Union européenne-Turquie
Le commissaire sème l’espoir
(Photo: Commission européenne)
De notre correspondant à Ankara
«Jamais l’Europe n’avait donné autant d’espoirs à la Turquie». A l’affût de la moindre petite phrase, du plus faible indice sur la teneur du rapport du 6 octobre – et donc de la décision du Sommet européen de décembre –, les observateurs de la presse turque ont été servis par une verve inhabituelle pour le commissaire Verheugen, effectuant la dernière visite de son mandat et, chacun l’espère ici, du long chemin de la Turquie vers l’Europe. Il faut dire que cette tournée avait été annoncée par un commentaire sibyllin et terriblement ambivalent du même Verheugen: «Le rapport [de la Commission] réservera des surprises»! Comme si, pour sa tournée d’adieu, il avait tenu à «chauffer la salle» pour mieux se faire écouter, et applaudir avant de quitter la scène sur une tirade magnifique et définitive. De fait, comme le suspense ne pouvait résider dans une nouvelle rebuffade qui ne constituerait qu’une répétition des scènes précédentes au dénouement tragique, il a d’entrée de jeu concédé que cette surprise serait «essentiellement positive». Il n’en fallait pas plus pour distiller une euphorie mal contenue et réciproque.
«Bienvenue en Europe!». Les affiches qui accueillaient le «citoyen Verheugen» – ici, il n’était manifestement plus «commissaire»… – dans le sud-est de la Turquie, qu’il ne pouvait manquer de visiter pour la première et dernière fois, n’ont pas manqué de l’émouvoir : «A côté du turc et de l’anglais, en quelle langue est-ce écrit ?», a-t-il demandé à son hôte Osman Baydemir, maire (pro-kurde) de Diyarbakir. Apprendre que les slogans y prônaient, dans la langue locale longtemps interdite, une Europe «de Stockholm à La Vallette, de Lisbonne à Istanbul et à Diyarbakir» lui a confirmé que bien de l’eau avait coulé sous les ponts dans ce pays dont il suit la destinée depuis cinq ans. «Il y a deux ans, une telle chose était encore impensable, c’est bien le signe que les choses changent», commenta-t-il. Au gouverneur de la province, Nusret Miroglu, il a expliqué que son «but était de vérifier la situation sur le terrain et d’apprendre ce que pensent les gens des réformes, combien celles-ci affectent leur vie et si elles ont ou non des défaillances».
Un rapport «honnête et juste»Assistant dans la soirée à un concert en langue kurde, rencontrant de nombreuses associations de la vie civile, il a pu se rendre compte que «des pas ont été faits vers une meilleure reconnaissance des droits socio-culturels, mais [que] ce n’est qu’un début». Il a également appelé le gouvernement à se montrer plus «décidé» dans la «réductions des inégalités socio-économiques et l’amélioration de la qualité de vie de la région». Parce que «l’Union européenne donne beaucoup d’importance au développement du sud-est (turc)», Günter Verheugen a également tenu à visiter un des villages vidés au début des années 90 par la guérilla séparatiste et sa répression militaire, et à appeler à la poursuite de leur réoccupation par les populations poussées à l’exode, peu à peu autorisées à revenir. L’actualité, avec la mort mardi matin de deux policiers à un point de contrôle attaqué par des rebelles armés, devait lui donner une occasion de rappeler que «la violence ne serait jamais une solution», alors que «la majorité de la population est pacifique et condamne ces attaques».
«Les entretiens qu’a eus M. Verheugen l’ont favorablement impressionné et il repartira probablement avec un sentiment positif», analysait déjà mercredi matin, à la moitié de son séjour, la chaîne d’informations continue NTV. Car sur l’épineuse question des droits de l’homme et du respect des minorités ethniques ou religieuses, il s’est convaincu que «la Turquie a faite sienne la philosophie de la défenses des libertés» individuelles et collectives, inscrite en préambule des critères de Copenhague, ajoute la chaîne de télévision. Bien sûr, il reste «quelques failles dans la mise en pratique des réformes», et c’est pour en juger que le commissaire européen effectuait cette longue tournée, mais «tout ne peut être réglé en une nuit», lui a répondu le Premier ministre Tayyip Erdogan, affirmant que son gouvernement continuerait d’y travailler. Un gouvernement lui aussi satisfait d’entendre de la bouche de son hôte que le rapport serait «honnête et juste», qu’il n’y aurait «pas de nouvelle condition» posée à la Turquie et qu’il était «contre tout nouveau report» d’une décision sur la date de début des négociations.par Jérôme Bastion
Article publié le 08/09/2004 Dernière mise à jour le 08/09/2004 à 08:20 TU