaire d’Etat américain a ainsi exprimé à plusieurs reprises ce week-end sa préoccupation face à la détérioration de la sécurité dans le pays. «Le meurtre d’étrangers, qu’ils soient Américains, Britanniques ou autres, est une attaque directe contre le régime saoudien», a notamment martelé sur plusieurs chaînes de télévision Colin Powell. Selon lui, les attaques récentes visent à «nuire au commerce et au secteur pétroliers».
En fidèle allié du royaume, Washington a proposé une aide accrue aux autorités de Ryad dans leur lutte contre le terrorisme. «Les Saoudiens, qui savent désormais qu’ils ont un très sérieux problème dans le royaume, vont réagir avec toutes leurs ressources et nous allons les aider autant que nous le pouvons», ainsi affirmé Colin Powell. Le secrétaire d’Etat a également une nouvelle fois encouragé le royaume à supprimer le financement à certaines organisations qui soutiennent le terrorisme. «Ils peuvent faire davantage, ils peuvent se renforcer et nous pouvons sûrement en faire davantage pour les aider», a-t-il insisté.
Deux façons de lutter contre le terrorismeLa conseillère de George Bush pour la sécurité nationale, qui a estimé qu’«al-Qaïda était une menace sérieuse» pour l’Arabie saoudite, s’est pour sa part félicitée «des gros progrès réalisés par Ryad au cours de ces derniers mois», balayant du même coup des mois de critiques de l’administration Bush. «Comme beaucoup d’autres dans le monde, les Saoudiens n’avaient pas pleinement pris la mesure dans laquelle des organisations dont beaucoup portent des noms d’œuvres de charité servaient au financement du terrorisme», a souligné Condoleezza Rice. La récente décision des autorités de Ryad de dissoudre la fondation caritative al-Haramaïn, accusée par Washington de financer al-Qaïda, n’est sans doute pas étrangère à cette soudaine bonne disposition des Américains.
Une nouvelle donne qui tombe à point nommé pour le régime saoudien, longtemps accusé de mollesse face à la montée de l’extrémisme musulman à travers le monde mais aussi sur son propre territoire. Réagissant aux attaques qui ont récemment frappé les étrangers en Arabie Saoudite, le prince Turki al-Saoudi –ambassadeur du royaume à Londres– a ainsi expliqué qu’il y avait deux manières de lutter contre ceux qui veulent renverser la monarchie saoudienne. «Il y a la manière forte qui consiste à arrêter manu militari des milliers de personnes avec l’espoir de capturer parmi elles trois ou quatre terroristes», a-t-il déclaré, affirmant que «c’était précisément cette méthode que les terroristes voulait voir appliquer afin de laisser croire à la population dans son ensemble qu’il s’agit d’une répression dirigée contre elle». L’autre méthode, choisie selon lui par les autorités de Ryad, consiste au contraire à confier aux services secrets des enquêtes discrètes permettant de repérer et d’arrêter les seuls terroristes. L’ancien homme fort du renseignement saoudien laissait ainsi entendre que, même si elles n’étaient pas spectaculaires, les actions de la police saoudienne existaient bel et bien, une façon de répondre aux accusations de financement du terrorisme visant le régime saoudien.
Qu’elle soit «méthodique» ou au contraire forte –la plupart des observateurs de la scène politique saoudienne estime que depuis un an les forces de sécurité ont choisi une approche sécuritaire, arrêtant des centaines de personnes souvent au cours d’opérations violentes– la manière de faire des autorités de Ryad n’a pas réussi à empêcher la multiplication d’actes terroriste dans la péninsule arabique.
par Mounia Daoudi
Article publié le 14/06/2004 Dernière mise à jour le 14/06/2004 à 15:28 TU