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Yémen

Le prédicateur rebelle tué après trois mois de siège

Photo non datée du prédicateur Hussein Badreddin Al Houthi, tué par l'armée yéménite. 

		(Photo: AFP)
Photo non datée du prédicateur Hussein Badreddin Al Houthi, tué par l'armée yéménite.
(Photo: AFP)
Les autorités yéménites ont annoncé ce vendredi la mort de Hussein Badreddin Al Houthi, au terme d’affrontements qui ont duré trois mois et fait près de 400 morts.
Pour le pouvoir du général Ali Abdallah Saleh, il était temps que cela cesse. Depuis le 18 juin, ses forces de sécurité étaient narguées par un jeune prédicateur, Hussein Badreddin Al Houthi, retranché avec près de 3 000 de ses partisans dans les montagnes de Maran, à 250 kilomètres au nord de Sanaa, la capitale, tout près de la frontière saoudienne.

Al Houthi, fils d’un chef religieux respecté, avait plusieurs années durant représenté au parlement le parti religieux traditionaliste Al Haq, avec lequel il a rompu en 1997 pour fonder un groupe clandestin armé, les Jeunes Croyants, tandis qu’il se proclamait emir al mouminine (commandeur des croyants). Al Houthi appartenait à la branche zaïdite du chiisme, minoritaire dans l’ensemble du Yémen, mais majoritaire dans la partie nord-ouest du pays. En lui-même, le zaïdisme n’est en aucune façon un mouvement révolutionnaire subversif, à tel point que le président de la République lui-même appartient à cette branche de l’islam, tout comme le président du parlement.

Mais Al Houthi, lorsqu’il a franchi le pas de la clandestinité, a reproché aux autorités de ne pas respecter la loi islamique, notamment dans les établissements scolaires, et son mouvement s’est d’abord fait connaître par des opérations visant à empêcher les élèves de se rendre en classe. Par la suite, les Jeunes Croyants ont organisé, à Sanaa et ailleurs, des manifestations hostiles aux Etats-Unis qui ont alarmé le pouvoir.

Victoire à la Pyrrhus

En effet, depuis le 11 septembre 2001, le président Saleh a collé au plus près à la politique américaine conduite par George Bush, et notamment sa «guerre contre la terreur». Cette attitude découlait directement de ce qui s’était passé dix ans auparavant: lors de l’invasion du Koweït par l’Irak, le peuple et le gouvernement yéménites n’avaient pas caché leurs sympathies pro-irakiennes. Celles-ci leur avaient coûté fort cher: expulsion de 800 000 travailleurs yéménites par l’Arabie Saoudite et gel de tous les crédits par les États-Unis.

Bien décidé à ne pas renouveler cette erreur, Ali Abdallah Saleh a offert son aide aux Américains avec enthousiasme. Dans un premier temps, les Yéménites ont cru que ce n’était qu’une posture. Mais en voyant arriver les instructeurs militaires américains chargés de débusquer les militants d’al-Qaïda réfugiés dans les tribus, ils ont compris que la coopération sécuritaire entre Sanaa et Washington était bien réelle, d’autant que George Bush ne manquait jamais de lui rendre hommage.

Du coup, l’anti-américanisme de la population s’est reportée sur le gouvernement du général Saleh. L’invasion de l’Irak par la coalition et la détérioration continuelle de la situation en Palestine n’a fait qu’enflammer davantage ce ressentiment. Autant dire que la rhétorique antiaméricaine du cheikh al Houthi rencontre des échos bien au-delà du cercle immédiat de ses partisans.

Aujourd’hui, la rébellion qu’il conduisait est morte avec lui. Mais rien ne dit qu’elle ne renaîtra pas dans d’autres provinces yéménites, qu’elles soient ou non zaïdites. En ce sens, la victoire des autorités sur le cheikh rebelle a tout d’une victoire à la Pyrrhus.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 10/09/2004 Dernière mise à jour le 10/09/2004 à 13:38 TU