Irak
Une transition dans le chaos
(Photo : AFP)
Encore une fois, le bilan des attentats perpétrés le 26 juin à Hilla, une ville située à une centaine de kilomètres au sud de Bagdad, est lourd. Au moins 23 personnes ont été tuées et près d’une soixantaine blessées, dans des explosions provoquées par des voitures piégées. Ces attaques n’ont pas été les seules de la journée. A Baaqouba, à 60 kilomètres au nord de la capitale, le siège du parti de l’Entente nationale du nouveau Premier ministre Iyad Allaoui a été dynamité. Peu avant, les locaux du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII, chiite) dans cette même ville ont aussi été attaqués par un groupe armé. Cinq personnes, dont un kamikaze, ont été tuées et deux autres blessées, au cours de cette attaque. Le lendemain, la «zone verte» de Bagdad, où se trouve le quartier général des forces de la coalition, a essuyé des tirs de roquettes et d’obus. Ces attentats succèdent à une autre vague de violence enregistrée deux jours plus tôt dans plusieurs villes irakiennes à majorité sunnite (Baaqouba, Ramadi, Falloujah, Mossoul) au cours desquelles près de 90 personnes ont perdu la vie.
Face à cet engrenage infernal, où rien ne semble pouvoir arrêter l’escalade de la violence et ramener la sécurité, les mesures annoncées par Iyad Allaoui n’ont aucun impact. C’est pourtant au problème de la violence qu’il a essayé de s’atteler dès son arrivée à la tête de l’exécutif irakien. Il a, en effet, annoncé la création d’un commandement intégré sous son autorité personnelle pour lutter contre la guérilla. Le Premier ministre a, d’autre part, affirmé sa détermination à prendre «toutes les mesures nécessaires», éventuellement déclarer l’état d’urgence dans certaines zones, pour écraser les auteurs des attentats qui ravagent le pays. Cette fermeté affichée se heurte à un obstacle de taille : la faiblesse et la désorganisation des forces armées irakiennes. C’est d’ailleurs pour tenter de remédier à cela qu’il a demandé à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) une aide en matière de formation et d’assistance technique.
Ultimatum à la TurquieCette requête est soutenue, pour ne pas dire proposée, par Washington qui espère recevoir une aide internationale plus importante pour gérer une transition politique irakienne qui ne s’engage pas sous les meilleurs auspices. George W. Bush qui a rencontré les dirigeants européens avant de se rendre en Turquie pour une visite officielle et le sommet de l’OTAN, espère ainsi obtenir des engagements de la part de ses partenaires de l’Alliance atlantique concernant leur participation pour aider la reconstruction irakienne et l’arrêt de la violence.
Ces tâches s’annoncent des plus ardues car la situation sur le terrain en Irak se radicalise de jour en jour. Les forces de la coalition ont été totalement impuissantes à enrayer la violence et à contrer le terrorisme depuis la chute du régime de Saddam Hussein, il y a quatorze mois. Elles n’ont notamment pas réussi à assurer la sécurité de l’ancien chef de l’exécutif provisoire irakien Ezzedine Selim, abattu dans un attentat à la voiture piégée. L’ennemi public numéro un des Etats-Unis, Abou Moussab al-Zarqaoui ne cesse, d’autre part, de revendiquer des actions et de proférer des menaces malgré la traque dont il fait l’objet. Le groupe terroriste de ce Jordanien responsable de plusieurs assassinats de civils issus des pays membres de la coalition (Etats-Unis, Italie, Corée) a récidivé, samedi 26 juin, en lançant un ultimatum demandant à la Turquie de retirer ses entreprises d’Irak pour éviter la décapitation des trois ressortissants turcs qu’il a pris en otages. Cette menace arrive fort à propos, au moment même où le président américain se trouve en Turquie pour resserrer avec ce pays des liens un peu distendus après l’intervention militaire américaine en Irak. Le gouvernement turc a d’ores et déjà déclaré qu’il ne céderait pas aux terroristes. Une réponse qui sonne comme un arrêt de mort pour les trois otages.
Dans un tel chaos, l’annonce faite par Iyad Allaoui sur un possible recourt à des mesures d'exception «légales» pour pouvoir assurer la tenue d'élections, prévues normalement dans le pays au début de l’année 2005, dans les délais, a tout l’air d’un aveu d’impuissance. Car pour le Premier ministre, il n’est pas envisageable d’organiser une consultation tant que la sécurité minimum ne sera pas assurée en Irak. Et cette condition est loin d’être remplie.
par Valérie Gas
Article publié le 27/06/2004 Dernière mise à jour le 27/06/2004 à 13:36 TU