Irak
Entre combats et médiations, la crise continue à Najaf
(Photo : AFP)
De notre envoyé spécial à Bagdad
« La rue irakienne ne comprend plus rien à ce qui se passe à Najaf, les gens veulent seulement la démocratie et la stabilité », commente Houda Naimi, analyste politique, perplexe elle aussi devant une conjoncture si volatile et si contradictoire. La confusion la plus totale règne dans la ville sainte, où des combats violents se poursuivent entre les partisans de Moqtada al-Sadr et l’armée américaine épaulée par leurs supplétifs irakiens. Dans le même temps, les appels à la trêve et à la négociation se multiplient.
Comment sortir de l’impasse ? Chacun des deux camps cherche à sauver la face et à gagner du temps. Après maintenant près de deux semaines de crise, Moqtada al-Sadr a cependant engrangé des points sur le plan politique. Grand absent de la Conférence nationale réunie à Bagdad qu’il boycotte, il est pourtant au centre des discussions des délégués.
Les participants au forum ont dépêché hier une délégation à Najaf pour proposer une solution négociée, mais qui n’a pas été reçue par le chef rebelle, pour des raisons de sécurité. Selon l’un de ses membres, « on ne peut pas parler d’échec, car nous avons eu des réponses positives de la part des proches de Moqtada al-Sadr ».
Leur plan de sortie de crise s’articule autour de plusieurs points : départ des miliciens de Moqtata al-Sadr du mausolée de l’imam Ali, désarmement des combattants chiites, transformation de l’Armée du Mehdi en parti politique, mais aussi assurance que les miliciens chiites ne seront pas inquiétés après la levée du siège et bénéficieront d’une amnistie.
Moqtada al-Sadr sait que, tant qu’il reste retranché dans les lieux saints de Najaf, il dispose d’une sorte assurance-vie provisoire. Même si les autorités irakiennes répètent depuis plusieurs jours qu’un assaut est imminent, elles n’ont toujours pas donné le feu vert, preuve de leur hésitation. Mais elle commence à perdre patience.
Le Premier ministre en position délicate
Hazem Al-Chalaan, le ministre irakien la Défense a tenu des propos très belliqueux vis-à-vis des assiégés laissant entendre qu’un assaut était toujours à l’ordre du jour. « Nous sommes en passe de terminer nos préparatifs militaires », a-t-il dit avant d’ajouter, « Nous allons leur donner une leçon qu'ils ne sont pas prêts d’oublier ».
Une décision qui reste à très hauts risques. Un bain de sang serait inévitable si la garde nationale irakienne donnait l’assaut, un acte lourd de conséquences pour le gouvernement d’Iyad Allaoui qui prétend raffermir l’unité nationale. Prudents, les Américains ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à l’assaut, sauf en apportant un appui logistique.
Le Premier ministre, avare en déclarations depuis le début de cette deuxième révolte chiite, se trouve toutefois dans une position délicate. Chaque jour qui passe constitue pour lui un défi à son pouvoir, déjà mal assuré et contesté dans de nombreux secteurs de la population irakienne. Homme des Américains qui le poussent à agir, Iyad Allaoui sait qu’il joue gros dans l’affaire : de l’issue pacifique ou non de la crise, dépend une bonne part de son avenir politique. Quant à Moqtada al-Sadr, s’il sort indemne de ce bras de fer, il disposera d’une influence considérable sur la scène irakienne.
par Christian Chesnot
Article publié le 18/08/2004 Dernière mise à jour le 18/08/2004 à 15:16 TU