France-Italie
Parenthèse parisienne pour Berlusconi
(photo : AFP)
Il paraît que le « Cavaliere » est d’une humeur massacrante. Ses soucis politiques remplissent les colonnes des journaux, au point que les thèmes du 23ème sommet franco-italien ne sont que très succinctement abordés pour laisser la plus large place à ses déboires domestiques. Il pèse en effet sur sa coalition de très lourdes menaces. Et, depuis quelques jours, il est engagé dans une série de consultations pour sauver la cohésion de son équipe.
Silvio Berlusconi est en effet un président du Conseil accablé par la succession de déconvenues qui ont marqué ces dernières semaines de vie politique italienne. Depuis la mi-juin, on observe que le baromètre électoral s’est inversé en faveur de l’opposition. A l’issue des scrutins européens, régionaux et locaux (partiels), sa coalition ne contrôle plus que le parlement. Son parti, Forza Italia a perdu 4 millions d’électeurs (sur 20 millions) aux européennes. Et la gauche dirige désormais 10 des 20 régions du pays et 52 des 63 provinces.
Face aux difficultés qui s’accumulent, le charisme de Silvio Berlusconi n’opère plus. Les recettes libérales du président du conseil n’ont pas apporté la croissance attendue et les déficits publics ont filé. Avec la désaffection de l’électorat, la coalition au pouvoir donne des signes de fragilité de plus en plus évidents. La tête du ministre de l’Economie, réputé très proche de Silvio Berlusconi, est réclamée par certains de ses collègues. Les partis associés à Forza Italia reprochent également les méthodes autocratiques de gouvernance du patron. Le parti de droite Alliance nationale et le petit parti centriste UDC revendiquent davantage de collégialité dans les prises de décision de ce gouvernement. La Ligue du nord exige un calendrier qui transformerait l’Italie en république fédérale. Et même son épouse, dans un livre récent (Tendance Veronica), laissait entendre qu’elle ne votait pas pour le parti de son mari.
Bref, les alliés de Silvio Berlusconi veulent bien continuer à travailler avec lui, mais à condition qu’il change d’orientation économique, qu’il s’engage dans des réformes politiques et qu’il remanie le gouvernement. De son côté, M. Berlusconi se déclare irrité par « l’ingratitude » dont font preuve ses alliés et il assure ne pas comprendre leur colère car des élections anticipées, dont il brandit la menace pour l’horizon 2005, les renverraient dans l’opposition.
Le TGV Lyon-Turin, à l’horizon 2018
Dans ce contexte, les affaires bilatérales prennent une tournure secondaire. Pourtant, si le climat entre Paris et Rome n'est pas excellent et si les relations personnelles entre les deux chefs d’Etat sont plutôt mauvaises, tout ne va pas si mal. Certes, Silvio Berlusconi ne partage pas avec son homologue français la même conception des relations internationales. Alors que le premier est franchement atlantiste, le second s’affiche résolument européen. Les deux hommes se sont notamment opposés sur la conduite à tenir vis-à-vis de l’Irak, Berlusconi ayant rejoint la coalition. D’autre part le président du conseil italien ne décolère pas contre le « directoire » franco-germano-britannique en Europe et, selon la presse italienne, ne pardonne pas au président français de ne pas l’avoir invité lors des cérémonies du 60ème anniversaire du débarquement allié de Normandie. Et, apparemment, la décision prise mercredi par la cour d’appel française d’autoriser l’extradition vers l’Italie de l’ancien terroriste Cesare Battisti n'a pas d'autre effet que de ne pas empoisonner davantage l’atmosphère entre les deux capitales.
Pourtant les deux pays ont de grands projets et des intérêts communs. Il y a notamment le chantier du train à grande vitesse qui doit relier Lyon à Turin, à l’horizon 2015-2018. Ils ont également des projets dans les domaines de l’aéronautique, de l’espace, de l’armement et un chantier en cours en matière de coopération policière et de lutte contre l’immigration clandestine, les deux pays ayant en charge un segment important de la frontière sud de l’espace Schengen.
Par ailleurs, la situation économique de l’Italie laisse présager des difficultés à respecter les critères de convergences économiques de l’Union européenne. Il est vraisemblable que, sauf mesures draconiennes de correction, le déficit franchira l’an prochain le plafond des 3% du PIB imposé par le pacte de stabilité. L’Italie se retrouverait ainsi dans la même situation que la France et l’Allemagne l’an passé et risquerait des sanctions. De la même façon que Rome avait plaidé la clémence pour Paris et Berlin, les autorités italiennes recherchent à cette occasion l’appui de leurs homologues françaises.
Mais, malgré ses obligations parisiennes de chef d’Etat, c’est plus que jamais à Rome que « l’homme le plus riche d’Italie » joue aujourd’hui son avenir. Dès son retour, Silvio Berlusconi doit réunir les chefs des partis politiques membres de sa coalition pour tenter de les convaincre de rentrer dans le rang et sauver son gouvernement.
par Georges Abou
Article publié le 02/07/2004 Dernière mise à jour le 02/07/2004 à 14:42 TU