Proche-Orient
Sharon rêve d’exclure l’Europe du processus de paix
(Photo : AFP)
Israël n’a pas perdu de temps pour inonder l’Union européenne d’un déluge de critiques. Dès l’issue du vote mardi de l’Assemblée générale des Nations unies, son ambassadeur à New York, Dan Gillerman, dénonçait un «soutien honteux à une résolution terriblement unilatérale». Il se déclarait en outre «très déçu» du fait que les 25 pays européens se soient prononcés en bloc en faveur du démantèlement de la «barrière» de sécurité et ne se soient pas au moins abstenus.
En février dernier, l’Union avait en effet offert une victoire diplomatique à l’Etat hébreu en déclarant qu’elle n’était pas favorable à ce que la Cour internationale de justice de La Haye se prononce sur la légalité de ce que les Palestiniens qualifient de «mur de l’apartheid». Mais dès lors que le plus important organe judiciaire de l’Onu a émis son avis, elle s’y est rangée. Cette attitude a donc plus qu’irrité Israël au point que Dan Gillerman n’a pas hésité à remettre en question l’impartialité de Bruxelles. «Je crois que cette décision fait planer un doute supplémentaire sur la possibilité de l’Union européenne d’agir au Proche-Orient» pour un règlement du conflit israélo-palestinien, a-t-il lancé mardi.
Israël «déçu» par le vote des Européens
Le ton était donné. Quelques heures plus tard, le ministère israélien des Affaires étrangères convoquait trois ambassadeurs européens –ceux de l’UE, des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne– pour leur faire part de «la déception de l’Etat hébreu après un vote qui ne peut qu’encourager le terrorisme».
C’est dans ce contexte, au préalable déjà tendu, que Javier Solana a rencontré jeudi le chef de la diplomatie israélienne, Sylvan Shalom, puis le Premier ministre Ariel Sharon. Visiblement très agacé, le chef du Likoud, qui gouverne sans majorité à la Knesset depuis le départ de quatre de ses ministres d’extrême droite opposés à son plan de retrait de la bande de Gaza, n’a pas mâché ses mots. «Il sera difficile de coopérer avec l’Europe vu ses positions unilatérales contre Israël, qui ignorent totalement nos besoins de sécurité», a-t-il ouvertement déclaré au Haut représentant de l’Union. Et s’il n’a pas écarté une possible amélioration des relations de son pays avec Bruxelles, il a tout de même insisté sur le fait que cela risquait d’être «difficile sans un changement radical de la position européenne, en particulier sur la question de la sécurité d’Israël et son droit à se défendre».
L’UE partie prenante qu’Israël le veuille ou nonLes menaces à peine voilées des autorités israéliennes de se détourner de l’Union ne semblent pas avoir inquiété outre mesure Javier Solana. Le Haut représentant européen, qui s’est efforcé d’apaiser les tensions, s’est appliqué à défendre une nouvelle fois la position des 25. «Tous les pays européens soutiennent le droit d’Israël à se défendre mais vous vous devez de prendre en compte, avec vos besoins sécuritaire, les besoins humanitaires des Palestiniens», a-t-il plaidé auprès de ses interlocuteurs.
Il a également rappelé que l’UE s’était, dès le départ, opposée au tracé de la barrière de sécurité qui, à certains endroits, s’enfonce profondément en Cisjordanie. «La barrière passe à travers les territoires occupés et depuis le tout début nous avons été contre ce fait», a-t-il insisté. «Je sais que cette barrière a sauvé de nombreuses vies mais elle aurait également sauvé ses vies si elle avait été construite sur la Ligne verte», la ligne d’armistice de 1949, a également ajouté Javier Solana.
Des relations qui se dégradent depuis plusieurs mois
Repoussant l’éventualité que Bruxelles puisse être écarté du processus de paix israélo-palestinien, le diplomate européen a affirmé que «l’Union resterait impliquée que l’Etat hébreu le veuille ou non». L’UE est en effet partie prenante dans le Quartette –auquel participent également les Nations unies, la Russie et les Etats-Unis–, qui parraine la Feuille de route, ce plan de paix international qui prévoit la création, aujourd’hui plus que compromise, d’un Etat palestinien dès l’année prochaine. Javier Solana a donc rappelé l’engagement de l’UE «dans la recherche d’un règlement négocié» avec ses partenaires du Quartette au grand dam du gouvernement Sharon qui considère les Etats-Unis comme le seul partenaire possible pour la mise en place d’un plan de paix.
Les relations entre Bruxelles et les autorités israéliennes se sont considérablement dégradées ces derniers mois. Alors que le cabinet d’Ariel Sharon, largement soutenu par la Maison Blanche, s’est fait un devoir d’écarter le chef de l’Autorité palestinienne de toute négociation, l’Union européenne a toujours refusé de rompre le contact avec Yasser Arafat. Ce soutien indéfectible au vieux raïs, considéré par les Européens comme le représentant élu du peuple palestinien, pourrait toutefois fléchir. Réagissant à la grave crise politique que traverse depuis la semaine dernière l’Autorité palestinienne, Javier Solana a laissé entendre que les 25 pourraient bien être amenés à revoir leur soutien à Yasser Arafat si ce dernier ne se décidait pas à partager enfin le pouvoir avec son Premier ministre, Ahmed Qoreï, qui menace depuis la semaine dernière de quitter son poste malgré le refus du vieux leader. Si cette perspective venait à se réaliser, nul doute que les rapports entre Israël et l’Union européenne s’amélioreraient dans les plus brefs délais.
par Mounia Daoudi
Article publié le 23/07/2004 Dernière mise à jour le 23/07/2004 à 14:12 TU