Commerce mondial
L’OMC à la recherche d’un compromis
(Source: OMC)
« L’échéance de vendredi minuit pourrait s’avérer flexible », a diplomatiquement reconnu le porte-parole du directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, alors que le projet d’accord soulevait bien des réticences à quelques heures de la fin théorique de la rencontre. Les 147 pays membres de l’OMC sont réunis depuis le début de la semaine pour tenter de relancer les négociations prévues par le sommet de Doha en 2001, et en panne depuis l’échec du sommet de Cancun en 2003.
La question la plus cruciale est celle des subventions versées par les pays développés à leurs agriculteurs, qui constituent une concurrence déloyale envers l’agriculture des pays en développement. Nuisibles quand il s’agit de soutiens internes aux producteurs, ces subventions s’avèrent catastrophiques quand elles s’appliquent aux exportations. Les grands champions de ce type de pratiques, dénoncées par les pays en développement mais aussi les pays libéraux gros exportateurs agricoles du groupe de Cairns, sont les Etats-Unis et l’Union européenne. De leur côté Etats-Unis et Europe sont sensibles à l’élimination des droits de douane sur les produits industriels qu’ils exportent dans le monde entier.
Pour tenter de débloquer la situation, cinq grandes puissances du commerce agricole aux intérêts divergents (Etats-Unis, Union européenne, Australie, Brésil, Inde) se sont concertées pendant une douzaine d’heures, à l’issue desquelles un compromis a été proposé. De nombreuses délégations se sont plaintes d’être ainsi mises à l’écart des discussions, critique vertement formulée par le chef de la délégation suisse selon lequel « les cinq se prennent pour les dirigeants de la planète, alors qu’ils ne le sont pas ». Le directeur général de l’OMC, Supachai Panitchpakdi, a dû rappeler qu’aucun accord n’est possible sans un consensus de la part de tous les membres de l’organisation.
La « bronca » des petitsLe compromis, tel que repris et diffusé par le secrétariat de l’OMC à l’ensemble des pays membres, présente un meilleur équilibre entre les efforts demandés à l’Union européenne d’une part et aux Etats-Unis d’autre part, en matière de réduction des aides agricoles. L’Union européenne souhaitait que l’élimination de ses subventions à l’exportation s’accompagne, du côté américain, de la réduction des crédits à l’exportation et du recours à l’aide alimentaire dans des proportions comparables. Et, en contrepartie de cette avancée sur le dossier agricole, le compromis prévoit une réduction des tarifs douaniers sur les produits industriels acceptable par ces deux grandes puissances.
Mais c’était compter sans les pays en développement dont les intérêts ne recoupent pas, loin s’en faut, ceux des grands pays émergents qui prétendent les représenter, tels que le Brésil et l’Inde. Ainsi une forte opposition se dessinait parmi les 52 pays du groupe africain aux concessions qu’on exige d’eux sur l’entrée « libéralisée » des produits industriels étrangers sur leur territoire.
Plus encore, les pays d’Afrique de l’Ouest producteurs de coton ne voyaient prises en compte aucune de leurs revendications. Plusieurs de ces pays pour lesquels le coton est une ressource essentielle (Bénin, Mali, Tchad, Burkina-Faso), ont déposé en avril 2003 une initiative tendant à éliminer les subventions, notamment américaines, qui leur font perdre, évaluent-ils, un milliard de dollars par an.
Après avoir accepté que le coton soit intégré dans l’ensemble du dossier agricole, alors qu’ils auraient préféré un traitement particulier, ces pays ont obtenu qu’un « sous-comité coton » se réunisse régulièrement. Mais, contrairement à ce que souhaitaient ces pays pauvres producteurs de coton, aucune indication de date ni de montant n’apparaît dans le projet de compromis sur la réduction des subventions et des droits de douanes. Ils devraient se contenter de l’assurance que le dossier coton sera traité de manière «ambitieuse, rapide et spécifique, dans le cadre des négociations sur l’agriculture».
La conclusion toute provisoire revenait au Canada, vendredi après-midi, dont le représentant estimait que le document en discussion « nécessitait encore du travail ».
par Francine Quentin
Article publié le 30/07/2004 Dernière mise à jour le 30/07/2004 à 14:00 TU