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Arabie Saoudite

Révisions déchirantes <br>pour le pouvoir saoudien

la fondation Al Haramaïn, qui vient d’être dissoute était une institution financière caritative capable de lever 50 millions de dollars par an. 

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la fondation Al Haramaïn, qui vient d’être dissoute était une institution financière caritative capable de lever 50 millions de dollars par an.
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Le royaume a annoncé mercredi la dissolution de l’association caritative Al Haramaïn, soupçonnée de financer al Qaïda.

Sous la double pression du terrorisme et des Etats-Unis, l’Arabie Saoudite met de l’ordre dans ses affaires. Si, au niveau des intentions, la volonté du gouvernement saoudien de réduire les islamistes armés qui ont juré sa perte ne semble plus faire de doute, le passage à l’acte semble à chaque fois un déchirement pour la Maison des Saoud.

C’est que l’ennemi que combat le pouvoir saoudien est une excroissance du régime, une partie de lui-même qui le renie désormais, et qu’il renie à son tour, qualifiant ces opposants de «déviants». Mais déviants par rapport à quoi ? Par rapport à une idéologie partagée, le wahhabisme, cette forme particulièrement austère et intolérante de l’islam sunnite qui est le fondement du pouvoir saoudien.

C’est pourquoi, lorsque les Américains, entre autres, ont demandé avec insistance après les attentats du 11 septembre, de reprendre en mains les institutions religieuses, soupçonnées au mieux de complaisance, au pire de complicité avec al Qaïda, le gouvernement saoudien a pris des demi-mesures. Certes, immédiatement, les prêches des imams ont été placés sous contrôle et plus d’un millier d’entre eux ont été retirés des mosquées et renvoyés en «formation» pour qu’ils cessent de prêcher la haine des juifs, des chrétiens et des Occidentaux en général. Mais il a fallu quelques attentats supplémentaires et de nouvelles pressions internationales (notamment américaines) pour que Ryad se décide au printemps dernier à rappeler ses «attachés islamiques», présents dans de nombreuses ambassades saoudiennes à l’étranger pour assurer la liaison avec des organisations musulmanes d’obédience saoudienne et dont beaucoup avaient une attitude pour le moins ambiguë à l’égard de la mouvance Ben Laden.

Le pacte fondateur du royaume

C’est que non seulement il n’y a aucune séparation entre la religion et l’État en Arabie Saoudite, mais la Da’awa, la propagation de la foi musulmane –dans sa version wahhabite, cela va de soi– est au cœur du pouvoir et de l’influence du royaume. C’est aussi la garantie que l’institution religieuse, extrêmement puissante, continue d’apporter son appui sans réserve aux princes qui gouvernent le pays au profit de la famille et au nom de l’islam.

Certes, les chefs religieux (les oulemas) sont dans l’ensemble très obéissants à l’égard du pouvoir politique, qui les rémunère et leur confère honneurs et pouvoir. Mais à condition que les autorités ne s’éloignent pas trop de la «ligne» politico-religieuse définie au XVIIe siècle par les pères fondateurs du royaume, le cheikh Mohammed Al Saoud, émir de Diriya, petite bourgade du Nejd en Arabie centrale, et un obscure prédicateur chassé de sa ville natale en raison de son intolérance à l’encontre de ses concitoyens, Mohammed ibn Abdelwahhab. Tous deux forgèrent en 1744 un pacte qui est aujourd’hui encore l’essence du pouvoir saoudien.

Or, la fondation Al Haramaïn (Al Haramaïn = les deux lieux Saints, La Mecque et Médine), qui vient d’être dissoute, était une institution financière caritative capable de lever 50 millions de dollars chaque année pour le financement d’activités sociales et religieuses. Mais par religieuses, il fallait aussi entendre le financement d’organisations dont certaines recourent à la violence armée. Pour les autorités américaines et un certain nombre d’analyste, la fondation Al Haramaïn était d’ailleurs l’un des canaux de financement d’al Qaïda.

Aussitôt, les autorités de Ryad ont annoncé la création d’un nouvel organisme destiné à remplacer la fondation dissoute : la Commission nationale saoudienne pour l’assistance et l’oeuvre caritative à l’étranger qui aura pour mission de veiller à ce que les dons des Saoudiens ne servent pas à financer le terrorisme.

Mais si la fondation Al Haramaïn était l’une des plus importantes institutions saoudiennes à perpétuer le lien ambigu entre le royaume et al Qaïda, elle n’est ni la seule ni la dernière. Reste à voir si, désormais, les dirigeants saoudiens continueront de sévir à reculons contre des institutions qui mêlent si étroitement le pouvoir politico-religieux du royaume et les ennemis mortels qui ont juré sa destruction, au nom même de l’idéologie officiellement au pouvoir.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 03/06/2004 Dernière mise à jour le 03/06/2004 à 10:18 TU