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Irak

Blocage à Najaf

Les partisans du chef chiite Moqtada al-Sadr gardent les clés du mausolée d'Ali.
 

		(Photo : AFP)
Les partisans du chef chiite Moqtada al-Sadr gardent les clés du mausolée d'Ali.
(Photo : AFP)
Le bras de fer continue entre le chef chiite Moqtada al-Sadr et le gouvernement intérimaire irakien, appuyé par l’armée américaine, dans la ville sainte de Najaf. Les négociations engagées entre les deux parties concernant l’évacuation du mausolée de l’imam Ali, occupé depuis plusieurs mois par les soldats de l’armée du Mehdi entièrement dévoués au combat mené par l’imam al-Sadr contre les forces d’occupation américaines, n’ont pas abouti à un accord. La procédure de transfert des clefs du bâtiment à un représentant du Grand Ayatollah Ali Sistani, actuellement hospitalisé en Grande-Bretagne, a été «suspendue». Et les combats ont repris entre les miliciens chiites et les troupes américaines.

Moqtada al-Sadr n’est pas prêt à céder aux exigences du gouvernement intérimaire irakien. Malgré les menaces du nouveau Premier ministre irakien, Yiad Allaoui, de prendre d’assaut le mausolée d’Ali, l’un des principaux lieux saints du chiisme situé dans la ville de Najaf, l’imam radical continue à résister. Ses partisans retranchés dans la mosquée depuis plusieurs mois subissent, depuis le 5 août, une nouvelle offensive de la part des militaires américains. Ces derniers ont pris position à quelques centaines de mètres du mausolée qu’ils entourent entièrement pour mettre la pression sur les soldats de l’armée du Mehdi. Une attaque directe contre ce sanctuaire semble malgré tout improbable car elle pourrait embraser la communauté chiite du pays pour laquelle le mausolée d’Ali, le premier imam, est sacré.

Des tirs de roquettes ont pourtant touché, lundi 23 août, l’un des murs de la mosquée dans lequel un trou a été observé par des journalistes occidentaux présents sur les lieux. Les partisans de Moqtada al-Sadr ont accusé l’armée américaine d’avoir visé le mausolée. Mais celle-ci a immédiatement démenti. Il semble que la cible ait été un hôtel situé à proximité où logent des responsables de l’armée du Mehdi. Le cimetière de Najaf a aussi été bombardé lundi par l’aviation américaine, alors que des combats de rues se sont poursuivis dans la ville durant la journée.

L’enjeu du mausolée d’Ali

Malgré le blocus, l’imam al-Sadr a refusé les propositions transmises par la délégation de la Conférence nationale irakienne, mandatée auprès de ses représentants il y a quelques jours. Celle-ci lui avait en effet demandé de cesser le combat, de retirer ses partisans du mausolée d’Ali et de transformer sa milice en parti politique. Moqtada al-Sadr a simplement proposé, en guise de concession à une solution négociée pour sortir de l’actuelle situation d’affrontement, de remettre les clefs de la mosquée à l’autorité religieuse chiite (la marjaïya). Des négociations ont d’ailleurs été engagées avec les représentants du Grand Ayatollah Ali Sistani, la plus haute personnalité chiite irakienne, pour le moment hospitalisé en Grande-Bretagne afin de soigner un problème cardiaque.

Pour autant, aucune solution n’a été trouvée et le porte-parole de Moqtada al-Sadr, Cheikh Chaïbani, a annoncé que la procédure de transfert des clefs du mausolée à Ali Sistani était «suspendue». Le Grand Ayatollah a, en effet, accepté le principe de prendre le contrôle de la mosquée mais a posé un certain nombre de conditions préalables. Il a notamment demandé que le lieu saint soit entièrement évacué et fermé, mais aussi qu’un inventaire des trésors qu’il contient soit réalisé. Le mausolée abrite, en effet, de nombreuses richesses qui proviennent des cadeaux et dons réalisés tant par des personnalités (rois, émirs, présidents…) que par de simples croyants. Le grand Ayatollah Sistani désire donc s’assurer qu’aucun trésor n’a disparu depuis que Cheikh Ali Soumeisim, un proche de Moqtada al-Sadr, est le gardien de la mosquée, avant d’accepter de la prendre en charge. Ces vérifications nécessitent l’intervention du Waqf, l’autorité des biens religieux, qui est la seule à savoir exactement ce que contiennent les chambres fortes du précieux mausolée dont le toit est composé de briques d’or pur.

Malgré le siège dont ses partisans font l’objet, Moqtada al-Sadr, dont personne ne sait vraiment où il se cache et qui n’apparaît que très rarement en public, n’entend donc pas se soumettre à l’autorité du gouvernement intérimaire qu’il accuse d’avoir été mis en place par les Américains. Sa résistance met d’ailleurs celui-ci dans une situation particulièrement délicate, puisqu’il est pris au piège entre la nécessité d’imposer ses décisions pour être crédible et les risques liés à toute tentative pour déloger l’armée du Mehdi du mausolée d’Ali par la force. Si l’avenir politique de Moqtada al-Sadr dépend vraisemblablement de l’issue de la bataille engagée à Najaf, le gouvernement joue gros, lui aussi, dans cet affrontement.

par Valérie  Gas

Article publié le 23/08/2004 Dernière mise à jour le 23/08/2004 à 15:11 TU