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Yémen

Un prédicateur extrémiste assiégé dans la montagne

Milicien yéménite en armes dans le village de Jihana, à quarante kilomètres à l'est de Sanaa. 

		(Photo: AFP)
Milicien yéménite en armes dans le village de Jihana, à quarante kilomètres à l'est de Sanaa.
(Photo: AFP)
Après deux semaines de combats très meurtriers, le président Ali Abdallah Saleh a appelé le prédicateur extrémiste cheikh Hussein Badreddin al Houthi à se rendre aux autorités.

« Je t’invite à te rendre et je te garantis un procès équitable pour les accusations retenues contre toi », a lancé le président Ali Abdallah Saleh à l’adresse de Hussein Badreddin al Houthi, affirmant vouloir éviter une « effusion de sang ».

De fait, l’effusion de sang que prétend vouloir éviter le chef de l’État a déjà largement eu lieu. Si l’on en croit les déclarations faites samedi par le ministre de l’Intérieur devant le Parlement, au cours des deux dernières semaines, 118 personnes ont déjà trouvé la mort : 86 partisans du religieux rebelle et 32 membres des forces de sécurité. Part ailleurs, a ajouté le ministre de l’Intérieur, 120 soldats ou policiers et 21 partisans d’al Houthi ont été blessés au cours des combats, qui se déroulent dans la zone montagneuse de Maran, près de la ville de Saada, dans le nord-ouest du pays, non loin de la frontière saoudienne. Mais selon des sources proches du prédicateur extrémiste, le bilan global de ces deux semaines d’affrontements est plus proche de 200 morts.

Le fief montagneux dans lequel s’est retranché Hussein al Houthi a été encerclé par les chars, l’artillerie, et est constamment survolé par des hélicoptères de combat après l’échec d’une médiation en début de semaine, pour obtenir sa reddition. La délégation chargée de négocier avec al Houthi comprenait des parlementaires, parmi lesquels le propre frère du prédicateur rebelle. L’un des médiateurs, Abdelkarim Jadban, a déclaré à l’AFP que la médiation était compromise par la volonté manifeste d’en découdre de certains soldats. Les partisans du religieux dissident sont armés de mitrailleuses et de lance-roquettes.

Selon le site internet du ministère de la Défense, le cheikh et certains de ses partisans auraient quitté leur bastion, expulsés par les habitants et les insurgés, sans abri ni nourriture, seraient sur le point de se rendre. Compte tenu de l’appel à la reddition lancé par le président de la République, il est permis de douter que la situation des rebelles soit aussi désespérée.

Saleh veut être le meilleur allié de Bush

Cheikh Houthi, qui s’est autoproclamé « émir al mouminine» (commandeur des croyants) appartient à la communauté zaïdite, une branche du chiisme prédominante dans la partie nord du Yémen. Longtemps, le pays a été dirigé par un imam zaïdite, du moins jusqu’à la révolution républicaine de 1962. En 1997, Hussein Badreddin al Houti aurait fondé un groupe armé clandestin s’intitulant « les Jeunes croyants ». Il aurait adopté son propre drapeau (une bannière blanche comportant un arbre en son milieu) et ses partisans portent l’uniforme. Al Houthi aurait publié des fatwas (édits religieux)  condamnant la plupart des gouvernements des pays musulmans comme « illégitimes ».

Mais les autorités de Sanaa reprochent surtout à al Houthi d’avoir organisé des manifestations antiaméricaines après les prières du vendredi, alors que le président Saleh tente d’apparaître comme le meilleur allié des États-Unis. Il est d’ailleurs l’un des rares chefs d’État arabes, avec les rois de Bahreïn et de Jordanie ainsi que le président algérien à avoir accepté l’invitation de George Bush à se rendre début juin au sommet du G8 de Sea Island. Depuis le 11 septembre 2001, le président yéménite a choisi d’être sans réserve aux côtés des Américains dans la « guerre contre le terrorisme », y compris en acceptant la présence sur son sol de commandos et de centaines de militaires, d’agents de la CIA et du FBI, ce qui provoque de vives critiques parmi la population. De violents combats ont opposé les forces de l’ordre et des combattants des tribus lors de tentatives d’arrêter des militants présumés d’al Qaïda.

Cependant, si les autorités affirment que le groupe d’al Houthi est financé par l’étranger, nul n’a en revanche prétendu jusqu’à présent qu’il avait des liens avec al Qaïda, pourtant très présente au Yémen qui est le pays d’origine de la famille Ben Laden. Al Qaïda est en effet un mouvement essentiellement sunnite, fortement marqué par les enseignements de théologiens sunnites comme Ibn Taymiyya, dont les adeptes considèrent les chiites comme des hérétiques et des apostats.

par Olivier  Da Lage

Article publié le 04/07/2004 Dernière mise à jour le 04/07/2004 à 20:44 TU