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Justice

Vingt mesures contre la récidive

Michel Fourniret a avoué avoir commis neuf assassinats depuis sa sortie de prison. 

		(Photo : AFP)
Michel Fourniret a avoué avoir commis neuf assassinats depuis sa sortie de prison.
(Photo : AFP)
Dans un climat d’émotion créé par plusieurs affaires simultanées impliquant des délinquants sexuels récidivistes une mission parlementaire propose des mesures pour lutter contre ce phénomène. Une proposition de loi destinée à appliquer ces propositions devrait suivre dans les prochains mois.
Alors que le procès pour pédophilie d’Outreau, dans le Nord de la France, s’achevait à peine, deux affaires de crimes sexuels, impliquant des récidivistes, ont entraîné une vive réaction de l’opinion publique et des élus contre la libération prématurée de délinquants dangereux. C’est dans ce contexte que la mission parlementaire créée en mars dernier sur la récidive, en général et pas seulement dans le cas de crimes sexuels, a rendu son rapport. Les 14 députés de la majorité et de l’opposition formulent une vingtaine de propositions de nature à sanctionner plus sévèrement les « délinquants d’habitude ». Selon les statistiques du ministère de la Justice, près d’un tiers des condamnés pour des délits et un peu moins de 5% des condamnés pour crimes sont des récidivistes.

Simultanément deux « prédateurs » sexuels ont été mis sous les feux de l’actualité, tous deux anciens condamnés ayant commis à nouveau les mêmes crimes. Michel Fourniret avait été arrêté une première fois en 1984 et condamné, trois ans plus tard, en 1987, à sept ans de prison dont deux avec sursis pour 11 agressions sexuelles commises entre 1982 et 1984. Il avait été libéré aussitôt après sa condamnation, bénéficiant d’une remise de peine. Il a avoué, à cette heure, neuf assassinats, pour la plupart des jeunes filles, entre la date de sa libération et 2001. Il était détenu depuis l’an dernier après avoir agressé une jeune fille.

Pierre Bodein, mis en examen pour le meurtre de Julie Scharsch, assassinée en juin dernier, était sorti  de prison au mois de mars. Condamné à 20 ans de prison pour viols, vols à main armée et tentatives de meurtre, il était incarcéré depuis 1990 et aurait, en tout état de cause, été libérable en janvier 2005 par le jeu des remises de peine. Cet homme âgé de 56 ans a passé plus de 30 ans de sa vie en prison ou en hôpital psychiatrique.

Le rapport de la mission parlementaire sur la récidive tente donc de remédier à de telles tragédies en réprimant plus durement la récidive. Ainsi, les condamnations avec sursis et mise à l’épreuve seraient limitées à deux et les récidivistes incarcérés ne bénéficieraient plus des mêmes remises de peine que le primo-délinquants. Plus particulièrement concernant les récidivistes de crimes sexuels ou d’actes violents, l’incarcération serait immédiate. Mais les parlementaires souhaitent également l’amélioration de l’évaluation des délinquants par des psychiatres, pendant leur détention et après leur sortie de prison. Les psychiatres devraient suivre une formation spécifique obligatoire sur la délinquance sexuelle et davantage de psychologues cliniciens pourraient être associés au suivi des anciens détenus. Les libérés les plus susceptibles de récidiver devraient être placés sous contrôle électronique mobile du type « bracelet ».

Surpopulation et pénurie

Dans une récente interview le président de la mission parlementaire, le député UMP Pascal Clément, avait estimé que le manque de contrôle des condamnés, la pénurie de psychiatres pour les délinquants sexuels constituaient un « drame ». Opinion confortée par un psychiatre exerçant en prison selon lequel la loi de juin 1998 sur l’obligation de soins pour les délinquants sexuels n’est ni applicable ni appliquée en raison de la surpopulation carcérale et manque de moyens.

De plus, face aux cas de maladie mentale, la mission parlementaire estime que le juge devrait être compétent pour prononcer l’hospitalisation d’office des prévenus qui ne sont pas, en raison de leur état, du ressort de la justice pénale. Un fichier de ces personnes, à l’image du fichier des délinquants sexuels, devrait être constitué.

En revanche, les députés n’ont pas retenu l’instauration de peines automatiques en cas de récidive. Cette idée, émise en son temps par l’ancien ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy et repoussée par le ministre de la Justice Dominique Perben, a été jugée d’une efficacité incertaine. Afin de hâter la concrétisation de celles des mesures préconisées qui relève de la loi, le président de l’Assemblée nationale Jean-Louis Debré a annoncé la création d’un groupe de travail chargé de la rédaction d’une proposition de loi d’ici l’automne.

Sitôt connues les propositions parlementaires ont subi la critique des syndicats de magistrats qui évoquent le risque d’augmentation du nombre des incarcérations alors que les prisons sont déjà pleines. Dans les 185 prisons françaises, on compte actuellement 63 500 détenus pour 48 500 places. Ces magistrats soulignent « l’incohérence » de ces mesures, mettant en avant que les sorties de prison qui auront lieu lors de la traditionnelle grâce présidentielle du 14 juillet se feront sans aucun suivi ni contrôle des libérés. A cela s’ajoute le gel des crédits de la justice qui ne va pas dans le sens d’un renforcement des effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Mais la proposition la plus radicale est venue du député UMP Lionnel Luca qui estime, à l’instar de Jean-Marie Le Pen, président du Front national,  que «la seule façon d’empêcher la récidive des crimes sexuels est la peine de mort » dont il prône le rétablissement



par Francine  Quentin

Article publié le 07/07/2004 Dernière mise à jour le 07/07/2004 à 14:47 TU

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Christophe Caresche

Député PS de Paris

«Il y a un manque de suivi des détenus durant leur peine et à leur sortie de prison. Les détenus sont livrés à eux-mêmes.»

[07/07/2004]

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