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Yémen

Paris penche pour la thèse de l’attentat

Si les autorités françaises restent pour l’instant toujours prudentes en affirmant notamment que «l’explosion survenue sur le Limburg serait due à un attentat», les enquêteurs américains et français sont bien plus catégoriques. Un responsable du Département d’Etat a ainsi affirmé que les experts dépêchés sur place par Washington avaient trouvé «des débris d’un petit bateau sur le pont» du pétrolier. Il a également précisé que «les tests pour des résidus de TNT ont été positifs en certains endroits» de la coque. Un enquêteur français a pour sa part affirmé être «convaincu à 99% qu’il s’agit d’un acte terroriste». L’explosion contre le Limburg a par ailleurs été revendiquée par l’Armée islamique d’Aden-Abyane, un groupe extrémiste yéménite qui figure sur les listes des organisations terroristes.
Les autorités yéménites, qui penchent encore pour la thèse de l’accident, vont devoir, contraintes et forcées, se ranger aux avis des experts français et américains pour qui l’explosion qui a endommagé le pétrolier géant le Limburg est bien «un acte terroriste». Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, François Rivasseau, a en effet confirmé, lors d’un point de presse, que les enquêteurs avaient découvert à bord du navire «des débris matériels n’appartenant pas au Limburg». Selon lui, les témoignages des marins qui se trouvaient sur le pont ainsi que «l’emplacement et la forme du trou provoqué par l’explosion» semblent indiquer qu’il pourrait s’agir d’un attentat. Prudent, François Rivasseau a toutefois refusé de confirmer si des résidus de TNT avaient bien été découverts sur la coque du Limburg, comme l’avait déclaré auparavant le département d’Etat américain.

Le porte-parole a par ailleurs déclaré que la France était plus que jamais «déterminée à identifier les auteurs» de ce drame «pour qu’ils répondent de leurs crimes». Il a également indiqué que les autorités françaises avaient demandé aux postes diplomatiques et consulaires situés «dans les zones à risques» de redoubler de vigilance et de renforcer les mesures de protection des communautés françaises. Il a toutefois refusé d’indiquer qu’elles étaient ces zones, soulignant simplement que Paris ne visait «pas uniquement le Yémen mais avait une vision globale».

L’explosion qui a endommagé la semaine dernière le pétrolier français n’a par ailleurs pas été sans conséquences sur la sécurité des bâtiments de commerce qui transitent dans la région. Le porte-parole du ministère de la Défense, Jean-François Bureau, a ainsi confirmé que «la Marine nationale et les armateurs français étaient actuellement en train d’examiner des mesures de soutien renforcé» pouvant être apportées aux navires de commerce présents dans les zones à risques. Il n’a pas exclu que ces bâtiments puissent bénéficier d’une escorte militaire tout en précisant que «ces mesures d’accompagnement ne sauraient être permanentes». Jean-François Bureau a également rappelé que depuis l’attentat en 2000 contre le destroyer américain USS Cole, la Marine avait intensifié ses échanges d’informations avec les armateurs français afin de garantir une meilleure protection à leurs bâtiments.

Une revendication difficile à authentifier

Quelques heures avant que les experts français, américains et yéménites n’examinent le Limburg, l’Armée islamique d’Aden-Abyane, un groupe intégriste yéménite, a revendiqué l’attaque contre le bâtiment français. Dans un communiqué dont il est difficile de vérifier l’authenticité puisque il a été envoyé sans en-tête, ce groupe affirme en effet que «l’un des escadrons de l’armée a attaqué le pétrolier qui allait approvisionner la Cinquième Flotte américaine pour frapper les frères en Irak». Le texte précise également que «la frappe était en fait dirigée contre une frégate américaine qui se trouvait à côté du pétrolier français». Le ministre français de la Défense a d’ailleurs évoqué «une possible erreur». «La revendication laisse entendre que c’était un bateau américain qui était visé en premier lieu», a en effet affirmé vendredi Michèle Alliot-Marie. «Il y aurait donc une erreur, si je puis dire», a-t-elle ajouté. Le pétrolier français, que le groupe terroriste yéménite accuse d’approvisionner l’armée américaine, devait en fait se rendre en Malaisie.

L’Armée islamique d’Aden-Abyane, est constituée d’un groupement d’islamistes irréductibles parmi lesquels figurent des vétérans de la guerre d’Afghanistan contre les Soviétiques. Ce groupe figure sur la liste des organisations terroristes publiée par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre. Son leader, Abou al-Hassan, avait notamment mené en 1998 une prise d’otage sanglante qui avait coûté la vie à quatre Britanniques. Il avait été condamné à mort et exécuté en 1999. A l’époque, l’Armée islamique d’Aden-Abyane avait menacé de tuer tous les étrangers présents au Yémen s’il n’était pas libéré. Le groupe, qui avait certes organisé une campagne d’attentats entre 1999 et 2001, a ces derniers mois perdu de son influence en raison notamment de la répression accrue menée par les autorités de Sanaa, en collaboration avec les Etats-Unis, contre les mouvements islamistes.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 11/10/2002